S'il est un point qui ne doit souffrir d'aucune ambiguïté, et qui doit tous ici nous rassembler, c'est bien celui-ci que je vais énoncer maintenant : la République a le devoir de soutenir et de protéger les membres de nos forces de l'ordre et plus largement l'ensemble des dépositaires de l'autorité publique lorsque ceux-ci se trouvent physiquement menacés. Elle a le devoir de poursuivre et de réprimer, et ce avec la plus grande sévérité, les criminels qui attentent à la vie d'un policier, d'un gendarme, d'un juge ou d'un préfet.
Y a-t-il pour autant vraiment lieu d'aborder cette question au détour d'un texte dont le principal objet tient à l'organisation de notre politique d'immigration ? Faut-il vraiment lier sur ce point le droit pénal au droit de la nationalité, quitte à verser dans une certaine confusion et quitte à activer certains réflexes dangereux ?
En réalité, et derrière la charge symbolique qu'on lui prête, la disposition que notre commission avait fait le choix de réintroduire à l'article 3 bis de ce projet était pour le moins inopportune et je me réjouis que vous en ayez pris conscience quelques heures avant le début de notre débat. En effet, une telle disposition aurait eu pour première conséquence de créer une inégalité de traitement entre les auteurs de crimes français et… les auteurs de crimes français. Ce n'est pas une erreur de lecture. La loi aurait ainsi introduit la subtilité du « Français de toujours » et du « Français de pas toujours », du « Français en CDI » et du « Français en période d'essai », du « Français d'origine contrôlé » et du Français « made out of France » qui a encore l'emballage sur le dos et qui pourrait repartir d'où il vient. Permettez-moi de vous le dire très spontanément : c'était du grand n'importe quoi !
Cette disposition était très choquante, car elle introduisait dans notre droit fondé sur l'égalité une différenciation inutile, malsaine et sujette à d'infinis contentieux ! L'autre inégalité de traitement eut été une distinction étonnante entre ceux qui ont une double nationalité et ceux qui ont la seule nationalité française. Dans la mesure où le droit international empêche les États de faire de leurs propres citoyens des apatrides, seul un binational ou un multinational pouvait être concerné par ces nouvelles procédures. Bref, mes chers collègues, on était sur le point de créer une sorte de hiérarchie entre les meurtriers, selon qu'ils seraient ou non nés Français.
Ce qui nous était proposé, c'était ni plus ni moins d'accréditer, et de traduire dans notre droit, l'idée selon laquelle il existe en France une différence définitive et ineffaçable entre les fils naturels et les enfants adoptifs de la République, et ce bien que l'article 1er de notre Constitution dispose, en toutes lettres, que la République assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, et ce sans distinction d'origine.