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Intervention de Dominique Liger

Réunion du 3 mars 2011 à 9h00
Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Dominique Liger, directeur général du Régime social des indépendants :

Je souhaite tout d'abord dire quelques mots sur cette idée répandue selon laquelle les travailleurs indépendants frauderaient davantage que les salariés. Il s'agit tout simplement d'un mythe, comme d'ailleurs l'idée que les indépendants toucheraient de petites retraites : depuis 1973, ces dernières sont alignées sur le régime général et, si elles sont inférieures, c'est tout simplement parce que les indépendants cotisent moins longtemps.

Les administrateurs régionaux et nationaux du Régime social des indépendants souhaitent s'inscrire dans la politique de lutte contre la fraude menée à l'échelle nationale. Parce qu'ils voient dans ce phénomène une distorsion de concurrence, ils y sont particulièrement sensibles, tout comme d'ailleurs à tout ce qui a trait aux exonérations de cotisations salariales et fiscales. Peut-être aurons-nous l'occasion d'y revenir.

Le Régime social des indépendants est récent mais il a hérité de la politique de lutte contre la fraude qui était précédemment menée par les organismes qui ont été fusionnés. Ainsi, si nous gérons désormais, pour le compte de l'État, le recouvrement de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), il s'agit d'un domaine dans lequel la lutte contre la fraude a été développée depuis très longtemps.

Nous exerçons par ailleurs la quasi-totalité de la gamme des métiers de la protection sociale : nous assurons le recouvrement, pour le compte de l'État et pour nous-mêmes ; nous gérons les deux risques principaux que sont la maladie et la retraite, seules les prestations familiales nous échappant. De la sorte nous nous trouvons dans une situation plus proche de celle de la Mutualité sociale agricole (MSA) que de la branche générale.

J'observe d'ailleurs que la lutte contre la fraude concerne la totalité des secteurs de notre activité – recouvrement des cotisations comme versement des prestations –, ainsi que notre mission de service public.

Une autre particularité du régime des indépendants est que nous avons recours à de très nombreux délégataires pour exercer cette mission de service public. Ainsi, l'assurance-maladie est-elle depuis toujours délégué à des organismes conventionnés – mutuelles et assurances – qui traitent pour nous les filières de soins et les remboursements. Pour cette raison, nous ne disposons donc pas d'effectifs importants.

Depuis 2008, nous externalisons également le recouvrement de toutes les cotisations sociales des travailleurs indépendants dont le législateur a souhaité, en vue de mettre en place l'interlocuteur social unique (ISU), confier la collecte et le calcul aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF). Mais cela n'a pas été sans entraîner d'importants problèmes informatiques, qui persistent et dont la résolution mobilise toute l'énergie des agents de nos caisses régionales comme d'ailleurs des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. Or, tant que l'on n'est pas capable d'assurer un service public de qualité pour calculer et pour recouvrer les cotisations, l'efficacité de la lutte contre la fraude est moindre. C'est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons, dans la nouvelle convention d'objectifs que nous nous apprêtons à signer avec l'État, mettre tout particulièrement l'accent sur la lutte contre la fraude en espérant que ces problèmes de fonctionnement sont désormais derrière nous.

Bien évidemment, nous ne sommes pas pour autant restés les bras ballants : conformément aux directives qui ont été données à tous les organismes de sécurité sociale, nous nous sommes organisés, en interne comme avec nos partenaires, pour élaborer un dispositif permettant de détecter et de combattre la fraude. Nos trente caisses régionales et la caisse nationale sont désormais dotées de collaborateurs spécialisés et le service d'audit, chargé de piloter notre lutte contre la fraude, est directement rattaché au directeur général. Nous réunissons de façon assez systématique l'ensemble de nos correspondants fraude. Le processus est donc désormais bien lancé et il devrait produire des effets dans un délai raisonnable.

Alors que les recouvrements liés à la lutte contre la fraude avaient été assez homéopathiques en 2008, les documents que nous vous avons remis montrent qu'ils ont doublé pour atteindre 6,85 millions d'euros en 2009. Ce montant doit être rapporté à l'assiette des six cotisations collectées par le Régime social des indépendants au titre des six régimes qu'il gère, qui dépasse 9 milliards d'euros. On peut comparer ce recouvrement avec ce que nous faisons depuis des années en matière de lutte contre la fraude à la contribution sociale de solidarité des sociétés. Cette taxe, extrêmement impopulaire chez les chefs d'entreprise et frappant les entreprises dont le chiffre d'affaires excède 900 000 euros, devait à l'origine être supportée par les grandes surfaces et bénéficier au petit commerce. Depuis lors, toutes les entreprises y ont été soumises et son produit a été affecté pour partie au Régime social des indépendants et pour partie à la Mutualité sociale agricole et aux autres organismes de protection sociale. Alors que nous prélevons à ce titre 5 milliards d'euros, nous avons réalisé, pour la seule année 2009, 80 millions d'euros de recouvrements dans le cadre de notre lutte contre la fraude. On voit bien d'une part que, lorsque nous disposons d'outils performants et que nous ne sommes pas perturbés par des problèmes informatiques, nous disposons d'un véritable savoir-faire et nous faisons preuve d'efficacité, d'autre part que nous n'avons nullement l'intention de nous soustraire à la politique nationale de lutte contre la fraude.

Nous sommes également chargés de l'immatriculation des auto-entrepreneurs mais la gestion, en particulier le recouvrement des cotisations, a été confiée aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales. Pour nous, ce régime fort utile n'est pas davantage générateur de fraude que les autres, même si son succès – nous immatriculons encore aujourd'hui plus de 25 000 auto-entrepreneurs chaque mois – ouvre de nouveaux horizons aux fraudeurs. Ainsi, afin d'alléger leurs charges sociales, certains entrepreneurs demandent à leurs salariés de recourir à ce statut. Il est assez difficile de séparer le bon grain de l'ivraie, ne serait-ce que parce que 45 % des auto-entrepreneurs ne réalisent aucun chiffre d'affaires – ce qui ne fait bien évidemment pas d'eux des fraudeurs. Qui plus est, il est encore un peu tôt pour savoir combien de personnes qui se sont engagées dans cette voie vont développer suffisamment leur activité pour atteindre le plafond de ce dispositif et en sortir. On peut aussi se demander si l'auto-entreprise n'est pas une façon de légaliser des revenus d'appoint : aujourd'hui, un conseiller d'État, un parlementaire ou un directeur de sécurité sociale peuvent se transformer en auto-entrepreneurs… Quoi qu'il en soit, c'est un sujet qui nous préoccupe beaucoup et sur lequel nous travaillons en étroite relation avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.

Enfin, même si nous ne disposons pas des outils nécessaires pour l'analyser, nous nous intéressons, en étroite liaison avec l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Paris, au développement du commerce par internet. Bien évidemment, nous ne sommes pas concernés lorsque des particuliers procèdent de façon raisonnable à des achats et à des ventes sur des sites comme ebay. Mais on trouve aussi dans ce domaine un certain nombre de professionnels du commerce qui commencent à intéresser sérieusement les services fiscaux et les organismes de protection sociale. En effet, le commerce électronique est une nouvelle façon de développer son chiffre d'affaires, sur laquelle il est extrêmement difficile d'asseoir des cotisations sociales, ne serait-ce que parce que l'on ne sait pas à partir de quel seuil de chiffre d'affaires et d'activité une personne peut être qualifiée de commerçant par internet.

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