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Intervention de Henri de Castries

Réunion du 2 mars 2011 à 9h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Henri de Castries, président-directeur général d'Axa :

Étant d'accord avec ce qui vient d'être dit, j'élargirai seulement le panorama à la soixantaine de pays dans lesquels Axa opère.

Pour mesurer la contribution de l'assurance-vie au financement de l'économie et la fiscalité qui la frappe, trois indicateurs doivent être pris en considération : la cohérence des dispositifs, leur efficacité économique et leur stabilité dans le temps.

Partout dans le monde, l'assurance-vie joue un rôle important dans le financement long de l'économie, puisqu'elle investit des ressources longues. En France, ce produit d'épargne a pris une place plus importante qu'ailleurs, non en raison d'un statut fiscal privilégié, mais parce qu'il est pratiquement le seul véhicule d'investissement long, à la différence de pays comme l'Angleterre et les Pays-Bas, où il existe des fonds de pension.

En raison de sa nature même, l'assurance-vie contribue de façon décisive à la stabilité du système financier, mais sa place pourrait être fragilisée dans les années qui viennent. Ce système repose sur les banques, d'une part, qui interviennent en transformant des ressources courtes en emplois longs et, d'autre part, sur les assureurs qui, à leur différence, collectent des ressources longues pour financer des emplois longs, et qui ont vocation à être des opérateurs contra-cycliques en cas de perturbation des marchés. Mais ils le seront de moins en moins à cause de Solvabilité 2. Si, pendant la crise financière, les assureurs n'ont pas eu de difficultés particulières, c'est qu'ils n'ont pas de problème de liquidité : les clients ne se ruent pas à leurs guichets. Quant à AIG, il doit sa chute à son activité hors assurance.

Il y va de l'intérêt général que la réglementation qui s'applique à l'assurance soit, dans toutes ses composantes, aussi efficace et cohérente économiquement que possible. Or elle ne l'est pas totalement. L'Europe est une des parties du monde où le taux d'épargne est le plus élevé, à un niveau comparable à celui des pays émergents, mais cette épargne n'est pas investie au mieux. Une bonne orientation de l'épargne longue est fondamentale pour augmenter la croissance et améliorer l'emploi. Deux moyens sont, pour cela, à disposition : la réglementation fiscale et la réglementation professionnelle.

La réglementation fiscale est largement cohérente dans notre pays puisque, si le client se ravise et reprend son capital avant l'échéance prévue, il ne bénéficiera d'aucun avantage, l'assurance-vie étant, à court terme, le produit le plus taxé. En revanche, si le souscripteur tient son engagement, il bénéficiera d'un traitement fiscal plus favorable. Sur le plan fiscal, le système est à peu près équilibré.

Mais la fiscalité n'est pas seule en cause ; la réglementation prudentielle en matière de solvabilité dicte aussi en partie nos investissements. À cet égard, Solvency 2, applicable en 2013, comporte manifestement des risques si ses règles ne sont pas correctement calibrées d'ici là.

On a adopté une mesure des risques à court terme – ce qui est paradoxal puisque les engagements sont à long terme –, ce qui a d'ores et déjà conduit les compagnies européennes à modifier la structure de leurs placements et à vendre 400 milliards d'euros d'actions au cours des cinq ou six dernières années. En effet, un investissement en obligation demandera quinze fois moins de capital réglementaire que l'investissement équivalent en action. On s'est intéressé au sujet bien tardivement mais il est encore temps d'influer sur une règlementation qui s'imposera prochainement. Si l'on veut garder le contrôle de certains actifs économiques – ce qui est possible au vu du taux d'épargne longue que nous connaissons –, il faut se demander si les réglementations prudentielles envisagées sont cohérentes avec les objectifs politiques poursuivis. Quoi qu'il en soit, Solvency 2 nous obligera à modifier notre politique de placement et une modification significative de la fiscalité risquerait d'accentuer encore les déséquilibres qui pourraient se manifester.

Bernard Spitz a souligné à juste titre le poids des contrats de plus de huit ans, qui sont mobiles. Il n'a échappé à personne que la plupart de nos clients ont encore, du fait de la crise, une forte aversion au risque. Les investissements en actions, c'est-à-dire sur des supports en unités de compte, sont totalement procycliques. Quand les marchés sont au plus haut, les investissements en actions représentent jusqu'à 50 % des ventes d'Axa et, quand ils sont au plus bas, 10 ou 15 % seulement. Nous sommes environ à 20 % aujourd'hui. Le petit porteur, malheureusement, a tendance à acheter au plus haut et à vendre au plus bas. De plus, il est probable que les taux longs continuent de monter.

Dans ce contexte, tout changement de fiscalité peut avoir, sur un stock d'épargne mobile, des conséquences tangibles – les flux de ces derniers mois l'ont montré –, c'est-à-dire concrètement des ventes d'actions. J'observe par ailleurs que les assureurs détiennent 60 % de la dette bancaire, c'est dire leur rôle dans le financement des banques qui font du crédit : elles ont besoin de l'épargne des assureurs.

Dans l'intérêt général, nous recherchons évidemment une allocation efficace de l'épargne, dont la fiscalité et la réglementation soient cohérentes avec les objectifs de politique économique, et aussi stables que possible : en période d'incertitudes fortes, toute modification brutale de l'environnement est de nature à aggraver l'instabilité.

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