Cet article traite des soins psychiatriques sans consentement en prison mais il n'aborde pas du tout la question de la psychiatrie en prison, pourtant une préoccupation majeure pour notre société.
Nous savons tous que le constat est accablant. Il a d'ailleurs été dressé, notamment, par une mission d'information du Sénat qui précise, par exemple, que 8 % des prisonniers sont schizophrènes, contre 1 % dans la population totale. Les rapporteurs écrivent que « la proportion de personnes atteintes de troubles mentaux les plus graves, la schizophrénie ou autres formes de psychoses, pour lesquelles la peine n'a guère de sens, représenterait 10 % de la population pénale ».
L'altération de la santé mentale des prisonniers, indique également le rapport, peut être une source d'aggravation des troubles mentaux, lorsqu'elle ne les suscite pas, sous le double effet de l'insuffisance des soins dispensés et de l'état des prisons françaises.
Cette situation met en péril les malades, les codétenus, le personnel pénitentiaire, et, ajouterai-je, la société dans son ensemble puisque, écrivent encore les rapporteurs, « l'insuffisance de la prise en charge se manifeste au moment de la sortie de prison, les anciens détenus ne faisant pas l'objet d'un suivi particulier ».
La prison accueille donc des personnes qui ne devraient pas s'y trouver mais qui devraient être traitées. La prison aggrave en effet leurs troubles avant qu'elles ne soient relâchées dans la société. Ce constat accablant est celui que font les sénateurs.
Comment en sommes-nous arrivés là ? Les sénateurs relèvent deux causes.
En premier lieu, alors que, depuis 1810, le code pénal posait le principe de l'irresponsabilité pénale du « dément », une réforme de 1993 a distingué l'abolition du discernement au moment des faits en raison d'un trouble psychique qui entraîne l'irresponsabilité pénale et l'altération du discernement qui ne peut être invoquée que comme une circonstance atténuante – mais qui, dans les faits, a paradoxalement conduit à allonger la durée d'emprisonnement des personnes atteintes de troubles mentaux.
Une deuxième raison est évoquée par les rapporteurs : entre 1985 et 2005, la capacité d'hospitalisation en psychiatrie est passée de 130 000 lits à moins de 90 000, entraînant « une tendance des experts à refuser l'irresponsabilité pénale afin d'éviter de mobiliser un lit d'hospitalisation ».
J'ajouterai une troisième cause, sur laquelle je regrette que nous n'ayons pas de données précises : l'insuffisance du suivi des personnes atteintes de troubles mentaux, aussi bien à l'hôpital qu'en ambulatoire, insuffisance constatée par de nombreuses études. Cette situation peut favoriser les passages à l'acte, qui seront sanctionnés par des peines de prison, prison où ils ne seront pas traités. Je ne m'étendrai pas sur les moyens consacrés à la santé des détenus en France.
Au total, ceux qui étaient dangereux le restent au moment de leur sortie ; quant à ceux qui ne l'étaient pas, beaucoup le sont devenus. Il est par conséquent urgent de repenser la psychiatrie dans le cadre d'une loi générale – j'y insiste – qui se fixerait comme objectif de dépister les troubles mentaux, de les traiter suffisamment tôt, et de surveiller l'évolution de la maladie, ce qui constitue le meilleur moyen de prévenir les actes violents et, au bout du compte, de contribuer à vider les prisons en empêchant que les personnes souffrant de troubles psychiques y entrent.
Pour cela, il nous paraît moins urgent de réformer la loi sur les soins sans consentement que d'arrêter la fermeture de lits d'hospitalisation,…