Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la nuit 27 au 28 février 2010, la tempête Xynthia a tué cinquante-trois personnes. Je tiens, au début de mon propos, à exprimer aux familles endeuillées notre immense sympathie.
Ce débat est aussi l'occasion de féliciter et de saluer les efforts considérables des services de secours, pompiers, gendarmes, militaires et membres de nombreux autres organismes et administrations dont la mobilisation a, sans nul doute, permis de sauver de nombreuses vies humaines.
Après le secours aux milliers de sinistrés, l'État a délimité à la hâte des zones noires dramatiquement dénommées « zones de solidarité », dans lesquelles aucune habitation ne doit subsister. S'il était indispensable d'agir en urgence pour mettre les populations concernées en sécurité, rien ne peut justifier la brutalité et je dirai même l'inhumanité des annonces qui ont été faites. Une approche trop technocratique l'a emporté quand il s'est agi de délimiter les zones. La pédagogie a été totalement absente et une certaine cacophonie ministérielle a régné.
Les annonces relatives à la délimitation des zones de solidarité ont été précipitées et ont été prises sans fondement juridique. Elles ont logiquement provoqué colère et incompréhension et ont trop souvent été perçues comme des sanctions par les populations concernées.
Ne me répondez pas, monsieur le secrétaire d'État, que la longueur des expertises aurait empêché une réponse rapide et satisfaisante, comme Mme la ministre l'a affirmé dans un quotidien régional il y a quelques jours. Vous conviendrez que, pour justifier le fiasco de la délimitation des zones noires, une telle réponse est un peu courte.
J'ajouterai que les périmètres des zones actuelles ne doivent pas être figés pour l'éternité. En effet, si nous ne sommes pas aujourd'hui en mesure de protéger ces zones contre les risques de submersion, demain les sciences et la technique nous permettront peut-être de protéger les maisons. Enfin la question du devenir des terres inconstructibles est posée. Pouvez-vous nous indiquer quels sont les réflexions et les projets du Gouvernement à ce sujet ?
Un an après, l'heure est venue de tirer les leçons de cette terrible catastrophe pour qu'elle ne se reproduise plus. Son bilan est inacceptable. Si cette tempête est la seule responsable, il n'en demeure pas moins qu'une meilleure prise en compte des risques de submersion marine aurait pu sauver de nombreuses vies et éviter que le bilan soit aussi lourd.
Pour ne prendre que l'exemple des deux départements de Vendée et de Charente-Maritime, seules 46 commues classées en zones à risque de submersion marine étaient munies d'un plan de prévention des risques approuvé par l'État. Notre pays n'était absolument pas préparé au risque de submersion marine et cela a conduit à de graves défaillances dans les systèmes d'alerte et dans la réponse des systèmes de protection, notamment lorsque les digues se sont désagrégées sous la force des éléments.
Le 17 février dernier, Mme la ministre a annoncé son intention d'accélérer la mise en place des plans de prévention des risques des inondations avec pour objectif de couvrir 242 nouvelles communes en trois ans et de réviser celui de 62 autres communes. Cet objectif est louable mais comment les petites communes pourront-elles établir un tel plan si l'État ne leur apporte pas un large concours ? C'était la vingtième proposition du rapport de notre mission d'information mais il n'en est pas fait mention dans les annonces récentes.
Vous savez également, messieurs les ministres, que le code de l'environnement, depuis la transposition d'une directive européenne de 2007, assigne à l'État, la tâche d'établir une cartographie précise des bassins concernés par un PPRI. La loi précise également que l'administration se doit de réaliser une évaluation préliminaire des risques d'inondation pour chaque bassin concerné avant le 22 décembre 2011. L'État sera-t-il en mesure de tenir ce délai et de remplir cette obligation légale ?
Vous souhaitez également que les plans communaux de sauvegarde, procédures qui, je le rappelle, visent à préparer une commune et à lui permettre de s'organiser face à une situation d'urgence, soient rendus obligatoires dès qu'un PPRI est prescrit. Cette mesure va également dans le bon sens mais comment les mettre en place dans les communes qui ne disposent pas de moyens logistiques et humains ?
Aujourd'hui en France, mes chers collègues, on sous-estime les risques d'inondation et de submersion. Une sensibilisation massive de la population s'impose. La France doit se doter d'une culture du risque. Cela apparaît d'autant plus nécessaire à l'heure où nos concitoyens s'agrègent de plus en plus dans les estuaires et près des littoraux. Je n'apprendrai rien à personne en rappelant que les changements climatiques vont accroître la vulnérabilité du littoral.
Notre mission d'information a distingué de multiples dysfonctionnements et émis de nombreuses propositions. Xynthia pourrait devenir un événement ordinaire dans un futur proche et notre devoir collectif est de mettre en place les mesures et les outils pour éviter qu'une telle tempête entraîne une aussi grande catastrophe humaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)