… si tel est l'objectif, il ne vaut pas la peine d'engager tant pour faire si peu. Nous n'avons pas encore négocié le virage qui s'impose, tant s'en faut. L'inflexion existe, mais elle ne suffit pas à marquer la rupture attendue.
La question du financement est primordiale. Dans le SNIT, la part de l'État est fixée à 32 %, et à 37 % celle des collectivités locales. Mais quelle garantie avons-nous de la pérennité de la première sur un si long terme ? Quelle garantie avons-nous que les conséquences des réformes récemment imposées aux collectivités locales leur permettront d'assumer la leur ? Par ailleurs, la pérennité du financement de l'AFITF n'existe plus depuis que les sociétés d'autoroute ont été privatisées, et dans des conditions innommables ; au vu des résultats financiers des groupes qui les ont achetées, il est évident que l'État n'aurait jamais dû se séparer de cette poule aux oeufs d'or.
Des pistes existent : une part de l'épargne populaire pourrait être affectée au financement des infrastructures de transport, comme une autre l'est au financement du logement social, cependant qu'une fiscalité spécifique pourrait utilement être appliquée à certains « super profits ». Mais, pour l'instant, le moins que l'on puisse dire est que le financement de ces infrastructures ne laisse pas d'inquiéter.
Il faut, Monsieur Paternotte, de la prudence dans l'évocation de la situation des ports français. Alors que chacun sait leur importance pour notre pays et pour l'ensemble du continent européen, la manière dont la plupart des gouvernements successifs les ont traités est sujette à caution. La performance économique d'un port est en réalité conditionnée par les liaisons terrestres qui permettent l'acheminement et le retrait des marchandises, car le coût du trafic maritime et du dépôt des marchandises représente seulement quelques pourcents du coût total. Prétendre que l'activité de nos ports est pénalisée par leur situation sociale, c'est chercher des boucs émissaires au lieu de se confronter aux véritables problèmes.
Le groupe GDR considère que le SNIT, dans sa version actuelle, n'est pas à la hauteur des enjeux : il ne traduit pas la rupture annoncée et ne garantit en rien les financements pérennes nécessaires pour maintenir les infrastructures existantes et créer celles qui font cruellement défaut.
Monsieur Paternotte, vous avez justement rappelé que le SNIT est le fruit du Grenelle de l'environnement, lequel a entraîné des engagements législatifs importants. Certes, il ne fait pas état d'échéances précises ni ne hiérarchise les projets, mais il a pour mérite de dégager certaines priorités. Le dilemme est bien, comme vous l'avez indiqué, de trouver un équilibre satisfaisant entre quantité et qualité des infrastructures.
Lors de la dernière réunion des ministres des transports, qui s'est déroulée en Hongrie en présence du Commissaire européen chargé des transports, il a été décidé que les ports seraient désormais le point de départ du réseau transeuropéen de transport, le RTE-T. Cela me semble intéressant, à condition que la situation sociale évolue favorablement - je constate à ce propos avec satisfaction que l'activité de nos ports est à nouveau normale depuis deux semaines. Bien sûr, Monsieur Daniel Paul, le pré-acheminent et le post-acheminement sont importants, mais le déchargement des marchandises sur les quais ne l'est pas moins et c'est là que le bât blesse pour les ports français. Même si l'exemple n'est sans doute pas parfait, les dockers du port de Singapour ne se sont jamais mis en grève…