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Intervention de Stéphane Demilly

Réunion du 8 mars 2011 à 21h30
Immigration intégration et nationalité — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

Immigration, intégration et nationalité : il y a ainsi, pour tout projet de loi et quel que soit son contenu, des intitulés qui d'eux-mêmes suffisent à déchaîner, de part et d'autre de notre spectre politique, l'orage des anathèmes et autres caricatures.

C'est un fait, l'immigration est un sujet qui exacerbe les clivages et qui appelle le plus souvent la posture politicienne. On vient encore de le constater à l'instant. Pour notre part, au groupe Nouveau Centre, nous pensons que seuls l'honnêteté intellectuelle et l'esprit de responsabilité sont de nature à faire aboutir l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi.

Au premier rang des caricatures, il y a celle, fomentée par la gauche, d'une France qui aurait fermé ses portes à l'étranger pour tourner le dos à sa tradition pluriséculaire d'accueil des réfugiés. Une France qui se serait brutalement muée en une véritable forteresse et dont ce projet de loi ne chercherait finalement qu'à calfeutrer les failles.

Et pourtant, mes chers collègues, les chiffres démentent cette caricature puisque, chaque année, plus de 180 000 titres de long séjour sont délivrés par les autorités de notre pays qui reste donc fidèle à son histoire en se plaçant sur le podium mondial de l'accueil des réfugiés. Permettez-moi de le rappeler en préambule.

La rupture, s'il en est une, est venue, en 2007, de la volonté de lier plus étroitement la question de l'immigration à celle de l'intégration. Le rééquilibrage de notre politique d'accueil au profit d'une immigration à caractère professionnel s'inscrit dans le sens de cette nouvelle orientation.

Le pendant de cette orientation « immigration professionnelle-intégration », c'est une grande vigilance et une grande fermeté en ce qui concerne l'immigration irrégulière, et notamment vis-à-vis de ceux qui l'exploitent à des fins mercantiles.

Nous le savons tous ici, derrière la détresse indéniable de certains étrangers en situation irrégulière, il y a ces véritables trafiquants d'êtres humains que sont aujourd'hui les passeurs qui s'enrichissent de la misère humaine, qui n'hésitent pas à envoyer des migrants risquer la mort en Méditerranée ou ailleurs, et qui seraient, mes chers collègues, les premiers à profiter d'une politique laxiste en termes de régularisation des étrangers sans titre.

Cela étant dit, pourquoi discuter de ce qui s'apparente bien à un énième projet de loi sur cette question ?

Le premier élément de réponse tient à ce qui constitue aussi à nos yeux le principal apport de ce texte. En effet, depuis l'adoption, en novembre 2007, de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, c'est une véritable révolution qui s'est opérée en termes de politique migratoire avec la montée en puissance, sur cette question, de l'Union européenne.

Dès lors que les frontières intérieures étaient abolies au sein de l'Union, toute gestion à la seule échelle nationale des flux migratoires était purement et simplement condamnée à l'échec. De fait, l'Europe souffrait, tant dans l'organisation de l'immigration légale que dans la lutte contre les réseaux clandestins, d'un manque criant de cohérence qui ne pouvait qu'amener de l'eau au moulin de tout ce que notre classe politique compte d'eurosceptiques.

Pourtant, et nous n'avions eu de cesse de le déplorer, de longues années ont dû passer pour qu'à force de vaines incantations à la solidarité entre États membres, les esprits évoluent et que l'Europe se dote enfin, en la matière, d'une véritable stratégie commune.

Dans la foulée du Pacte européen pour l'immigration et l'asile, adopté sous présidence française à l'unanimité des États membres, les institutions communautaires, Parlement et Conseil, ont adopté, entre décembre 2008 et juin 2009, trois directives.

Ces directives dénommées respectivement « retour », « carte bleue européenne » et « sanctions » constituent aujourd'hui l'embryon d'une politique commune en matière d'accueil des étrangers qualifiés, de lutte contre le travail illégal et de reconduite des migrants en situation irrégulière. Permettez du reste aux centristes, comme à tous ceux qui croient en l'avenir politique de la construction européenne, de s'en réjouir.

Dans une Europe bien trop souvent freinée par son obsession du consensus, où le technique prend trop souvent le pas sur le politique, la discussion de la directive « retour », qui n'a pas été épargnée par les caricatures, a néanmoins fait figure d'heureuse exception en plaçant les travaux du Parlement européen au coeur de l'attention citoyenne.

Le premier objet du projet de loi concerne la nécessaire transposition de ces trois directives, l'exercice ne se limitant pas à une simple traduction. En effet, si ces textes fixent bien des standards au niveau communautaire, ils n'en laissent pas moins une large marge d'appréciation aux États. Les débats en première lecture l'ont montré et cet examen en deuxième lecture en apportera sans doute une nouvelle fois la preuve.

Au-delà de ces directives, le second objet de ce projet de loi est de compléter et de parfaire notre droit de l'entrée et du séjour des étrangers. Certains événements récents – je pense en particulier à l'arrivée d'une centaine de migrants au mois de janvier dernier en Corse-du-Sud – ont en effet révélé des incohérences surprenantes au sein de notre code de l'entrée, du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il est apparu à cette occasion qu'un migrant entrant en France par un point de passage régulier a moins de droits à faire valoir que celui qui s'échoue sur une plage.

L'autre adaptation majeure de notre droit de l'entrée et du séjour des étrangers tient à la nécessaire clarification des rôles entre juge administratif et juge judiciaire. Je ne reviendrai pas sur les obstacles constitutionnels à l'unification pure et simple de ce contentieux au profit de l'un ou l'autre de nos ordres de juridictions, mais je veux souligner combien l'imbrication extrême, et souvent paradoxale, de ce contentieux nuit à l'efficacité et, par là même, à la crédibilité de l'action publique.

En l'état, le projet de loi a le mérite de clarifier les rôles de chacun en donnant au juge administratif la mission d'intervenir le premier pour examiner la légalité de la mesure de rétention, le juge judiciaire intervenant pour sa part après un délai de cinq jours afin de veiller au respect de la liberté individuelle du migrant placé en rétention. Là encore, il s'agit à nos yeux d'une simplification souhaitable que nous réclamions dès 2007.

Au terme de la première lecture, députés et sénateurs ont d'ores et déjà apporté leur soutien à ce qui constitue l'architecture générale de ce projet de loi. Mais si les divergences entre nos assemblées sont rares, elles n'en sont pas moins fortes et lourdement symboliques.

Il en va ainsi notamment, mes chers collègues, de ce qui constitue sous certains aspects la grande affaire de ce projet de loi, je pense bien évidemment à l'opportunité d'une extension de la procédure de déchéance de la nationalité française aux criminels qui auront attenté à la vie d'un membre de nos forces de l'ordre ou plus largement d'une personne dépositaire de l'autorité publique.

Supprimée à une large majorité par le Sénat, cette disposition avait néanmoins été réintroduite dans le texte à l'initiative du Gouvernement lors de son examen par la commission des lois de notre assemblée.

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