Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Martine Billard

Réunion du 8 mars 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Billard :

Aujourd'hui, un étranger en rétention dans un centre comparaît devant le juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures, avant qu'il ne soit statué sur sa libération. La commission des lois a accepté de nouveau la disposition repoussée par le Sénat qui écarte la décision du juge des libertés en reportant son intervention à cinq jours. Avec ce délai, le juge administratif interviendra avant le juge des libertés pour décider de la légalité de la mesure d'expulsion, avant que l'on ait statué sur la légalité de sa rétention.

Vous avez aussi renforcé une nouvelle fois, de façon absurde et grotesque, la condamnation des mariages blancs, repoussant à sept ans de prison et 30 000 euros d'amende les peines encourues, alors qu'il faudrait abroger ce dispositif.

D'abord, celui-ci est d'une qualité juridique tout à fait douteuse. On se demande bien comment les autorités vont pouvoir prouver qu'il y a eu « escroquerie aux sentiments ». La logique de l'article reflète bien votre idéologie. Il fait peser sur les étrangers cette idée de présomption de fraude et de tentative de tricherie permanente. Au final, cela revient à en faire un délit plus grave que celui de recel, par exemple, et plus grave que la détention du produit ou du résultat d'un crime. Vous en faites une peine équivalente à celle de l'ex-dictateur du Panama, Noriega, que le tribunal correctionnel de Paris a condamné à sept ans de prison, mais lui c'était pour le blanchiment de l'argent de la drogue !

Quant à la déchéance de nationalité, non seulement il s'agit au départ d'une mesure absurde à usage politicien, mais vous avez même été tentés d'en étendre encore le périmètre aux délinquants condamnés trois fois à la prison. Cette mesure, quel qu'en soit le périmètre, aurait créé une nationalité à deux vitesses. Il est parfaitement scandaleux de prétendre mettre en tel système en place. Démagogique, il est par ailleurs parfaitement contraire à la Constitution qui stipule, dans son article 1er, que tous les Français sont égaux devant la loi quelle que soit leur origine. En effet, la déchéance de nationalité propose de classer les personnes entre « Français de souche » et « Français d'origine étrangère », rompant ainsi avec la logique d'égalité et créant des « Français en sursis ».

Enfin, l'instauration de cette double peine est contraire à la Convention du Conseil de l'Europe que la France a signée, qui interdit la déchéance de nationalité pour des motifs de droit pénal général.

La commission des lois a également rétabli les mesures à l'encontre des sans-papiers souffrant d'une pathologie grave. Cela fait des années que vous essayez de revenir sur les dispositions existantes. Le texte revient ainsi sur la possibilité de régularisation des sans-papiers malades. Il remet également en cause la disposition introduite en 1997 qui interdit l'éloignement des personnes gravement malades. Il s'agit là d'un recul considérable qui va encore plus loin que ce que la loi prévoyait initialement, qui est très éloigné de ce que proposent les directives européennes et condamne de fait des milliers de personnes à une mort certaine. En remplaçant l'idée d'accessibilité par la notion de disponibilité des soins, vous renvoyez les étrangers résidant habituellement en France à une profonde inégalité. Les soins sont formellement disponibles partout dans le monde, sans qu'il soit pour autant possible de se faire soigner ou de se payer les traitements. Combinée à la réforme de l'AME, une telle disposition nous expose à de graves problèmes de santé publique. Les microbes n'ont que faire des frontières ou de savoir si le porteur a des papiers en règle. Il relève de la santé publique, si ce n'est de l'intérêt général, de soigner ces personnes. Toutes les associations se sont alarmées de cette mesure, qui est par ailleurs tout à fait contraire, encore une fois, à vos engagements. Je me souviens des débats en première lecture, notamment des engagements du Plan national de lutte contre le sida.

Au final, vous créez un véritable régime d'exception pour les immigrés. À vouloir sans cesse détourner l'attention des causes du chômage et de la précarité, vous cassez durablement le tissu social. Vous feriez mieux de vous occuper de tous ceux qui cherchent à échapper à l'impôt, plutôt que des migrants qui cherchent simplement à fuir la misère et la pauvreté.

Si le sujet n'avait pas été aussi grave, on aurait presque pu ironiser lorsque le Président de la République a déclaré au Puy-en-Velay que « ce sont ceux qui contribuent à toute la chaîne de solidarité qui participent de l'image et de l'identité de la France ». C'est pourtant le même Gouvernement qui n'hésite pas à engager des poursuites contre celles et ceux qui viennent en aide aux personnes fuyant la misère, les guerres et les violences en tout genre.

Au final, ce quatrième texte en sept ans est celui qui souffle sur les braises du Front national, celui du racisme libéré, celui qui légitime l'idée que l'immigration serait coupable de tous les dégâts causés par les politiques libérales, depuis trop longtemps maintenant. À décomplexer ce sentiment, vous embourbez la France dans une scandaleuse image d'elle-même. C'est ainsi que Mme Brunel, députée UMP, n'hésite pas à emboîter le pas au Front national en proposant de remettre les immigrés dans les bateaux, quand Marine Le Pen propose de les repousser dans les eaux internationales. Comment peut-on oublier toute humanité au point de renvoyer consciemment à la mort des êtres humains qui ne sont coupables que de rechercher une vie meilleure ?

Votre panique à la perspective de perdre les élections vous amène aux surenchères les plus sinistres au point d'en être prisonniers et de ne plus pouvoir vous démarquer du Front national. À quoi bon ? N'avez-vous pas appris depuis le temps que les électeurs racistes préfèrent l'original à la copie, le Front national à l'UMP ? Malheureusement, la situation actuelle risque de nous donner raison avec un seul point positif : vous faire perdre les élections de 2012 et nous les faire gagner. Nous refusons globalement ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion