Un accord spécifique avait été en effet conclu pour leur remise en vol. Mais seuls quatre ont été rénovés par les équipes de Dassault, sur un total d'une douzaine.
Dans le domaine industriel, on peut encore citer Alcatel, un des acteurs importants du marché des télécoms en Libye – mais qui se heurte sur ce créneau à une concurrence chinoise féroce – ou Nexans, pour la fourniture de câbles. Airbus a également signé des contrats pour la fourniture de 41 avions aux deux compagnies libyennes, Libyan airlines et Afriqiyah. Une partie – notamment des Airbus A 330 – a déjà été livrée entre 2008 et 2010. L'aéronautique représente donc un gros poste dans le commerce extérieur de la France avec la Libye, avec l'énergie, les télécommunications et les transports.
Cela étant, sur les grands contrats, la concurrence est extrêmement vive. J'ai mentionné les Chinois, mais les Turcs ont également fait une percée spectaculaire, au point de devenir le troisième partenaire du pays, alors que la Turquie ne faisait même pas partie des six premiers il y a quelques années. Quant à la France, elle se maintient entre la quatrième et la neuvième place – elle était sixième en 2009.
A-t-on senti venir les choses, demande Jacques Myard ? Je l'ai dit : personne ne s'attendait à ce que les choses se passent comme elles se sont passées. Pour autant, au-delà du mécontentement social, qui était gérable avec la redistribution de la rente pétrolière, il existait chez beaucoup de Libyens un sentiment de frustration devant la situation de blocage dans laquelle se trouvait le pays. Depuis deux ans, rien ne se passait, la réforme patinait, et les perspectives d'ouverture tracées par le fils de Kadhafi tendaient à s'éloigner. On sentait même un retour à une forme de nationalisme économique qui n'était pas de très bon augure pour l'investissement étranger. Il existait donc un mécontentement diffus. Cela étant, personne ne pouvait imaginer la suite des événements : ni les Américains, ni les Russes, ni aucun pays arabe.
Même si je comprends, monsieur Lecou, que l'on puisse y voir une forme de contradiction, l'hypothèse d'une division du pays entre plusieurs régions contrôlées par des autorités différentes n'empêche pas que le sentiment d'unité nationale soit un facteur durable susceptible de survivre à l'actuel régime.
Par ailleurs, il existe bien une diaspora libyenne. Dans les années 1950, la Libye était un pays pauvre, et nombre de ses habitants émigraient dans d'autres pays africains pour gagner leur vie, en Tunisie, par exemple. Aujourd'hui, ceux qui partent le font surtout pour fuir un régime autoritaire. De nombreux Libyens sont allés faire des études aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, puis y sont restés. Certains sont toutefois rentrés à la faveur de la libéralisation relative du pays dans les années 2000. Saïf al-Islam, qui pouvait incarner il y a encore quelques années le modernisme et l'ouverture – il montre aujourd'hui un visage bien différent –, avait fait revenir beaucoup d'exilés, qui étaient censés l'aider à mettre en oeuvre la réforme. L'un d'entre eux, le docteur Mahmoud Jebril, est maintenant un des responsables du gouvernement de transition à Benghazi.
En ce qui concerne la question migratoire, la menace est celle d'un flux incontrôlé de migrants subsahariens qui profiteraient de l'anarchie ambiante et de la météo clémente pour traverser la Méditerranée jusqu'à Lampedusa. Le phénomène est réel, et il existe un risque qu'il perdure si les autorités libyennes, quelles qu'elles soient, ne sont pas en mesure de contrôler les flux. Les candidats à l'émigration viennent non seulement du Sud, mais aussi de l'Afrique de l'Est – Somalie ou Érythrée.
Enfin, les institutions libyennes ont été façonnées par Kadhafi. Lui survivront-elles si celui-ci devait partir ? C'est très improbable. Dans le cas où un nouveau pouvoir s'installerait à Tripoli, l'architecture institutionnelle qu'il mettrait en place serait assurément très différente de celle que nous avons connue jusqu'à aujourd'hui.