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Intervention de Jean-Yves Besselat

Réunion du 9 mars 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Yves Besselat, rapporteur pour avis des crédits des affaires maritimes :

La mer couvre 70 % de la superficie de la planète. Les deux tiers de la population mondiale habitent à moins de 80 kilomètres d'une côte. L'économie maritime et la protection de l'environnement sont aussi étroitement liées. Produisant de cinq à vingt fois moins de CO2que le transport routier,et jusqu'à cent fois moins que le transport aérien, le transport maritime est le plus écologique de tous.

L'Europe a parfois tendance à dévaloriser ses atouts et à considérer que la Chine ne pourra plus être rattrapée. Mais le continent représente 40 % du trafic maritime mondial de marchandises. La Chine, l'Inde, les États-Unis ne viennent que derrière elle. Comme l'a rappelé le président de l'Académie de marine, les trois premiers armateurs mondiaux de porte-conteneurs sont européens : le danois Maersk, l'italo-suisse MSC et le français CMA CGM.

Depuis 2002, la politique maritime de la France s'affirme à travers quatre axes d'action : la sécurité maritime, le développement des grands ports, la croissance du pavillon français, et la formation maritime. J'en assume, au nom du Parlement, ma part de responsabilité.

Je ne reviendrai pas sur l'action remarquable de la France en matière de sécurité maritime, ni sur les nombreuses mesures prises par le Gouvernement. Les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) ont été modernisés. L'inspection des navires a été améliorée : 30 % des bateaux relâchant dans les ports français en font aujourd'hui l'objet, et l'effectif des inspecteurs a doublé – de 60 à 126. L'identification de zones refuges permet désormais aux autorités françaises et britanniques de positionner un navire en difficulté à l'abri des courants et d'éviter les marées noires. Le savoir-faire des préfectures maritimes est reconnu. Elles sont dotées de moyens : chaque zone est pourvue d'un remorqueur de haute mer, ainsi l'Abeille-Bourbon à Brest, l'Abeille-Liberté à Cherbourg et l'Anglian Monarch – que nous partageons avec les autorités de Londres – dans le Pas-de-Calais. Alors que, depuis la catastrophe de l'Erika, 345 incidents de mer ont été répertoriés, aucun n'a dégénéré en accident.

Ce résultat n'est cependant pas définitif. Nos amis anglais semblent avoir décidé, pour des raisons budgétaires, de mettre fin à la présence d'un remorqueur dans le Pas-de-Calais. Le Premier ministre a fait une représentation auprès de son homologue britannique, en raison du caractère unilatéral de la décision, alors que l'usage de l'Anglian Monarch est partagé entre la France et le Royaume-Uni. Par ailleurs, le coût annuel des quatre remorqueurs anglais postés entre la Cornouailles et le Pas-de-Calais est de 15 millions d'euros, à comparer avec le milliard d'euros qu'a coûté le sinistre de l'Erika. Le tarif d'assurance est attractif !

De plus, comme l'a exposé M. Francis Vallat, de nouvelles difficultés sont à attendre de la circulation maritime dans le Pas-de-Calais. Aujourd'hui, 700 navires par jour l'empruntent ; dans cinq ans, ils seront 1 000. Ne faudrait-il pas obliger certains navires à prendre à bord des pilotes hauturiers, créer l'équivalent des tours de contrôle du monde aéronautique pour guider les navires dangereux, ou encore édicter de nouvelles interdictions de circulation, à l'exemple de celle décidée à Malaga, à l'initiative du Président Jacques Chirac, pour les pétroliers à simple coque âgés de plus de quinze ans ?

M. Castaing a raison signaler le caractère économique incontournable des ports français : 40 000 emplois directs, sur les quais et les zones logistiques, et 120 000 emplois indirects. Or, l'élément moteur de la croissance du fret maritime de demain, c'est le transport par conteneurs. Si 4 millions d'entre eux transitent par les ports français – dont 2,4 millions au Havre soit 55 % du trafic- le seul port d'Anvers en traite 4 autres millions. C'est dire quelles perspectives de croissance s'ouvrent aux ports français s'ils se dotent des moyens d'agir. Les négociations entre partenaires sociaux s'achevant, à mon sens, par une paix honorable, l'activité devrait reprendre normalement. Ce n'est pas une rêverie de penser qu'en six ou sept ans, 5 000 emplois supplémentaires pourraient être créés au Havre.

Aujourd'hui, le pavillon national français – pavillon 1er registre, registre international français (RIF) et registre DOM-TOM – comprend 310 navires, contre 210 il y a quatre ou cinq ans. Le nouveau régime constitue un succès relatif. Les 1 600 emplois induits par sa création ne sont toutefois pas suffisants. Ces 310 navires doivent être rapportés aux 1 000 navires sous contrôle d'armateurs français. On voit bien l'intérêt d'un règlement du problème de la complaisance, qui rebute de nombreux armateurs. Il convient de mettre fin aux éléments contraires au bon sens signalés par Mme Avé : la protection sociale offerte par le pavillon français est bien supérieure à celle du pavillon belge. MM. Quéneudec et Vallat l'ont rappelé : le pavillon français, ce sont des emplois français, de la richesse créée en France par des armateurs français, et une dynamique positive. Il faut, chers partenaires sociaux, signer la paix des braves !

La formation des marins est un enjeu capital. L'ENSM, qui réunit les quatre centres de formation de Marseille, Nantes, Saint-Malo et Le Havre, sera une école d'ingénieurs. L'objectif poursuivi par sa création est la dynamisation de l'enseignement maritime, son insertion dans le cursus LMD – licence, master, doctorat – et, sur cette base, son ouverture à l'ensemble des universités et des écoles d'ingénieurs françaises et étrangères s'intéressant au transport maritime. C'est une révolution copernicienne.

Actuellement, les quatre centres scolarisent 1 000 élèves. Chaque promotion en comporte 300. Au Havre, nous avons fait le pari au de tripler cet effectif : passer à 1 000 élèves. Alors que le déficit en officiers se monte à 1 000 en France et 10 000 en Europe, il faut avoir l'audace de répondre à la croissance annuelle de 8 % du trafic maritime mondial. L'école sera transférée de son site actuel de Sainte-Adresse, devenu vétuste, vers les docks. Nous y créons un centre de recherche sur la sécurité maritime. En effet, il n'est pas d'école d'ingénieurs digne de ce nom sans centre de recherches. De surcroît, les banques de données produites par les institutions voisines chargées de la sécurité maritime – la préfecture maritime, les CROSS, le Bureau enquêtes accidents – ne sont pas utilisées aujourd'hui de façon systématique et scientifique. Le centre de recherches les exploitera pour maîtriser l'accident de demain.

Enfin, les métiers de la mer – assureur et courtier maritimes, armateur, expert, banquier, fiscaliste, juriste, consignataire, mais aussi contrôleur de navires, enseignant maritime, administrateur des affaires maritimes, officier de port, expert de société de classification, juge et avocat spécialisés en droit maritime, marin du remorquage, pilote ou encore lamaneur – constituent un ensemble riche et diversifié. Le développement de la filière maritime est un enjeu essentiel pour leur succès. Ces professions s'exercent à l'international, leur présence est capitale pour notre pays. Depuis 2002, les pouvoirs publics avancent avec intelligence et succès, même s'ils rencontrent parfois des réticences.

Enfin, le domaine maritime de la France classé en ZEE, le deuxième du monde, est non pas de 11 mais bien de 12 millions de kilomètres carrés, comme l'a rappelé M. Francis Vallat. Ce million de kilomètres carrés supplémentaire, deux fois la superficie du territoire national, a été obtenu grâce à l'excellence des travaux et des négociations menés par l'IFREMER, leader mondial en la matière. Nous devons saisir ensemble cet atout formidable pour la France et l'Europe.

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