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Intervention de Bernard Spitz

Réunion du 2 mars 2011 à 9h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Bernard Spitz, président de la Fédération française des sociétés d'assurance :

Véritable contrat de confiance de long terme entre l'État et les épargnants, l'assurance-vie constitue le poumon de l'économie française que les assurances sont un des rares acteurs à financer dans une perspective de long terme.

À cet égard, l'année 2010 a été une année historique car elle a enregistré un double record. L'encours – 1 300 milliards d'euros – n'a jamais été aussi élevé, de même que celui investi dans les entreprises – 940 milliards –, qui représente 56 % des actifs des compagnies d'assurance, soit 17 % en actions et un peu moins de 40 % en obligations. Jamais l'assurance n'a autant financé les entreprises. Les assureurs possèdent ainsi près de la moitié des obligations privées et près du tiers de la dette publique française dans les mains des investisseurs domestiques. Or la part de la dette publique détenue par les résidents est un paramètre important aux yeux des marchés.

L'assurance est donc au coeur du financement de l'économie et toute déstabilisation de la première aurait des répercussions gravissimes sur la seconde.

Ainsi, une hypothétique « décollecte » de 150 milliards d'euros se traduirait par la remise sur le marché de 50 milliards d'obligations d'entreprises, de 30 milliards d'actions, de 20 milliards de dette publique française et de 20 milliards de dette publique des autres pays de la zone euro. Le risque vous paraît peut-être théorique, mais souvenez-vous de l'impact considérable de la réforme, en 1998, de la fiscalité de l'assurance-vie sur le comportement des épargnants : celle-ci a eu pour conséquence immédiate une décollecte, au moins dans un premier temps. Rappelez-vous aussi la modification de la fiscalité du plan d'épargne logement – PEL –, en 2006, qui a provoqué un effondrement non seulement de la collecte, mais aussi du stock, qui n'a jamais été récupéré depuis, en dépit du caractère prétendument insubmersible du produit.

L'hypersensibilité des Français à la fiscalité est avérée. Et la progression constante de la collecte d'assurance-vie depuis dix ans n'est pas sans lien avec la stabilité fiscale. C'est pourquoi nous parlons d'un contrat de confiance : les gens ne s'engagent à long terme qu'à la condition que les règles du jeu ne changent pas entre-temps.

De plus, l'ancienneté des contrats – les contrats anciens, de plus de huit ans, qui sont les plus volatils, représentent quasiment les deux tiers des encours –, l'impact attendu de Solvabilité 2, l'évolution des taux et l'environnement financier sont à prendre en compte pour évaluer les effets d'une modification de la fiscalité. Après la décollecte de fin 2008 en relation avec la crise financière, nous avons enregistré à nouveau une décollecte au mois de décembre 2010 et au mois de janvier 2011, où la chute a été de 11 %.

Enfin, l'assurance-vie est en concurrence avec d'autres produits d'épargne, du type Livret A : étant donné l'évolution actuelle des taux, la prime donnée à la détention de l'épargne longue a tendance à diminuer.

Pour répondre à votre sollicitation sur les mesures qui pourraient être les plus efficaces sur le plan budgétaire et fiscal, nous devons déjà nous poser une série de questions, la première étant de savoir si l'assurance-vie bénéficie actuellement d'une fiscalité réduite, ou pas. Si l'on prend en compte les prélèvements sociaux et les prélèvements fiscaux, on s'aperçoit que les produits les plus pénalisés sont l'assurance-vie de moins de quatre ans, ce qui n'est pas illogique puisqu'elle est conçue pour être un produit de long terme. L'assurance-vie entre 4 et 8 ans est encore fortement taxée et, après 8 ans de détention, elle connaît encore des prélèvements supérieurs aux PEA, PEL. Seuls les livrets A, bleu, jeune et les LDD sont exonérés. L'avantage fiscal de l'assurance-vie est donc très relatif.

Deuxièmement, la dépense fiscale de 1 milliard d'euros est-elle efficace ? Ce montant est à comparer à l'encours de l'assurance-vie – 1 300 milliards d'euros – mis au service de l'économie. Pour une dépense fiscale équivalente, les livrets défiscalisés ne drainent que 320 milliards d'euros.

Troisièmement, si l'assurance-vie a un coût pour les finances publiques, elle leur procure aussi des recettes : 4,6 milliards au titre des prélèvements sociaux, et 500 millions d'impôt sur le revenu, sans compter l'ISF.

Enfin, on a longtemps véhiculé l'idée que, parmi les dépenses fiscales, celle liée à l'assurance-vie, à hauteur de 3 milliards d'euros, était l'une des plus importantes. Or la réalité est tout autre puisque – c'est le chiffre officiel – elle est, en 2010, d'un milliard d'euros, ce qui la met plutôt en queue de peloton.

Si la dépense fiscale est faible, les recettes budgétaires à attendre d'une réforme le sont également. Ainsi, l'augmentation d'un point seulement de l'ensemble des prélèvements libératoires forfaitaires, quel que soit l'âge des contrats, ne représenterait pour le Trésor public qu'un gain de 30 millions d'euros. En cas de réforme, les recettes potentielles seraient donc très faibles.

En outre, l'assurance-vie est un support populaire, dans tous les sens du terme. Elle compte 15 millions de détenteurs, concerne 30 millions de personnes – souscripteurs ou bénéficiaires – qui se répartissent dans toutes les catégories socioprofessionnelles, des agriculteurs aux cadres supérieurs. Ainsi, les trois quarts des souscripteurs sont des ouvriers, des employés, des agriculteurs et des cadres moyens, et les deux tiers des ménages détenteurs gagnent moins de 36 000 euros par an, soit moins de 3 000 euros par mois.

En conclusion, les recettes fiscales et sociales qu'apporte l'assurance-vie se montent à 5 milliards d'euros. Elle draine 1 300 milliards d'épargne longue, dont 940 milliards vont aux entreprises. Elle finance la moitié des obligations d'entreprises françaises et le tiers de la dette publique française possédées par les Français. Elle constitue un placement pour 30 millions d'entre eux, le tout pour une dépense fiscale de 1 milliard d'euros, ce qui présente pour le moins un excellent rapport qualitéprix.

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