Disant cela, j'ai sans doute outrepassé mon mandat ; je retire donc mon propos.
Je souhaiterais néanmoins que les acteurs sociaux examinent ensemble comment rendre nos ports plus efficaces, sans craindre de s'inspirer de ce qui se fait ailleurs. L'industrie – d'où je viens – a été capable, sous les coups de la concurrence, de se remettre en cause. Cela n'a pas été le cas des ports.
Par ailleurs, il y a un effet médiatique terrible : tout ce qui se passe est étalé dans les journaux. Les correspondants des armateurs du monde entier, voyant les ports français en grève, se posent des questions, ce qui nous fait souvent plus de tort que le conflit en cours. Souvent, à Anvers, on annonce que le port ne fonctionne pas à cause du brouillard, mais celui-ci masque parfois des éclusiers ou des dockers qui refusent de travailler. Il faudrait moins parler des ports.
Deuxièmement, si l'on veut rester dans la compétition, des investissements sont nécessaires. Quelle part l'État doit-il assumer ? Sans prendre position dans le débat, je noterai que les plus grands ports européens équilibrent leurs comptes en allant chercher des financements sur les marchés de capitaux ; il n'est donc pas obligatoire que la puissance publique soutienne la totalité des investissements. Évidemment, plus le port est petit, plus c'est difficile ; l'action portuaire a alors un rôle d'aménagement territorial. Toutefois, les considérations locales doivent impérativement s'inscrire dans une vision nationale.
Troisièmement, la – bonne – réforme que vous avez adoptée va mettre les entreprises, qui ont longtemps vécu à l'ombre des ports, face à leurs responsabilités : elles devront devenir de vraies sociétés, qui se modernisent et qui investissent. Mais peut-être ne s'y sont-elles pas assez préparées.
Quatrièmement, il faut renforcer la liaison avec l'hinterland. Stop aux idées reçues : il ne s'agit pas seulement d'un problème d'écologie ou de développement durable. Si le port de Hambourg évacue 35 % de ses conteneurs par le train, ce n'est pas pour défendre l'environnement, mais pour des raisons d'efficacité économique. Sur ce terrain, la France est en retard sur les autres pays européens. Il faut améliorer les infrastructures, mais également veiller à leur bon usage : il ne sert à rien de construire des voies ferrées si elles ne sont pas utilisées par des entreprises efficaces.
On en revient à la défense du pavillon français, qu'il convient d'assurer si l'on veut développer la liaison des ports français avec le reste de l'Europe, alors que se met en place un réseau transeuropéen de transport. Vieille lune ? Détrompez-vous : il existe des demandes en ce sens. Ainsi, un grand industriel allemand du bord du Rhin a demandé, il y a quelques mois, à travailler avec nous pour ne plus être dépendant de sa seule liaison rhénane avec Anvers et Rotterdam.
Faudrait-il que les opérateurs portuaires soient nécessairement français ? D'ores et déjà, ce n'est plus le cas ! Et si l'on craint les investisseurs asiatiques et moyen-orientaux, qui sont pourtant des partenaires comme les autres, tout le monde semble ignorer que les Belges sont déjà très présents dans nos ports, et que la compétition est très sérieuse. La défense du pavillon français nécessite sans doute que tous les opérateurs portuaires ne passent pas entre des mains étrangères, mais nous n'en sommes pas encore là.