Je reconnais que je n'ai pas les mêmes talents qu'Albert Simon… Que la météorologie soit un exercice difficile et qu'il y ait de fausses alarmes, c'est vrai. Un de mes homologues en charge du service météorologique de la NOAA a dit un jour, devant une commission du Congrès, sous forme de boutade, qu'il était étonné de conserver son poste alors qu'il se trompait quatre fois sur dix...
Nous avons des indicateurs objectifs, partagés au plan international, sur les performances des modèles, sur les taux de fausses alarmes et sur le taux de fiabilité des prévisions : les résultats s'améliorent d'année en année de façon spectaculaire. Je tiens ces données à votre disposition.
En matière de vigilance, il existe un comité de suivi réunissant la direction de la sécurité civile et les directions des autres ministères. Nous n'éradiquerons jamais les fausses alarmes, mais leur taux s'est considérablement réduit et nous sommes parvenus à une fiabilité dont nous n'avons pas à rougir. Je tiens à le dire au nom de l'établissement et de son personnel.
La question des crues est complexe : il faut tenir compte du contexte hydrologique et il existe, par ailleurs, différents types de crues, les unes lentes, les autres rapides. Nous sommes parvenus à des résultats assez satisfaisants pour les premières : nous parvenons assez bien à prévoir les précipitations et le temps de réponse des bassins est assez constant. Le travail réalisé en commun avec le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI) et les services de prévision des crues (SPC) a porté ses fruits. Nous allons encore progresser, mais il existe déjà une articulation étroite entre les services.
Les crues rapides posent un problème plus délicat : il s'agit, en effet, de précipitations brutales, telles que les orages cévenols, qui peuvent affecter des petits bassins dont les temps de réaction sont extrêmement rapides. À Draguignan, par exemple, la situation a basculé en un quart d'heure. Quels progrès peut-on envisager dans ce domaine ? Outre les avertissements infra-départementaux que j'évoquais tout à l'heure, nous comptons sur les progrès de la prévision : nous allons rendre les mailles de plus en plus fines grâce à des modèles probabilistes couplés à une meilleure compréhension du terrain – des travaux sont programmés avec le SCHAPI et les SPC pour réaliser des progrès dans ce domaine.
J'en viens aux questions portant sur notre réorganisation territoriale. Le facteur humain est important, mais la question est de savoir s'il faut être installé localement pour réaliser une prévision locale. Nous répondons par la négative. Il faut certes avoir acquis une connaissance des territoires, mais cela ne suppose pas nécessairement d'être présent sur le terrain. Quand mes services me disent qu'ils sont capables d'affiner les prévisions grâce à leur connaissance précise du territoire, je leur demande s'ils peuvent formaliser et transmettre ce savoir, et si ce n'est pas le cas, s'il faudra attendre vingt ou trente ans pour reconstituer ce savoir local en cas de départ à la retraite.
Nous souhaitons évidemment préserver le réseau des bénévoles, que nous essayons de moderniser en lui donnant des outils nouveaux et en mobilisant des gens plus jeunes – il faut reconnaître que la population concernée est un peu vieillissante.
Cela étant, il faut distinguer l'observation et le traitement de l'information. Dans la nuit du 22 au 23 décembre 2010, par exemple, nous avions bien prévu une bande neigeuse qui devait se déplacer d'ouest en est et toucher partiellement la région parisienne. Nous étions à la limite entre la pluie et la neige – il pleuvait sur Paris, mais il y avait dans le même temps huit centimètres de neige à Vélizy. La prévision était bonne : il s'agissait bien d'une bande neigeuse, pas très large, qui se déplaçait et qui était relativement abondante, mais il était difficile de faire une prévision à dix kilomètres près – l'état de l'art météorologique ne le permet pas aujourd'hui. Imaginez-vous la densité d'observateurs nécessaire pour y parvenir ? Il y a un équilibre à trouver.
Quant aux critères retenus, je n'ai, bien sûr, rien à vous cacher. Nous prenons en compte des critères physiques ou géographiques, lesquels justifient, par exemple, le maintien de stations en haute montagne, où la situation est très complexe. Quand il existe deux centres de nature à peu près équivalente, nous examinons les moyens de communication possibles ainsi que la situation du personnel, car nous sommes conscients des difficultés de la réforme. Nous prenons en considération la mobilité plus ou moins grande des personnes. Nous ne les traitons pas comme des pions : nous essayons de trouver des solutions pour chacun.
La question des aéroports dépasse singulièrement le cadre de la réorganisation territoriale de Météo-France : nous devons nous conformer, en la matière, aux prescriptions des autorités de navigation aéronautique européennes, qui déterminent la nature du service qui doit être rendu dans les aéroports et la nécessité, ou non, d'une présence physique sur place.
En ce qui concerne Xynthia, vous avez raison : la surcote était connue et l'avertissement a été donné. On peut, en revanche, s'interroger sur la chaîne d'alerte et sur les conséquences tirées des prévisions. C'est le sens du travail que nous essayons de réaliser dans le cadre de la « vigilance submersion ».
Nous sommes engagés, par ailleurs, dans un travail de modélisation océanographique, et nous avons noué des partenariats étroits avec d'autres organismes tels que le Service hydrographique et océanographique de la marine (SCHOM) et l'IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer). Loin d'être dispersés, les moyens sont aujourd'hui fédérés.
Il faudra procéder en deux temps pour aller plus loin : nous devrons répondre aux phénomènes tels que Xynthia en assurant une couverture à l'échelle départementale, puis nous devrons aller vers une modélisation plus fine au niveau côtier, que l'on peut espérer réaliser dans les quatre ou cinq années à venir, en croisant tous les services d'information géographique.
J'en viens à Mercator Océan : le groupement d'intérêt public (GIP) a été transformé en société civile réunissant cinq partenaires – le CNES (Centre national des études spatiales) en est sorti. Cet outil nous permettra de proposer un service dans le domaine maritime au niveau européen. Pour cela, il faudra faire preuve de vigilance sur le développement du programme GMES (Global monitoring for environment and security) : nous devons permettre à Mercator de se développer. C'est une très belle initiative, que nous avons beaucoup soutenue et qui a déjà porté de nombreux fruits.
J'en viens aux différentes formes de mutualisations. La première d'entre elles concerne les satellites météorologiques, qui sont tous gérés par un seul organisme européen, EUMETSAT – je signale que mon adjoint, Alain Ratier, a été élu à l'unanimité directeur général de cet organisme et qu'il prendra ses fonctions au mois d'août. Cela démontre que la compétence française est reconnue et que Météo-France s'efforce de rayonner au plan international. D'autres moyens d'observation sont également mis en commun : un programme européen permet ainsi d'équiper tous les avions de ligne en capteurs qui nous transmettent des données, et un centre européen de prévision est chargé de travailler sur les prévisions de long terme et de faire de la recherche. Nous y envoyons du personnel, il y a des échanges réguliers, et nous avons développé des partages en matière de développement des codes et de modèles. Notre code source est commun, ce qui permet une meilleure mutualisation.
S'agissant des CROSS, nous poursuivons l'expérimentation que vous avez évoquée.
En matière de gratuité, le modèle américain est très particulier : le service météorologique produit des données mises à la disposition de tous, avec une interdiction de les commercialiser. En Europe, le spectre est plus riche : certains organismes exercent des activités de service public et des activités commerciales, notamment en France, au Royaume et en Finlande, tandis que d'autres ont cessé leurs activités commerciales ou se sont engagés sur cette voie. Dans le cas de Météo-France, certains éléments sont mis en ligne sur le site Internet auquel chacun peut accéder, mais les entreprises peuvent obtenir des prestations spécialisées en souscrivant un contrat. De façon générale, la tendance est à l'élargissement du spectre des informations gratuites.
Quelle est la différence entre les informations fournies par Météo-France et celles des sites américains ? Ces derniers utilisent un modèle global, alors que nous employons un modèle, nommé Arome, dont les mailles sont de 2,5 kilomètres sur 2,5 kilomètres. Nous nous efforçons, en outre, de corriger les biais éventuels grâce à des adaptations statistiques et à notre expertise. On peut raisonnablement penser que les prévisions obtenues par l'application d'un modèle global sont de moins bonne qualité et moins adaptées.