Lointain descendant de la Direction de la météorologie nationale, Météo-France est un établissement public administratif, dont l'activité est triple : appuyer la puissance publique dans la gestion et la maîtrise des risques ; mettre la météorologie au service de l'aéronautique – ce qui représente près de 25 % de l'activité de l'établissement ; gérer une activité – minoritaire – de nature commerciale.
Concernant, en premier lieu, la sécurité des personnes et des biens, l'appui à la puissance publique, coeur de notre activité, porte aussi bien sur la gestion de crises météorologiques bien connues, comme les tempêtes ou les épisodes neigeux, que sur l'aide au ministère de la défense en matière météorologique ou à celui de la santé lors de la survenance de crises de type canicule.
Le dispositif phare en la matière est la vigilance météorologique, née au début des années 2000 après les tempêtes de 1999. Faute de se l'être approprié, le système de prévision existant n'était en effet pas assez connu du public et des autorités. Le dispositif de vigilance s'est alors développé et enrichi progressivement.
La carte de vigilance qui vous est projetée, reprend le processus mis au point pour avertir la puissance publique de certains risques. Une fois cet avertissement donné, ce sera à la sécurité civile, au sein de la chaîne d'alerte, de prendre le relais.
J'en viens, toujours au sein de ce volet régalien, au soutien aux forces armées. Il s'agit à la fois de la formation des météorologues militaires et de la fourniture de moyens météorologiques projetables – en Afghanistan, par exemple, il peut être intéressant pour les armées de disposer d'un modèle météorologique spécifique au cadre afghan afin d'appuyer les opérations.
S'agissant, ensuite, de la météorologie au service de l'aviation, l'action de Météo-France s'inscrit dans un cadre un peu particulier, celui du « Ciel unique européen », l'établissement ayant été désigné comme l'opérateur chargé de fournir des prestations de météorologie à l'aéronautique, ce qui recouvre aussi bien le vol en altitude que l'approche, périodes pendant lesquelles des prestations sont fournies aux autorités de navigation aérienne, aux compagnies et aux différents usagers.
Enfin, troisième volet, les activités commerciales représentent entre 10 et 15 % de l'activité de Météo-France. Au-delà des éléments de base fournis au titre du service public en matière de prévision et d'avertissement, certains acteurs économiques – du BTP, des médias ou encore de l'énergie – peuvent avoir des besoins spécifiques qui supposent de notre part, à partir des données météorologiques disponibles, un travail complémentaire, une expertise ou un appui, sur la base de contrats de nature commerciale. À cet effet, l'établissement public s'appuie sur ses métiers de base, qui vont de la recherche – pour améliorer les outils de prévision – à l'observation. Une bonne prévision météorologique exige en effet d'observer si l'on veut pouvoir entrer des données dans les modèles – modèles opérationnels et données à traiter qui supposent des supercalculateurs.
S'agissant de la recherche, celle-ci porte sur deux grands domaines : la prévision numérique du temps et le temps.
Au cours des trente ou quarante dernières années, la révolution principale de la météorologie a tenu à l'introduction de moyens de calcul nouveaux, car c'est par des modèles numériques que l'on peut progresser de manière régulière dans notre capacité de prévision. Quant au climat, Météo-France participe, par exemple, avec quelques autres centres dans le monde, aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) sur le changement climatique. Nous réalisons ainsi des simulations afin de préparer, en faisant tourner un certain nombre de modèles, les rapports du GIEC.
Un tableau vous illustre le fonctionnement du schéma météorologique. Pour prévoir le temps, il faut déjà connaître celui qu'il fait à un instant donné. Ces données d'observation sont introduites dans des modèles – dont la progression est l'objet de nos recherches – qui résolvent les équations gouvernant la physique de l'atmosphère, ce qui permet, à partir de résultats bruts numériques, d'obtenir des modèles qui donnent des températures, des pressions, etc. Les modèles n'étant cependant jamais parfaits, ils demandent à être interprétés et analysés avant, enfin, d'aider à la décision. C'est ainsi que Météo-France a un rôle d'appui, d'expertise et de conseil auprès des différents utilisateurs ou usagers que je mentionnais.
Météo-France est implanté de par le monde, aussi bien sur le territoire métropolitain que dans les départements d'outre-mer ou, ce qui est moins connu, en Terre Adélie, par exemple. Cela s'explique à la fois par notre histoire et par l'intérêt que peut présenter la prise de mesures dans certaines parties du globe.
L'établissement a son siège administratif à Paris, quai Branly, et bientôt à Saint-Mandé ; son centre technique est à Toulouse, avec un peu plus de 1 000 personnes. Il est structuré autour des sept directions interrégionales, et des centres départementaux. Météo-France emploie à peu près 3 400 personnes : 200 ingénieurs des Ponts et Chaussées, 800 ingénieurs des Travaux de la Météorologie, 1 800 techniciens de la météorologie, et des personnels administratifs ou ouvriers d'État dans des corps gérés en commun avec la Direction générale de l'aviation civile.
Le budget global annuel est de 350 millions d'euros environ, dont une quarantaine de millions d'euros de recettes commerciales. L'établissement a par ailleurs deux certifications : la certification ISO 9001, et la certification « Ciel unique », notre vade-mecum pour exercer notre mission aéronautique.
Pour les années à venir, les enjeux de Météo-France sont multiples. Le premier est de disposer des infrastructures fondamentales permettant d'acquérir ou de travailler les données. Cela suppose de disposer à la fois d'un réseau d'observation moderne et performant – stations au sol, radars, etc. – et d'un supercalculateur. On ne peut exploiter les modèles et faire progresser la recherche sans les moyens de calcul correspondants.
Le deuxième est de poursuivre nos progrès en matière de prévision numérique. On considère que l'on gagne en qualité à peu près une journée de prévision tous les dix ans, c'est-à-dire que ce qui était juste à « J plus 3 » devient juste à « J plus 4 » dix ans après. Il nous faut maintenir cette dynamique.
Le troisième enjeu est de démontrer sur le plan européen, ayant été désigné comme prestataire dans le domaine aéronautique, que notre modèle de fonctionnement, notre modèle économique et notre modèle de qualité technique sont pertinents – ce n'est pas en effet ce que pensent toujours tous les acteurs européens.
Le quatrième est d'accroître nos compétences en matière climatique, et de continuer à fédérer les forces de recherche françaises pour porter nos compétences sur le plan international.
Le cinquième enjeu est non seulement de maintenir notre volet commercial, mais aussi de prendre en compte les changements de l'univers commercial. À l'heure d'Internet ou d'autres modes de consultation de la météo, nous pourrons de moins en moins compter sur les recettes apportées par les appels aux kiosques téléphoniques, et nous devrons donc chercher des recettes de substitution.
Le dernier enjeu a, quant à lui, trait au réseau territorial. Celui-ci est extrêmement dense puisqu'il compte outre un centre national, sept centres interégionaux et une centaine d'implantations à travers le pays. À l'instar de nos homologues étrangers, nous nous sommes donc lancés dans un grand projet de réduction de ce réseau en tirant parti des progrès techniques, tout en faisant en sorte de disposer d'implantations atteignant la taille critique. À l'horizon de 2017 – le projet a été annoncé et acté en 2008-2009 et son lancement concret est prévu en 2012 –, nous devrions ainsi passer de 108 implantations à un peu plus d'une cinquantaine.
Je terminerai par quelques points d'actualité dans le domaine de la sécurité des personnes et des biens.
Un an après la tempête Xynthia, Météo-France – ainsi que Mme Nathalie Kosciuzco-Morizet l'a indiqué dans une récente conférence de presse – devra avoir intégré, d'ici à la fin de l'année 2011, le phénomène de submersion marine dans le dispositif de vigilance.
Par ailleurs, nous devrons, suite aux dramatiques inondations qui se sont produites en 2010 autour de Draguignan, être capables de produire, en complément de la vigilance, des avertissements spécifiques à une échelle infradépartementale en matière de pluies si un phénomène singulier se produit.
À cet égard, l'épisode neigeux inédit et fort du mois de décembre dernier me semble avoir été géré par l'établissement de manière satisfaisante en produisant des avertissements au mieux de l'état de l'art. Prévoir la neige n'est pas un exercice simple. Il nécessite encore une progression des moyens techniques dans le domaine de la prévision numérique. Reste que si l'on se compare à l'état de l'art international, notre action lui a été conforme et, en tout cas, nous avons essayé de tirer parti de ces crises pour bien mettre en évidence les directions dans lesquelles nous devons progresser.