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Intervention de Sophie Ponthieux

Réunion du 15 décembre 2010 à 14h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Sophie Ponthieux :

Dans le cas de la France, le fait d'avoir des enfants a-t-il un effet sur le salaire des femmes ? Si oui, quelle est son ampleur ? Cet effet est-il direct ou indirect ? Comment articuler cet éventuel effet des enfants sur le salaire des femmes avec l'écart des salaires entre les femmes et les hommes ? Telles sont les questions auxquelles cette étude a tenté de répondre.

Du point de vue économétrique, on observe en effet que le fait d'avoir des enfants a des conséquences sur le salaire, via la participation des femmes au marché de l'emploi. Le taux de participation des femmes de 20 ans à 49 ans diminue en effet avec le nombre d'enfants, passant de 98 % à seulement 69 % avec trois enfants et plus. Pour les hommes, ce taux est stable à 99 % dans cette tranche d'âge. Les enfants ont aussi un effet sur le temps de travail. Ainsi, les femmes de 20 à 49 ans, lorsqu'elles n'ont pas d'enfant, ne sont que 16 % à être à temps partiel, tandis que ce taux atteint 43 % pour les femmes de cette tranche d'âge ayant trois enfants.

On note que, pour les hommes de cette tranche d'âge, le temps partiel touche plus ceux qui n'ont pas d'enfants. La raison en est que les hommes de cette tranche d'âge sans enfant et qui travaillent à temps partiel sont des hommes jeunes qui connaissent une entrée difficile dans le monde du travail.

Les statistiques descriptives rendent donc bien compte de l'effet des enfants sur l'emploi et le temps de travail.

En ce qui concerne les salaires, le salaire des femmes rapporté à celui des hommes est de 95 % pour les femmes qui n'ont pas d'enfant et tombe à 79 % pour les mères de trois enfants et plus. Si l'on compare le salaire des femmes avec enfants à celui des femmes sans enfant, les femmes avec enfants apparaissent, de façon contre intuitive, mieux loties que les femmes sans enfant. Ce léger avantage salarial s'explique par le fait que les femmes avec enfants sont plus âgées, et sont à un stade de leur carrière plus avancé que les femmes qui n'en ont pas.

Si l'on observe les mêmes indicateurs par groupe d'âge, parmi les femmes de moins de trente ans, les écarts sont peu prononcés. Parmi les trentenaires, les femmes qui ont des enfants ont un salaire égal à 94 % de celles qui n'en n'ont pas. Les femmes qui ont trois enfants et plus ont un salaire plus élevé que celle qui n'en n'ont pas. Ce résultat également contre intuitif s'explique par la sélection opérée par le biais de l'emploi : on ne mesure ici que le salaire des femmes ayant un emploi. Or, ce n'est pas le cas de toutes les mères de trois enfants et plus. Les mères dont les conditions d'emploi seraient le plus affectées par la maternité ne sont précisément pas en emploi, mais en interruption. En effet, cette tranche d'âge est la plus touchée par ce phénomène. Avant cela, les femmes n'ont guère d'enfants ; ensuite, elles retournent en emploi. Pour les femmes de 39 à 50 ans, on retrouve l'impact « positif » des enfants sur les salaires, encore lié à un fort effet de sélection. La décomposition par groupe d'âge ne permet pas de limiter cet effet d'âge masqué.

Ces résultats obtenus par les statistiques descriptives s'expliquent par un fort effet de sélection et un effet d'âge que même la décomposition par groupe d'âge ne permet pas bien de prendre en compte.

Pour analyser ces données, on construit des modèles permettant de mesurer l'effet de différentes caractéristiques relatives à la personne et à l'emploi, de plus en plus nombreuses d'un modèle à l'autre, toutes autres choses – mesurables - égales par ailleurs et corrigés des biais de sélection.

Ces modèles font apparaître que les enfants n'ont pas d'effets significatifs, directs ou indirects, sur le salaire horaire des femmes. Par contre, ils ont un effet positif significatif sur celui des hommes qui bénéficient de l'effet de la « prime à la vie familiale » qui a souvent été observée.

En sens inverse, les interruptions liées aux enfants ont un effet négatif significatif pour les femmes: une année d'inactivité abaisse le salaire horaire des femmes de 2,1 %.

Pour poursuivre l'analyse par tranches d'âges, on distingue entre les moins de trente ans, les trentenaires – qui sont justement dans la période des interruptions d'activité – et celles se situant dans la quarantaine qui ont eu des enfants, sont revenus dans l'emploi et pour lesquelles on peut observer la descendance finale et l'effet des choix passés.

En pratique, on prend en compte de très nombreuses caractéristiques des salariés à partir desquelles on estime le salaire horaire, séparément pour les hommes et les femmes. On intègre donc des quantités et le « rendement » de ces quantités. Ceci permet de distinguer ce qui est lié aux différences de quantité de ce qui dépend de ce que les caractéristiques portées par les femmes ne sont pas rémunérées de la même façon que celles portées par les hommes. Dans les modèles, il y a donc une part « expliquée » de la différence (celle qui résulte des caractéristiques prises en compte), et un aspect inexpliqué par les différences de quantité qui demeurent. Et, même dans la part expliquée, il demeure en fait une partie inexpliquée.

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