Monsieur Guibal, j'ai étudié il y a bien longtemps, à l'université de Moscou, la philosophie dialectique et la doctrine communiste, avant de soutenir une thèse sur l'École de Francfort – Marcuse, Habermas et Adorno – comme courant néo-marxiste en Allemagne. Si ma vie a pris ensuite un nouveau tournant, je continue de défendre les idées du parti social-démocrate, bien que je l'aie récemment quitté. La Journée de la femme du 8 mars, qui fêtera bientôt ses cent ans, tient par ailleurs une place importante dans les pays de l'ancienne URSS : Rosa Luxemburg ou Clara Zetkin restent des figures familières de notre paysage culturel.
Nous partageons avec la Chine, monsieur Luca, une frontière de près de 1 000 kilomètres. Ce pays nous a beaucoup aidés au cours des dernières années, et nous entretenons d'étroites relations avec lui. Aussi bien les pays qui nous entourent connaissent-ils un développement rapide, qu'il s'agisse de la Chine, de la Russie, ou du Kazakhstan ; nous devons les suivre, malgré les difficultés liées à nos deux révolutions récentes. Nous ne sommes pas des Che Guevara : nous voulons tirer bénéfice de nos ressources naturelles et nous développer économiquement.
À cet égard, l'Initiative pour la transparence des industries extractives, comme son nom l'indique, vise à rendre transparentes les sommes que les entreprises versent aux pays concernés. En 1994, malgré nos demandes, nous n'avions pu savoir combien touchaient les intermédiaires, et les accords passés à cette époque manquaient de transparence. Le cours de l'or est élevé et nos ressources sont importantes, mais, pour les exploiter, les entreprises devront passer par des appels d'offres publics. Nous possédons aussi des gisements de métaux rares, utilisés dans les technologies de pointe, ainsi que du charbon et de nombreux autres minéraux. Nous n'entendons pas être les récipiendaires éternels de votre aide : nous voulons nous remettre sur pied.
Quant au vent de liberté qui souffle actuellement en Afrique du Nord, il nous est difficile d'en juger. Notre petit pays souhaiterait devenir, l'an prochain, membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Notre groupe asiatique aurait ainsi trois représentants : les îles Fidji, le Pakistan et le Kirghizstan. Notre peuple en a assez de vivre dans l'ombre : il a soif de liberté et veut participer aux affaires du monde. Les pays d'Afrique du Nord traversent sans doute des moments historiques ; mais je me garderai bien d'en juger. En tout cas, j'espère qu'on ne vérifiera pas ce que dit une célèbre chanson russe, que si les révolutions ont toujours un commencement, elles n'ont jamais de fin.