Sur la séparation des comptes, il faut rappeler tout d'abord qu'il s'agit d'une obligation issue de la directive européenne. Ce n'est donc pas une exception française : effectuant une mission à Berlin, sur le fret ferroviaire et l'ouverture à la concurrence, j'avais été frappé de constater que l'un des moyens utilisés par la Deutsche Bahn pour empêcher ses concurrents - dont certains Français, car il faut voir les choses dans les deux sens - de prendre pied sur son marché était de couper l'alimentation électrique des hauts parleurs de sonorisation sur les quais desservis par la concurrence !
En France, les gares appartiennent à l'État, qui les met à la disposition de la SNCF, les quais à RFF, et les dispositifs d'information à la SNCF. Ce qui compte, c'est la qualité de l'information dispensée, et, pour la mesurer, un régulateur s'avérait nécessaire, dont le rôle implique qu'il ne soit pas à la fois juge et partie. Deux choix se présentaient et une réunion interministérielle a permis de trancher : soit la DCF était transférée à RFF, soit – et c'est ce qui en définitive a prévalu – elle restait au sein de la SNCF, à l'instar de l'entité « gares et connexions ». Conformément au droit communautaire, il fallait alors qu'elle soit isolée du reste de la société de façon étanche, avec des comptes séparés, de manière à prévenir toute distorsion de concurrence. Peut-être faudra-t-il aller plus loin mais cela relèvera d'une nouvelle séquence.
J'en viens au fret et aux OFP, que M. Chassaigne a abordés sous l'angle de la création d'emplois. Il n'en existe pour l'instant que trois : un dans le Massif Central, un à La Rochelle, et un dans le port de Dunkerque – Europorte 2 – au titre d'une délégation de service public. L'étroitesse de l'échantillon ne nous permet donc pas de porter un jugement d'ensemble. Quelle en est la raison d'être ? Un OFP, sur un territoire délimité, par l'investissement d'acteurs locaux comme des mandataires de transports multimodaux ou les chambres de commerce et d'industrie, a pour objectif de trouver des clients et de massifier une offre qui pourra ensuite être transférée sur des trains longs, opérés par l'opérateur historique ou par ses concurrents.
Ce dispositif est issu de la loi « Grenelle I » et de l'Engagement national pour le fret ferroviaire de septembre 2009, qui avait lancé le défi d'augmenter la part du ferroviaire dans le transport de marchandises alors qu'elle reste très faible et qu'elle a encore dégringolé du fait de la crise. Il faut avoir une vision à long terme : toutes les gares et les embranchements de fret n'ont pas pu être transférés à un établissement public, dont je souhaite qu'il soit RFF et aucun OFP de stature régionale, permettant d'apporter un flux de marchandises massifié et d'enclencher une véritable croissance de l'activité sur trains longs, n'a encore vu le jour. L'idée n'est donc pas de réduire l'emploi, mais bien plutôt d'en créer, chez les OFP locaux et régionaux, chez l'opérateur historique comme chez les alternatifs. Dans tous les pays où le fret a été ouvert à la concurrence, la part modale du ferroviaire dans le transport de marchandises a augmenté, comme cela s'est vu en Allemagne.