Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Laurent Castaing

Réunion du 9 mars 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Laurent Castaing, président du directoire et directeur général du Grand port maritime du Havre :

De quelque sensibilité politique qu'on se réclame, on ne peut que se féliciter du discours prononcé par le Président de la République au Havre. Celui-ci a reconnu que la France avait un avenir maritime et qu'il fallait agir en ce sens. Il appartient ensuite à chacun de juger des suites données à ces déclarations.

Compte tenu des investissements importants que nécessite le milieu maritime et des contraintes induites par les règlements internationaux, on ne peut avancer que lentement. J'invite la représentation nationale, tous bancs confondus, à assurer la continuité nécessaire.

Certains des problèmes que connaît le port de Marseille se rencontrent dans tous les ports français. Par ailleurs, Marseille compte deux ports : Marseille-Est et Fos, lequel est capable de vous étonner. Les esprits changent et tout n'est pas désespéré. Marseille a certainement un potentiel. Comme Le Havre, elle a manqué la première donne. En effet, Le Havre n'a pas réussi à attirer le centre européen de distribution de Nike, pour lequel cette entreprise a choisi Anvers. Marseille a laissé passer d'autres occasions, permettant à Barcelone et à Gênes se développer. Une nouvelle donne est cependant en cours, du fait de la crise et de l'évolution de la taille des navires, et il ne faut pas la manquer. La France a ses chances, mais l'augmentation de la taille des navires incite les grands armateurs de porte-conteneurs à souhaiter des plateformes de dimension européenne, avec au plus trois ou quatre escales en Europe : il faut absolument que l'une d'elles soit un port français. À cet égard, Port 2000 est un bon choix, qu'il ne faut pas regretter, même si le manque de crédits n'a pas permis de construire immédiatement toutes les routes et tous les chemins de fer prévus. Il en va de même pour Fos. Pour faire fonctionner ces ports, nous avons encore nos chances, mais c'est maintenant que la partie se joue.

Le travail quotidien des directeurs de port est difficile. Tous les jours, nous sommes pris en otage par de multiples intérêts, qui ne sont pas seulement ceux des salariés. L'une de nos tâches consiste à arbitrer ces conflits d'utilisation et à assurer la neutralité pour laquelle l'État a voulu conserver la maîtrise des ports de notre pays. Il nous faut du pouvoir – nous en avons – et du courage : s'il vous plaît, soutenez-nous !

Pour ce qui est de savoir s'il faut laisser la place à un seul grand opérateur, je n'ai pas de réponse absolue, car cette situation n'est pas sans danger. La réponse dépend de nombreux facteurs, comme la taille des ports. La prudence s'impose. De fait, au-delà de la question sociale, il faut éviter l'installation d'un monopole privé.

En matière d'intermodalité, pour Le Havre, le transport fluvial a augmenté de 13 % en 2008 et de 10 % en 2009. C'est l'un des seuls trafics qui aient progressé durant la crise. Cette progression se poursuit et, pour Le Havre, le fluvial a désormais dépassé le ferroviaire.

Un important chantier multimodal est en cours au Havre. Comme il doit recevoir des financements de l'État, du port et des collectivités, nous avons étudié le dossier et nous avons découvert que le multimodal bénéficie, en Europe, de subventions qui peuvent atteindre 80 % aux Pays-Bas et en Allemagne. Ne soyons pas des enfants de choeur : nous avons besoin de chantiers multimodaux, mais ils ne doivent pas être le monopole d'un seul acteur.

Enfin, n'oublions pas que même les ports européens les plus performants n'acheminent que 40 % de leur trafic par les modes massifiés : il ne faut donc pas négliger le problème des poids lourds – ne pas l'avoir fait a récemment failli coûter très cher au Havre. Même si ce n'est pas politiquement correct, il faut rappeler que le poids lourd reste aujourd'hui le meilleur moyen de transport à moins de 200 ou 300 kilomètres.

Les ports ont besoin de surfaces et ils les disputent aux espaces naturels. Cependant, à l'instar des ports asiatiques, qui accueillent plus de trafic en utilisant moins de place, il nous faut désormais renoncer à des politiques portuaires extensives et commencer à rationaliser l'espace. Pour faire plus sur le même espace, il faut plus d'investissements privés. Or, les investisseurs trouvaient jusqu'à présent plus commode de se faire offrir des surfaces par les ports que d'y installer des équipements comme on le fait en Asie.

Quant à l'éolien en mer, il relève de deux dossiers distincts. Il s'agit, d'une part, de l'industrie éolienne, dont nous devons saluer le développement et pour laquelle de bonnes décisions sont prises. L'autre dossier est celui de l'installation des champs d'éoliennes, qui nécessitera des surfaces importantes dans les ports durant quelques années, avant de céder le pas à la maintenance. Le véritable enjeu consiste à obtenir qu'une industrie éolienne compétitive subsiste dans les ports. Il s'agira là d'une filière importante.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion