Comme l'ont montré de récents débats, le sujet du changement climatique est source de polémiques. Nous avons affaire, en effet, à deux échelles de temps.
Celle à l'aune de laquelle raisonne le GIEC et fonctionnent les modèles climatiques est d'une centaine d'années. À cette échelle, la modélisation donne des signes très clairs d'un réchauffement climatique. La physique de l'atmosphère est en effet toujours un peu la même. Ainsi, quand on fait tourner un modèle sur des événements passés, en fonction des observations faites à ce moment-là, le modèle reproduit plutôt bien ce qui s'est passé. C'est déjà une première assurance que l'on a un outil qui capte bien la réalité. À l'horizon de la centaine d'années, nous sommes donc confiants.
C'est à une échelle moindre, entre notre époque et la centaine d'années, que les difficultés scientifiques commencent. Il est incontestable que les dix ou quinze dernières années ont été, en moyenne, plus chaudes que la normale, y compris sur le territoire national. Mais qu'en sera-t-il dans dix, vingt ou trente ans ? Ce que nous appelons la « prévision décennale » est en effet délicate, car autant la tendance générale est claire, autant des cycles existent. C'est ainsi qu'à la tendance de longue durée se combinent des variations interannuelles, liées à des cycles – par exemple, l'oscillation nord Atlantique. En matière de recherche, comprendre la saisonnalité à l'échelle décennale est donc un enjeu majeur. Pour autant, ce n'est pas parce qu'il y a des oscillations régulières que cela invalide les modélisations et le diagnostic que l'on formule sur le long terme.
Dans ces conditions, il est difficile de tirer, des événements climatiques actuels, en particulier de l'épisode neigeux du mois de décembre dernier, des conclusions en lien avec le changement climatique.
Prenez l'exemple de Xynthia, qui a conduit de nombreuses personnes à se demander si de telles tempêtes n'allaient pas se reproduire plus souvent. Les modélisations tendent à montrer qu'il n'y aura pas nécessairement davantage de tempêtes liées au changement climatique sur l'Atlantique, mais qu'en revanche le rail, c'est-à-dire la ligne sur laquelle elles se déplacent, remontera sans doute vers le nord. Or, paradoxalement la tempête Xynthia a démarré plus au sud que ce que l'on a l'habitude de voir. On ne peut donc, en aucune manière, l'attribuer au processus climatique en tant que tel.
Nous avons encore besoin d'affiner nos connaissances pour apprécier le lien éventuel entre le réchauffement climatique et l'intensité de certains phénomènes dans les dix à quinze ans à venir. Mais nous parlons ici de phénomènes extrêmes. Si nous parlons de la sécheresse ou de la baisse des réserves en eau, le lien avec le réchauffement climatique est clair et la tendance que je rappelais est bien présente.
Que peut donc apporter Météo-France au plan national d'adaptation au changement climatique ? Ne pouvant intervenir que pour ce qui concerne l'amont, l'établissement ne peut qu'indiquer aux acteurs, dans les limites actuelles de nos connaissances, ses scénarios d'évolution du climat, avec des projections à vingt ou trente ans et des déclinaisons à maille plus fine au niveau territorial. Notre apport dans le cadre du PNACC est donc, d'une part, de participer aux groupes de travail et de faire la pédagogie du climat et du changement climatique, et, d'autre part, de mettre à la disposition de tous les acteurs nos scénarios climatiques, aussi régionalisés, que possible pour qu'ils puissent les prendre en compte dans leurs plans d'action en matière de tourisme, par exemple.
J'en viens à la réorganisation territoriale. Comme je l'indiquais, Météo-France compte sept directions interrégionales – Rennes, Bordeaux, Aix-Marseille, Lyon, Strasbourg, Lille et Paris –, ainsi que des centres départementaux. Ces derniers sont parfois assez récents : le mouvement tendant à leur création date des années 1980, et certains d'entre eux n'ont été installés que dans les années 1990. Ces implantations de Météo-France, qui sont de petite taille, car elles ne comptent en moyenne que six personnes, n'accueillent pas du public au sens où la Poste et les services des impôts peuvent le faire.
Il convient, par ailleurs, de ne pas confondre les centres départementaux et les moyens d'observation en tant que tels. Nous avons plusieurs centaines de stations d'observation et des radars. Ces moyens ne seront pas affectés, car leur densité permet d'alimenter nos modèles de prévision et de garantir leur qualité.
La prévision se fait aujourd'hui à trois niveaux : une première prévision est réalisée au niveau national, à Toulouse, pour l'ensemble du pays ; elle est ensuite complétée et réexaminée au plan interrégional, avant d'être encore reprise une troisième fois. Ne nous voilons pas la face : ce système est lourd et complexe, et parfois source d'incohérence. Dès les années 1990, il avait été envisagé de ne conserver que deux niveaux de prévision et de simplifier le mode d'organisation territoriale, la petite taille et le morcellement des entités ne permettant pas nécessairement d'atteindre la taille critique à chaque niveau.
Mise temporairement de côté, cette réflexion a repris au début des années 2000 : les constats techniques n'ont pas changé – on peut envisager des modes de fonctionnement plus efficaces –, et surtout des considérations budgétaires et financières se sont mêlées à la question : afin de pouvoir continuer à investir, à innover et à s'améliorer, Météo-France a intérêt à redéployer ses moyens pour assurer des prestations de même qualité à coûts constants, voire à coûts réduits.
Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls concernés : les deux autres services météorologiques européens de grande taille et de référence, ceux de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne, se sont engagés dans des évolutions comparables. Les moyens britanniques sont aujourd'hui rassemblés dans un seul centre unique, implanté à Exeter, avec une antenne en Écosse. Les Allemands disposent d'un centre à Offenbach et de six ou sept centres régionaux dans les Länder.
Nous essayons, pour notre part, de prendre en compte la spécificité française en réduisant, certes, notre réseau grâce à une meilleure articulation de nos moyens – nous allons ainsi passer de 108 à 55 centres –, mais en conservant une densité sans équivalent en Europe. Cette organisation renforcera notre efficacité : elle permettra de traquer certaines incohérences, d'adopter un mode de fonctionnement plus léger et plus adapté, mais aussi de redéployer des ressources vers des enjeux essentiels tels que la recherche, le climat et l'observation. Ces évolutions nous permettront, en outre, d'améliorer notre réactivité en situation de crise. Je rappelle, par exemple, que les centres départementaux étaient jusque-là fermés la nuit. Nous pourrons désormais être plus réactifs.
À la suite de la crise sociale assez lourde qui a eu lieu au sein de notre institution, le choix a été fait, en 2008, de prendre du temps pour réaliser ces évolutions. Les annonces sont faites au moins trois ans à l'avance, et nous suivons la procédure prévue par l'article 29 de la loi de 1995 sur l'aménagement du territoire : le préfet doit être informé des perspectives d'évolution et il doit, à son tour, informer les élus concernés. Il peut, en outre, organiser une concertation à l'échelle départementale. Même s'il pourrait résulter quelques difficultés de la fréquence des réunions des commissions départementales d'organisation et de modernisation des services, c'est dans ce cadre, monsieur Marcon, que vous avez été sollicité. Nous essayons d'expliquer clairement nos projets et la façon dont nous comptons procéder. J'ignore quels sont exactement les documents qui vous ont été soumis, mais nous veillerons à remédier aux difficultés portées à notre attention.
J'en viens aux opérations immobilières, qui sont au nombre de trois. La première d'entre elles n'affecte pas notre budget, mais son importance m'oblige à la mentionner : il s'agit du déménagement de notre siège du quai Branly à Saint-Mandé. La matière d'ouvrage relève du ministère lui-même : c'est lui qui construit le nouveau bâtiment, commun à l'Institut géographique national et à Météo-France. Le siège du quai Branly ayant été vendu à la Fédération de Russie, nous sommes aujourd'hui ses locataires. Notre objectif est d'avoir déménagé en octobre 2011. Le bâtiment devrait être livré au cours de l'été.
À cela s'ajoutent deux autres opérations relevant directement de Météo-France. La première consiste à construire deux bâtiments sur le site de Toulouse pour accueillir des équipes aujourd'hui installées à Trappes et relevant à la direction des systèmes d'observation. Le transfert des équipes de Trappes vers Toulouse sera ainsi parachevé. La construction des bâtiments est en cours, et les bâtiments devraient être livrés en 2012, pour un coût global de 12 millions d'euros. Une seconde opération consiste à construire le futur calculateur de Météo-France. Compte tenu du vieillissement des installations de la Météopole et de la taille du nouveau calculateur, nous avons établi un partenariat local avec le pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) de l'université de Toulouse. La mutualisation du calculateur est malheureusement impossible du fait de nos exigences opérationnelles, mais l'infrastructure d'accueil sera commune : deux calculateurs seront localisés au même endroit afin de réaliser des économies. L'opération, dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par le PRES en liaison avec le conseil du Grand Toulouse, devrait être achevée en 2013. Le dossier d'avant-projet détaillé est aujourd'hui presque terminé. Le respect de l'échéance est crucial, car le calculateur doit être remplacé en 2013 : il faudra que l'infrastructure soit disponible à ce moment-là.
Pour le reste, je reconnais bien volontiers que nous pouvons encore progresser en matière de procédures administratives et de délais. C'est une vraie préoccupation. On peut parfois trouver de bonnes explications, telles que l'application stricte des règles de procédure, mais nous devons être non seulement rigoureux, mais aussi rapides, dans la mesure du possible.