La stratégie nationale de recherche et d'innovation (SNRI), sur laquelle l'Office a été consulté au moment de sa mise en place en 2009, préconise une meilleure coordination des organismes traitant des mêmes thématiques. Pour la mise en application de ce principe, cinq alliances se sont créées d'avril 2009 à juin 2010, AVIESAN pour la santé, ANCRE pour l'énergie, ALLISTENE pour le numérique, ALLEnvi pour l'environnement et ATHENA pour les sciences humaines. Ces alliances élaborent une programmation suivant les priorités définies par la SNRI et nouent des partenariats avec les entreprises des secteurs économiques concernés.
L'expérience apparaît très concluante, avec une forte implication des grands organismes de recherche publique qui trouvent dans les alliances une instance de dialogue et de concertation assurant une collaboration étroite, de nature à dynamiser la recherche française. Ce dispositif innovant s'est donc révélé positif, en regroupant les initiatives, dans les domaines où les acteurs étaient nombreux et dispersés, comme celui des sciences du vivant, et en concentrant les moyens, dans les domaines où les acteurs étaient limités et où il était nécessaire d'opérer des choix stratégiques, comme le numérique. En outre, la création d'une alliance consacrée aux sciences humaines et sociales, ATHENA, répond à la nécessité de mieux assurer le lien entre la science et la société. Cette alliance a vocation à constituer un axe horizontal entre toutes les alliances et à traiter des questions à l'interface entre les différentes alliances. Elle vient donc compléter utilement le dispositif d'ensemble.
Bien que récentes, les alliances de recherche ont déjà accompli un important travail de réflexion et constitué des groupes programmatiques déclinés par thématiques. Ces initiatives doivent d'autant plus être saluées que les différents acteurs concernés prennent sur leur temps et leurs moyens, dans la mesure où le principe même des Alliances est de fonctionner sur des structures légères, avec des ressources mobilisées uniquement en tant que de besoin.
Il est essentiel, pour la réalisation des objectifs de la stratégie nationale de recherche et d'innovation, que cet enthousiasme et cette mobilisation indéniables des grands organismes publics à l'égard du dispositif des alliances débouchent sur des réalisations concrètes. Pour y parvenir, le travail réalisé au sein des groupes programmatiques doit être valorisé par une prise en compte dans les différents circuits de financement de la recherche.
Du côté de l'Agence nationale de la recherche, la prise en compte des premiers travaux de structuration des priorités par les Alliances a été rendue difficile par l'antériorité de la programmation pluriannuelle fixée pour la période 2011-2013. Néanmoins, les responsables de l'Agence ont marqué leur volonté que les options retenues par les Alliances soient intégrées, à l'avenir, dans le processus de sélection opéré par les appels à projets thématiques. Cette dimension supplémentaire d'identification des priorités apportée par les alliances apparaît d'autant plus importante que les moyens de l'Agence vont se resserrant (il est question d'une réduction de 14 % pour l'année prochaine), et que les appels à projets thématiques ne portent que sur la moitié du budget d'intervention, compte tenu de la part de 50 % des projets dits « blancs ».
S'agissant du Commissariat général à l'investissement, les alliances n'ont pas participé de manière directe à la première vague des projets retenus dans le cadre des investissements d'avenir. Une deuxième vague d'appels à projets est prévue dans les prochains mois. Il serait souhaitable que la programmation élaborée par les alliances puisse y trouver sa place. A cet égard, j'ai rencontré récemment M. René Ricol, Commissaire général à l'investissement, lors d'un contact informel qui a ouvert la voie à une prochaine réunion d'ici l'été entre lui-même et les présidents des Alliances. M. Ricol perçoit la mise en place des Alliances comme un effort bienvenu de simplification des instances de pilotage de la recherche publique française, et n'exclut pas la possibilité d'une coopération avec les structures de gestion du grand emprunt, au moins à l'échelon des processus de valorisation.
Dans la mesure où les alliances font jouer les synergies entre organismes publics de recherche, évitent le saupoudrage, les empilements et les chevauchements, et au contraire, concentrent les moyens financiers, elles devraient permettre de faire émerger plus facilement les partenariats public-privé indispensables pour que la recherche se traduise en innovation et débouche sur davantage de croissance et d'emploi. Il ne pourra, en effet, être remédié efficacement à l'insuffisance chronique de la recherche privée française qu'à la condition que la recherche publique donne une impulsion forte, en faisant jouer un effet de levier, une des vocations de la recherche publique étant d'ouvrir la voie pour inciter les industriels à concentrer des moyens supplémentaires sur les objectifs poursuivis. Une mobilisation plus efficace des ressources publiques devrait en outre servir de support au développement de collaborations avec les fondations privées, comme avec les fondations de recherche créées par les universités.
Enfin, les alliances devraient contribuer à orienter de manière plus efficace les ressources européennes de financement en direction de la recherche française. Elles devraient donner un poids plus important aux démarches directes de la recherche française pour l'accès aux soutiens ouverts par les programmes communautaires. Par ailleurs, en facilitant le dialogue avec les instances équivalentes, existantes ou à venir, dans les autres pays membres, elles pourraient devenir l'instrument de projets communs de recherche, construits sur le modèle « Eureka » des coopérations inter-étatiques. La logique « Eureka », telle qu'elle a été conçue en 1985, tire sa force d'une gestion équilibrée entre, d'une part, les soutiens nationaux, et d'autre part, les retombées pour chacun des pays membres des projets « Eureka ». Des coopérations au niveau des alliances nationales seraient une manière de réactiver ce schéma d'organisation au profit, non plus seulement de la recherche pré-compétitive, mais aussi, en amont, des recherches appliquée et fondamentale, en suscitant, le cas échéant, un complément de financement communautaire. A terme, de telles coopérations inter-étatiques, combinant l'ambition des objectifs et le réalisme des partenariats, devraient favoriser l'émergence de véritables « clusters » européens associant entreprises, centres de recherche et universités autour de projets innovants.
Les alliances, en tant qu'instrument d'une concertation approfondie entre les organismes publics de recherche française, apparaissent ainsi comme l'une des manières de mettre en oeuvre concrètement la stratégie « Europe 2020 » qui a succédé à celle de Lisbonne.