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Intervention de Jean-Pierre Quéneudec

Réunion du 9 mars 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean-Pierre Quéneudec, président de l'Académie de marine :

Pour l'Académie de Marine, vieille dame de deux cent cinquante-neuf ans, l'activité maritime d'aujourd'hui témoigne du conflit grandissant entre l'affirmation continue de la mondialisation économique et la division du monde en entités politiques souveraines.

Tandis qu'une approche ne voit dans les États que de simples obstacles au développement des échanges permis par une mondialisation débridée, ces États, quels qu'ils soient, s'efforcent de développer la régulation de l'activité maritime afin d'en conserver le contrôle. La mondialisation est une réalité de toujours du transport maritime. Les États, à commencer par la France, en ont toujours organisé la défense pour garantir la sécurité de leurs approvisionnements. Ils ont aussi pris en charge l'emploi des gens de mer : historiquement, les « inscrits maritimes » formaient la réserve des équipages des flottes de guerre.

Sous l'Ancien Régime, le pacte colonial réservait au pavillon national le trafic entre la métropole et les colonies. La Révolution vit l'adoption par la Convention d'un acte de navigation assurant à ce pavillon le monopole des importations et des exportations de la République. Sous la Restauration sont venues les surtaxes de pavillon. La réserve du trafic au pavillon français s'est ensuite maintenue pour le cabotage et le trafic avec l'outre-mer.

La décolonisation a donc été un choc pour le transport maritime français. Il en a été de même de la construction européenne. Non seulement la libre circulation des travailleurs s'appliquait, mais elle touchait un secteur jusqu'alors administré, les différentes formes d'assistance prodiguées entraînant un surcoût pour le pavillon français.

À partir des années 1960 sont aussi apparus les risques de pollution des côtes françaises. Les évolutions des règles du droit de la mer ont poussé la France à se comporter de plus en plus en État côtier.

La France continue à se vanter d'être, avec une zone économique exclusive (ZEE) de 11 millions de kilomètres carrés, la deuxième puissance maritime du monde. Mais de combien d'avions et de navires dispose-t-elle pour les surveiller ?

Notre pays a également eu le réflexe de se transformer en État du port ; il est à l'origine du premier Mémorandum de Paris, en 1979. Enfin, chacun ici l'a reconnu, la France doit rester un État du pavillon.

La marine française est-elle en déclin ? Certes, quatrième marine du monde en 1948, elle n'en est aujourd'hui que la vingt-neuvième ou la trentième par le nombre de navires et le tonnage. Il reste que l'un des trois premiers armateurs de porte-conteneurs dans le monde – tous européens – est français.

La précieuse expérience de notre pays dans l'exploitation de l'outil naval doit être préservée : la part du savoir-faire et de la technologie s'accroît dans la construction de navires et de structures à forte valeur ajoutée. La création de l'Académie de marine, en 1752, a coïncidé avec l'essor de la navigation maritime moderne pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, lui-même intimement lié à celui des sciences et des techniques. Peut-être faut-il s'en souvenir pour souligner aujourd'hui l'importance du savoir scientifique et intellectuel dans l'industrie maritime.

La France dispose d'emplois maritimes qualifiés. La création de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) est un atout à exploiter. N'oublions pas les initiatives privées, comme l'association La Touline, dont l'objectif est de placer les navigants français. La dissémination dans le monde des qualifications françaises peut être envisagée avec d'autant plus d'optimisme que la France a aussi à faire valoir son expérience dans d'autres métiers liés au commerce maritime : expertise technique, certification – je pense au Bureau Veritas – contrôle et suivi des navires, assurances et crédit maritimes.

La France jouit donc d'atouts pour tenir sa place dans le monde maritime. Il lui suffit de s'en servir : comme l'a écrit, il n'y a pas si longtemps, le romancier chinois Yan Lianke, « le fleuve qui coule n'a pas besoin de savoir d'où vient l'eau, et l'eau qui coule n'a pas besoin de se demander si le fleuve a été creusé pour elle ».

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