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Intervention de Sandrine Mazetier

Réunion du 8 mars 2011 à 15h00
Immigration intégration et nationalité — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier :

Cela révèle l'échec de la politique menée. Vous êtes soit exagérément modeste, soit inutilement habile, monsieur le ministre, en vous référant uniquement à 2007, car il s'agit de l'échec de la politique menée depuis 2002, théorisée et construite par Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, candidat aux élections présidentielles et enfin Président, dont vous avez toujours été le plus proche collaborateur.

C'est l'échec de la loi Sarkozy de 2003 qui allongeait déjà la durée de la rétention, que le présent texte allonge de nouveau, à l'article 41. Même causes, mêmes effets : ça ne marchera pas non plus.

C'est l'échec de la loi Sarkozy de 2006 qui créait des quotas absolument « soviétoïdes », des listes de métiers en tension par régions, prétendant substituer à l'immigration subie l'immigration choisie et qui n'a fait que précariser davantage les travailleurs migrants et leurs familles.

C'est l'échec de la loi de 2007, une des premières de la législature, qui prévoyait un entretien d'assimilation des valeurs de la République préalable à toute naturalisation, l'ancêtre de la charte que vous proposez à présent. La semaine dernière, nous étions, avec le rapporteur Claude Goasguen, le président de la mission sur le droit de la nationalité Manuel Valls et d'autres parlementaires, dont George Pau-Langevin, dans une préfecture qui représente 10 % des naturalisations annuelles dans notre pays. Eh bien, cet entretien d'assimilation des valeurs de la République que vous avez créé dans la loi de 2007, à laquelle vous venez de vous référer, n'y est toujours pas mis en oeuvre !

Vous enchaînez les textes, vous êtes dans la fuite en avant, dans l'accumulation de mesures dont nous vérifions chaque jour l'inefficacité.

C'est l'échec de votre prétention à une politique « ferme mais généreuse », ainsi que vous venez à nouveau de la caractériser, politique en réalité inefficace et inhumaine. Jamais le nombre de personnes en situation irrégulière n'a été aussi grand dans notre pays ; nous n'avons jamais eu 400 000, 450 000, peut-être 500 000 personnes en situation irrégulière sur le territoire.

C'est votre héritage, le fruit de votre bilan et de celui des gouvernements auxquels vous avez collaboré d'une manière ou d'une autre.

Échec parce que jamais l'exploitation, la précarité de ces personnes n'a été aussi grande, jamais le recul généralisé de l'État de droit n'a été si manifeste.

Échec d'un des piliers de cette politique, à savoir les accords de gestion concertée de flux migratoires, que vous avez encore rappelés. Avec qui a été institué ce joli dialogue, avec qui ont été signés ces accords ? Les premiers pays signataires, comme par hasard, ont été des dictatures, des pays de corruption : le Gabon de M. Bongo, le Congo de M. Sassou-Nguesso et la Tunisie de M. Ben Ali.

Ce n'est pas le moindre des paradoxes que l'échec de la politique que vous avez théorisée et construite pour le ministre de l'intérieur, candidat puis Président, Nicolas Sarkozy, vous amène à exercer aujourd'hui les responsabilités qui sont les vôtres. C'est d'ailleurs, pour l'ensemble des députés présents, une réelle satisfaction d'avoir enfin devant nous le vrai responsable de cette politique, et non l'un de ses ventriloques.

Tout a changé en un an, y compris dans votre majorité. Le discours de Grenoble et l'été qui s'en était suivi avaient été dénoncés par quelques voix courageuses dans votre majorité ; Dominique de Villepin avait même dénoncé, dans une tonitruante tribune, « une tache de honte sur notre drapeau » ; Jean-Pierre Raffarin avait souligné la nécessité de faire travailler les deux hémisphères du cerveau de la majorité. Et puis, au-delà des rangs de la gauche, mobilisés depuis toujours sur ces questions et contre ce texte, il s'est déjà trouvé plus de trente députés dans votre majorité pour ne pas voter ce projet de loi en première lecture. Ils sont choqués comme nous par la défiance manifestée à l'égard des juges, par l'extension infinie du pouvoir arbitraire et discrétionnaire de l'administration, par la stigmatisation des étrangers et d'une part conséquente de nos concitoyens, par la stigmatisation des couples mixtes, par la déstabilisation de l'ensemble de ce qui fait société dans cette république depuis des années.

Ensuite, l'examen au Sénat a démontré que votre majorité explosait devant les atteintes réitérées au pacte républicain et aux valeurs universalistes de la France à la fois dans ce texte et dans son contexte, c'est-à-dire dans les débats lancés sur l'identité nationale, sur la burqa, sur la qualité de Français et sur l'islam en France. Le rapporteur au Sénat et les sénateurs ont fait très largement évoluer le texte, Claude Goasguen le rappelait à l'instant, en modifiant, il y a quelques jours à peine, plus de quatre-vingts articles. À ce moment-là, le Gouvernement, faisant preuve de sa surdité et de son sectarisme habituels, est revenu sur la totalité de ces évolutions, à une très récente exception près : il a accepté la suppression de la disposition symbolique d'extension de la déchéance de nationalité. Je salue le talent gymnique de notre rapporteur, qui nous a fait un double salto arrière (Sourires), puisqu'il a absolument contredit ce qu'il défendait lui-même il y a quelques jours devant la commission des lois. Bravo, monsieur le rapporteur, joli talent, mais je ne voudrais pas que ce recul bien provisoire fasse en quoi que ce soit illusion. Tout d'abord, parce que Christian Jacob, néo-président du groupe UMP, très inspiré par des périodes anciennes et peu glorieuses de notre pays, a déclaré que cette disposition qui vient de sortir par la porte de la commission allait très bientôt revenir par la fenêtre de la mission sur le droit de la nationalité – dont le rapporteur est aussi Claude Goasguen. Ensuite, parce que le mal est déjà fait : ce mouvement tactique n'efface ni le discours de Grenoble, ni les blessures infligées à ceux de nos concitoyens qui sont l'objet de stigmatisation et de discrimination permanentes, ni l'ovation réservée à Éric Zemmour, condamné pour incitation à la discrimination raciale, par l'UMP dans l'enceinte même de ce qui s'appelle encore l'Assemblée nationale. Certains, manifestement, ne sont pas à une obscénité près.

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