Je ne souhaite pas intervenir en contrepoint de mon co-rapporteur mais, si vous le permettez, dans une autre tonalité. Car si nous avons travaillé dans un bon esprit et entendu les mêmes choses, il est naturel que je sois amené à les traduire parfois différemment. Le regard porté sur la bonne application de la loi ne remet pas en cause le fait que le groupe auquel j'appartiens était opposé à la dérégulation du marché ferroviaire et qu'il ne soutient pas toutes les composantes de la politique mise en oeuvre dans ce domaine. Comme l'a dit Yanick Paternotte, notre objectif était de voir comment la loi était appliquée, dans quels délais, et, le cas échéant, les difficultés qu'elle pouvait générer.
Première constatation, cette loi était effectivement attendue, avec, en particulier, la création de l'ARAF, qui dispense la France d'un contentieux qui aurait pu être lourd avec l'Union européenne. Ensuite, il est satisfaisant que la loi balaie l'ensemble des secteurs du transport et il convient de souligner qu'elle n'a pas généré de difficulté particulière d'interprétation.
Tout en souscrivant à l'analyse présentée dans le rapport – et je n'ai pas une virgule à changer aux propos de Yanick Paternotte ! -, je souhaite cependant en tirer des conclusions un peu différentes.
S'agissant du secteur ferroviaire, il est exact que nous nous attendions à une plus forte demande de sillons de la part de nouveaux opérateurs. Tel n'a pas été le cas et nombre de nos interlocuteurs ont fait valoir que la crise économique les avait conduits à se recentrer sur leur coeur de métier traditionnel. Le secteur des transports subit la crise de plein fouet et cela explique pour partie la prudence des opérateurs ferroviaires. D'autres raisons ont mis un frein à leur enthousiasme, comme le flou sur l'évolution des péages. Pour l'exploitation d'un service de trains à grande vitesse, il faut savoir que le montant des péages influe pour 30 % à 50 % du coût total. J'en déduis que même si une loi est bien construite et même si les décrets sont pris – ce qui n'a pas toujours été le cas en l'occurrence ! -, l'évolution du droit ne suffit pas à faire évoluer un système ferroviaire. Nous l'avons vu pour le fret en 2006 et nous le constatons une nouvelle fois pour le transport de voyageurs : seul un investissement massif sur le réseau permettra d'ouvrir de nouveaux sillons, de sécuriser les tarifs et de motiver de nouveaux opérateurs potentiels. Le développement d'un secteur tel que le ferroviaire est impossible sans un fort investissement de la puissance publique. Si la présente loi est fondatrice, elle aura probablement besoin, à l'épreuve des faits, d'être complétée à l'avenir. L'intervention législative ne suffit pas si l'état du réseau ne permet pas de sécuriser les nouveaux intervenants.
J'en viens à l'article 5 de la loi, issu d'un amendement du Gouvernement et qui traite de la région d'Île-de-France en modifiant les relations entre la RATP et le STIF. S'il donne un mode d'emploi, en faisant tour à tour de la région d'Ile-de-France un cas particulier ou un territoire soumis au droit commun de l'ensemble des régions, force est de constater qu'il est resté lettre morte faute de décrets d'application. Introduit tardivement par le Gouvernement, cet article d'accès difficile avait été présenté par le secrétaire d'État chargé des transports de l'époque, qui nous avait alors affirmé, se fiant sans doute au président de la RATP, qu'il avait recueilli l'accord du président de région. En réalité, si les décrets d'application ne sont pas pris, c'est que la loi renvoie à un accord entre la région et la RATP, notamment sur le montant des investissements transférés, et que cet accord n'étant pas acquis, cet article reste lettre morte. Que l'on ne m'en veuille pas d'en conclure que lorsque le processus d'élaboration de la loi n'est pas mené correctement, les dispositions qui en découlent restent de pure forme.
La mission de contrôle nous a permis d'identifier ce qui avait bien fonctionné, en particulier la loi elle-même, qui a été bien rédigée et bien établie. Parallèlement, nous avons relevé certaines difficultés, notamment celle, bien réelle, qui concerne le siège de l'ARAF. S'agissant des deux rapports non transmis au Parlement, j'estime, Monsieur le président, que notre commission serait dans son rôle en rappelant le Gouvernement à ses obligations. Il n'est jamais trop tard pour bien faire !