Je suis un peu interloqué. J'admets certes l'explication technique de M. Lefrand, qui nous dit qu'il est confus de mentionner territoire de santé et secteur dans le même alinéa. Nous savons que le territoire de santé est plus large que le secteur psychiatrique.
Mais l'explication de Mme la secrétaire d'État me glace le sang ! Elle m'oppose le fait qu'il y a beaucoup d'autres types de prise en charge que dans le cadre du secteur. Mais cela, nous le savions, cela existe depuis toujours. Il y a des établissements privés à but non lucratif qui ne sont pas sectorisés, par exemple les hôpitaux de la fédération des Croix-Marine, que nous connaissons depuis plus de cent ans. Il y a l'intersecteur, ou les services de psychiatrie dans les CHU, qui n'ont pas de secteur. Même si c'est souvent un secteur, dans les SMPR des prisons, les malades qui sortent de prison sont hors-secteur car ils sont en errance. Il s'agit d'ailleurs d'un vrai problème que nous n'avons pas abordé à l'article précédent.
Nous sommes cependant favorables à ce que cette spécificité du secteur soit reconnue comme étant, pour la plupart des patients, qui ne sont pas dans des conditions particulières, la clé de voûte de l'organisation de l'offre de soins psychiatriques dans ce pays, même si l'on sait que des gens continueront d'aller dans tel ou tel service hospitalo-universitaire qui contient un service de psychiatrie. Ce n'est d'ailleurs pas incompatible avec le secteur, loin de là.
Mais à force de le caresser, de l'admirer, et de dire qu'il est formidable, nous sommes ici en train de noyer le secteur dans d'autres choses. Je suis donc extrêmement inquiet, parce que l'on va faire des économies d'échelle, les équipes vont être rassemblées sur un territoire de santé très vaste, et cela sera la fin du secteur.
Avec mon collègue Malherbe, nous avons signé ensemble la création d'une communauté hospitalière de territoire qui va se mettre en place. Nous sommes dans un domaine de coopération entre hôpitaux, et nous en sommes très heureux, puisqu'à quelque cinquante kilomètres de Paris, l'hôpital de sa commune accueille aussi des malades parisiens. Nous sommes donc tout à fait conscients de ces problèmes, mais il n'empêche que le secteur doit rester la clé de voûte de l'organisation psychiatrique de l'offre de soins. Je ne comprends pas ce que vous êtes en train de faire, sinon diluer le secteur dans un ensemble qui existe déjà.
Nous sommes évidemment favorables à toutes les mises en commun quand elles permettent d'être plus efficaces : je pense au problème des urgences, qui dépasse le simple cadre d'un secteur, et peut se poser sur une ville, sur une commune, notamment sur une commune importante qui comporte plusieurs secteurs – nous en savons quelque chose à Paris, et c'est le cas dans bien des villes importantes.
Je ne veux pas ennuyer le rapporteur dans cette affaire, mais je maintiens le désir que la sectorisation psychiatrique soit rappelée dans ce texte, et les explications de la ministre, non seulement ne nous ont pas convaincus, mais indiquent au contraire que quelque chose se prépare qui ne semble pas tout à fait bon. Puisque l'on parle de psychiatrie, il ne s'agit pas de paranoïa, mais d'une vieille habitude de ce qui se trame dans les couloirs du ministère de la santé.