Ce diagnostic permet de reconsidérer l'ensemble des mesures mises en place – on peut se demander s'il n'y en a pas trop – et montre l'effet dévastateur des opérations stop-and-go. En début d'année dernière, de nombreuses mesures ont été instaurées. Puis il y a eu le coup de frein brutal de la fin du premier semestre. Il faut expliquer aux gouvernants les effets néfastes de ce genre de procédé.
Je me demande par ailleurs si nous ne gagnerions pas à segmenter l'analyse selon les types de problèmes, et donc à cibler les mesures. Il y a trois catégories : les diplômés qui ne trouvent pas de débouché, les peu qualifiés et ceux qui n'arrivent pas à entrer sur le marché du travail, le tout se superposant aux discriminations, qui impliquent une politique spécifique pour les quartiers par exemple. Ne faudrait-il pas également prévoir des mesures pour les 25-30 ans, qui commencent à connaître le même type de situations que les plus jeunes ?
S'agissant de l'apprentissage, une forme de consensus existe. Mais le rapport montre bien que tous les dispositifs des différents gouvernements depuis 1982 pour le développer bénéficient pour l'essentiel à des jeunes qui ont au moins le niveau du bac. Ce sont les jeunes de niveau V, c'est-à-dire CAP-BEP, qui sont le plus visés, mais leur effectif dans les formations en alternance stagne. Par ailleurs, quel est votre avis sur les contrats d'autonomie ? Lors de la discussion budgétaire, notre rapporteure, Chantal Brunel, les a dits chers et peu efficaces. Pourtant, le Gouvernement vient d'en annoncer 7 000 supplémentaires, ce qui représente un coût d'environ 50 millions d'euros, correspondant en gros au budget perdu par les missions locales pour l'accompagnement des jeunes vers l'entreprise… Quant aux dispositifs d'exonérations de charges, si l'ambiance est plutôt à les restreindre pour cause d'effet d'aubaine, n'ont-ils pas de sens pour des publics très ciblés, par exemple les jeunes des quartiers ?
Il faut enfin régler des problèmes structurels fondamentaux. Dans notre modèle de production, la jeunesse sert de variable d'ajustement. Si nous arrivons à maintenir la compétitivité de notre secteur automobile, c'est par l'embauche, en cas de pic de production, de jeunes en contrat de professionnalisation ou en intérim qui repartent aussi vite qu'ils sont venus. Et c'est la collectivité publique qui finance. Si nous ne nous y attaquons pas, nous pourrons toujours multiplier les mesures, elles ne serviront qu'à consolider ce système de précarité. Remplaçons-les plutôt par de l'accompagnement vers et dans l'entreprise, qui coûte moins cher et est plus constructif. N'y a-t-il pas d'ailleurs deux problèmes différents : la mise à l'emploi de jeunes qui n'ont jamais eu une première chance pour faire leurs preuves, et l'intermittence ? Un jeune sur deux que suivent les missions locales connaît l'emploi, mais de temps en temps. D'où peut-être la nécessité pour le service public de l'emploi d'agir à deux niveaux : d'abord la simple mise en relation entre l'offre et la demande, ensuite un dispositif d'accompagnement très renforcé. Tous les jeunes ont à passer le cap de leur entrée sur le marché du travail. Mais pendant longtemps, on a pensé qu'ils traversaient juste une période de flottement de quelques mois, maintenant quelques années. Aujourd'hui, on a le sentiment que certains se heurtent à un nouveau plafond de verre, qu'ils sont condamnés à l'intermittence. Ce n'est pas acceptable.