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Intervention de Thierry Mariani

Réunion du 1er mars 2011 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Thierry Mariani, secrétaire d'état chargé des transports :

La réalisation d'un schéma national des infrastructures de transport figure aux articles 16 et 17 de la loi dite « Grenelle I ». Ce schéma révise les conclusions du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) de décembre 2003 et il a été élaboré en concertation avec les parties prenantes du Grenelle de l'environnement.

Le 12 juillet 2010, MM. Jean-Louis Borloo et Dominique Bussereau ont diffusé un premier avant-projet qui a fait l'objet d'une concertation au sein du comité national du développement durable et du Grenelle de l'environnement, le CNDDGE. Votre commission a auditionné M. Bussereau à ce propos le 2 novembre dernier. Le document ayant été publié en consultation libre sur le site Internet du ministère, de très nombreuses réactions d'élus, de chambres de commerces et d'industrie, d'acteurs économiques et de particuliers ont été reçues et prises en compte. Pour répondre aux questions et remarques formulées, Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons élaboré une nouvelle mouture de cet avant-projet, laquelle a été présentée au CNDDGE le 26 janvier dernier. C'est de cette version consolidée que je me propose de vous entretenir.

Si ce document conserve la stratégie d'ensemble proposée dans la version initiale, il s'attache à replacer la politique en matière d'infrastructures dans un contexte de soutien au développement d'offres de service performantes ainsi qu'à la recherche et aux nouvelles technologies. En outre, il décrit l'articulation de la stratégie proposée avec la dimension européenne pour répondre à la demande de mobilité sur les plans européen et transfrontalier.

La nouvelle version insiste davantage sur le caractère multimodal et intégré de la politique d'infrastructures et sur la nécessaire complémentarité des différents modes et actions prévus, afin de l'orienter et de la dynamiser au profit du développement des modes de transport alternatifs à la route et à l'aérien.

Si le document privilégie la modernisation et l'optimisation des infrastructures existantes sur le développement de nouvelles infrastructures, il n'en répond pas moins à la nécessité de rattrapage en matière de développement de lignes ferroviaires à grande vitesse, les LGV. Le nouveau schéma clarifie la politique de modernisation de l'État dans les domaines ferroviaire et routier et je vous donnerai quelques exemples des opérations projetées à ce titre.

S'agissant de la route, l'avant-projet consolidé traite notamment de la problématique des territoires enclavés, en particulier à la problématique des territoires enclavés, notamment ceux de montagne, pour lesquels il n'existe souvent pas d'alternative raisonnable à la route. Il affirme la volonté de l'État de mener les travaux d'amélioration nécessaires dans le respect des besoins de mobilité ainsi que des exigences environnementales et de préservation des terres agricoles.

En ce qui concerne le rail, les besoins de renforcement de la capacité du réseau existant, des noeuds ferroviaires et des gares sont pris en compte. Le document apporte un éclairage précis sur la manière dont l'État entend répondre aux besoins de desserte ferroviaire des territoires non desservis par des LGV.

La nouvelle version intègre également les projets routiers d'ores et déjà déclarés d'utilité publique dont la réalisation s'inscrit dans l'indispensable continuité de l'action publique. Au nombre de dix, représentant un peu plus de 200 kilomètres de voies nouvelles et une dépense de 4,6 milliards d'euros, ces chantiers n'étaient pas mentionnés dans la première version.

En évaluant non seulement les dépenses de développement mais aussi celles de modernisation et d'entretien, le document précise le chiffrage des dépenses que susciterait la mise en oeuvre du schéma et indique, à quelques exceptions près, l'estimation actuelle de tous les projets retenus, même s'il ne s'agit évidemment à ce stade que d'ordres de grandeur. Quoi qu'il en soit, l'effort d'investissement sera très important et le réalisme nous incline à considérer que tous les projets et actions prévus dans les vingt à trente prochaines années ne pourront sans doute pas être intégralement réalisés.

J'en viens au calendrier prévu : la nouvelle version du document est mise en ligne sur le site Internet du ministère depuis le 27 janvier dernier. La consultation du public ayant été lancée, tous ceux qui le souhaitent peuvent contribuer à l'élaboration de ce qui deviendra la feuille de route de l'État en matière de politique des infrastructures dans les prochaines décennies. Cette consultation s'achèvera le 20 mars prochain et vos administrés peuvent donc nous faire part de toutes leurs remarques. Une fois cette phase achevée et les dernières mises au point effectuées, le Conseil économique, social et environnemental sera saisi et un débat sans vote sera organisé dans votre Assemblée ainsi qu'au Sénat, si possible avant l'été.

Monsieur le Président, vous avez également souhaité que je m'exprime sur les intempéries du mois de décembre dernier, dont l'intensité et la durée ont marqué les esprits. Il est vrai qu'elles ont entraîné d'importantes difficultés dans les transports, tant dans la gestion de la crise qu'en termes d'information et de prise en charge des voyageurs. Mme Kosciusko-Morizet et moi-même avons souhaité en tirer tous les enseignements.

Les conditions climatiques extrêmes du mois de décembre 2010, le plus froid des quarante dernières années, ont entraîné de fortes perturbations dans les transports routiers, ferroviaires et aériens ; de trop nombreuses personnes ont été bloquées et la circulation des poids lourds a été préventivement interdite. Les agents et les équipements des services publics ont été rapidement et pleinement mobilisés, mais il convient de rester humble face aux caprices de la nature : nous ne pourrons jamais nous prémunir totalement contre les événements de ce type, quels que soient les moyens déployés. Mon devoir n'en reste pas moins de prévoir le plus possible ces phénomènes, afin de réagir au plus vite et au mieux et d'en limiter les conséquences pour l'économie et les déplacements.

Comme l'ont rappelé les spécialistes de météorologie, il n'est pas possible de prévoir l'intensité – en centimètres par heure – ou la durée d'un épisode neigeux, ni même l'heure précise de sa survenance : l'occurrence aléatoire de certains épisodes climatiques interdit en effet toute prévision exacte. La plupart des services de météorologie, y compris au Royaume-Uni où ils sont pourtant réputés excellents, ont d'ailleurs rencontré les mêmes difficultés que les nôtres. En France, il en est résulté que, le 9 décembre 2010, des mesures de « déstockage » de poids lourds ont été annoncées puis repoussées au fur et à mesure des événements, alors qu'elles ont été prises avec plusieurs heures d'avance le 23 décembre, l'épisode neigeux ayant finalement été plus court que prévu.

Pour tirer les enseignements de cette situation, nous avons organisé, les 10 et 13 janvier 2011, deux tables rondes de « retour d'expérience » avec les professionnels et les représentants des usagers des transports terrestres et des transports aériens. Le Gouvernement a décidé d'agir sur trois plans.

Le premier concerne la gouvernance de crise, laquelle doit être plus efficace et mieux préparée. Afin d'améliorer la coordination entre les nombreux acteurs, le ministère chargé des transports et le ministère de l'intérieur ont engagé une réflexion conjointe sur l'anticipation de ces crises et de leurs conséquences. Les tables rondes ont permis d'identifier certaines pistes d'amélioration immédiates, avec la mise en oeuvre d'itinéraires de déneigement prioritaires et d'interdictions de circulation. En vue d'approfondir la concertation, un groupe de travail associant les fédérations de transporteurs s'est penché sur l'application des mesures concernant les poids lourds ; celles-ci devront être ciblées en fonction du réseau, de l'équipement du véhicule et de la nature des marchandises transportées.

Les deux ministères sont également convenus des moyens de renforcer les échanges entre Météo France et les PC zonaux de circulation, afin de faciliter la prise de décision en fonction de l'évolution des conditions météorologiques ; ils envisagent, si la crise l'exige, la présence d'un agent de Météo France dans chaque PC zonal. En outre, la France finalise une proposition visant à ce qu'Eurocontrol concentre les informations concernant les capacités d'accueil des aéroports européens, afin que les aéroports nationaux puissent mieux gérer les déroutements d'avions. Enfin, les difficultés rencontrées par les voyageurs et les personnels pour rejoindre les aérogares en cas d'épisode neigeux ayant été mises en évidence, une réflexion doit être rapidement engagée avec le syndicat des transports d'Île-de-France et les différents acteurs pour faciliter la desserte de ces plateformes – en étendant, par exemple, la fréquence et la durée de service du RER B et d'Orlyval lorsque les conditions météorologiques l'imposent.

Le deuxième point vise, tout en évitant le suréquipement, à réaliser un effort important d'équipement des gestionnaires et opérateurs, l'intensité et la durée des conditions climatiques – bien qu'elles ne correspondent pas à la norme du climat en France – ayant révélé certaines faiblesses. La SNCF s'est ainsi engagée à poursuivre la politique de fiabilisation de ses matériels roulants, à renforcer, avec Réseau ferré de France, la capacité de son infrastructure à supporter des conditions extrêmes de froid et à réfléchir, avec les constructeurs, à la conception de trains plus résistants à la neige.

Les aéroports ont augmenté leur capacité de dégivrage des avions et des pistes en s'assurant d'une autonomie en produits dégivrants et déverglaçants d'au moins dix jours. Certains examinent aussi la possibilité de se doter de nouveaux véhicules et de nouvelles aires de dégivrage. Pour Aéroports de Paris, cela représente un plan d'investissement sans précédent de 60 millions d'euros à redevances constantes.

Les stocks de sel pour le réseau routier national non concédé seront redimensionnés en vue de faire face à huit jours consécutifs d'enneigement ; des consignes en ce sens ont été données aux services déconcentrés compétents. Selon la rigueur de l'hiver, l'État consomme entre 70 000 et 200 000 tonnes par an de fondant routier sur le réseau non concédé, ce qui représente environ 10 % de la consommation annuelle nationale.

Le troisième point vise à améliorer la prise en charge des passagers et la qualité des informations qui leur sont délivrées. Une partie des mesures préconisées sera d'ailleurs portée par la France à l'échelon européen dans le cadre de discussions avec la Commission européenne. La majorité d'entre elles sera opérationnelle dès l'hiver prochain. Parallèlement, l'ancien député Philippe Mathot a été nommé médiateur afin d'assister les voyageurs ayant rencontré des difficultés. La France a globalement mieux géré la crise que ses voisins européens, notamment dans le secteur aérien : contrairement aux aéroports britanniques, allemands et belges, Roissy n'a jamais fermé, assurant un vol sur deux au plus fort de la crise. Il n'en reste pas moins qu'un déficit d'information et une mauvaise prise en charge des voyageurs ont pu générer détresse et désarroi. De nombreuses mesures ont donc été prises afin de renforcer l'information des passagers : je songe, notamment, à la généralisation de l'envoi de SMS et d'e-mails pour prévenir de l'annulation d'un vol ainsi qu'à l'élaboration d'une charte relative à l'information des passagers commune aux compagnies aériennes, aux voyagistes et aux gestionnaires d'aéroport.

S'agissant de la prise en charge des passagers, la France proposera au niveau européen qu'obligation soit faite aux compagnies aériennes de disposer d'un chef d'escale décisionnaire dans les grands aéroports. Il convient également d'augmenter le nombre de kits de couchage dans les aérogares. La SNCF, quant à elle, renforcera l'information des passagers bloqués dans les trains et informera en amont ceux qui ne sont pas encore arrivés à leur gare de départ afin de limiter tout déplacement inutile.

Comme je m'y étais engagé, je réunirai au mois d'avril les experts présents à ces tables rondes pour évaluer l'avancement de l'exécution de ces mesures.

J'ai lu avec intérêt le rapport d'information de Mme Odile Saugues sur les intempéries et la navigation aérienne. Son analyse très précise des événements et les recommandations qu'elle en tire rejoignent les mesures que nous avons proposées dans les transports aériens – je me réjouis, en particulier, que nous soyons d'accord sur la nécessité de maintenir nos aéroports ouverts, sans céder à la facilité. À cette fin, ceux-ci doivent améliorer leurs capacités de réaction aux intempéries hivernales et, avec les compagnies aériennes, redoubler d'efforts en matière d'information et d'assistance aux passagers.

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