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Intervention de Sophie Ponthieux

Réunion du 15 décembre 2010 à 14h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

Sophie Ponthieux :

On a une vision idyllique du secteur public. Les fonctionnaires sont recrutés par concours, ce qui écarte toute possibilité de discrimination à l'entrée. Cependant, une discrimination demeure possible au cours du déroulement de la carrière. En outre, qu'en est-il en fait des agents contractuels de l'État ? La distinction entre secteur public et secteur privé va devenir de moins en moins opérante au fur et à mesure que s'accroîtra le recours à ces agents.

La France est donc « moins pire » que les autres pays européens. Elle bénéficie d'un taux de fécondité plus élevé et pourtant, il n'y a pas cette partition entre mères et travailleuses que l'on peut observer en Allemagne ou en Italie. En Allemagne, les femmes éduquées travaillent, mais n'ont pas d'enfants. Il en va de même en Italie.

La France ne connaît pas non plus la spécificité qui existe en Allemagne ou au Royaume-Uni, où les mères qui travaillent le font à temps partiel. Certes, le temps partiel français concerne plus les femmes avec enfants que les femmes sans enfant. À l'inverse, l'emploi à temps partiel n'est pas systématique pour les mères, comme c'est le cas en Allemagne, quand il est toléré que les mères travaillent ! Quant au Royaume-Uni, il y a très clairement des emplois destinés aux mères de famille, à temps partiel donc.

La position de la France au regard des autres pays n'est donc pas si mauvaise. La thématique reprend toutefois un peu de pertinence avec la réforme de l'Allocation parentale d'éducation intervenue en 1994, qui a permis aux parents de bénéficier d'un congé parental dès le deuxième enfant, alors que cela n'était possible qu'à partir du troisième auparavant. On sait que cette réforme a affecté le taux d'activité des femmes depuis les années 1990, comme le montrent les travaux de Cédric Afsa et Sophie Buffeteau, publiés par l'INSEE, et ceux de Thomas Piketty sur la même question. On peut penser que la faiblesse des études réalisées en France est révélatrice d'une situation plutôt satisfaisante. Mais la question se pose avec plus d'acuité depuis cette réforme.

Pour étudier ce phénomène, il faut disposer de données prenant en compte les interruptions de carrière. Or, celles-ci sont rares. Il se trouve que nous avons pu exploiter une enquête de l'INED réalisée sur la période 2004-2005, intitulée « Familles et employeurs », qui nous fournit un calendrier détaillé de la vie professionnelle et familiale des personnes interrogées, et ce depuis la fin de leurs études. On a donc pu mesurer les périodes passées en emploi, au chômage, et celles passée à s'occuper des enfants.

Pourquoi les enfants auraient-ils un effet sur le salaire des femmes ? Je vous renvoie ici à la littérature théorique, qui montre qu'un faisceau important de facteurs sont susceptibles d'intervenir.

Le premier facteur, qui apparaît dans l'ensemble des travaux empiriques ou presque, est l'effet des interruptions de carrière. Les enfants déterminent des périodes de retrait de l'emploi, qui concernent presque exclusivement les mères.

Plusieurs études empiriques montrent aussi que le fait d'avoir des enfants a des conséquences sur l'étendue des choix considérés comme possibles par les femmes, dans l'optique de concilier vie familiale et vie professionnelle. Par exemple, elles peuvent rechercher un emploi à proximité de la crèche ou de l'école, ce qui limite les employeurs potentiels. De la même façon, elles peuvent être poussées à refuser les postes impliquant des déplacements en province ou à l'étranger, ou des absences trop importantes.

Une autre approche est celle de « la mère fatiguée » ou « épuisée », que l'on retrouve notamment dans les travaux de Gary Becker, prix Nobel d'économie. Les enfants prennent l'énergie de leur mère, dont la productivité au travail est donc plus faible que celle des femmes sans enfant. Or, le salaire étant censé refléter la productivité, les leurs sont plus faibles. Je tenais à rappeler cette hypothèse, assez répandue dans la littérature théorique. Cependant, on peut également considérer que les mères au travail font au contraire preuve d'une énergie débordante, puisqu'elles parviennent à gérer de front emploi et enfants !

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