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Intervention de Jean-Marc Nesme

Réunion du 2 mars 2011 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marc Nesme, rapporteur :

Cet accord de coopération militaire entre la France et l'Irak est un texte simple, tant pour son objectif que pour son dispositif.

Du côté français, deux chiffres expliquent l'intérêt que représente cet accord : dans les années 80, la valeur de nos ventes d'armes à l'Irak avoisinait les 6 milliards de francs, soit 900 millions d'euros environ. Depuis 2003, année de la chute de Saddam Hussein, nous sommes quasiment évincés d'un marché dominé par les Etats-Unis. Nos fournitures d'armement se limitent à la vente d'une vingtaine d'hélicoptères et à la promesse, pour l'heure, de moderniser 18 Mirage. La valeur de nos ventes militaires s'inscrit dans un contexte où l'ensemble de nos échanges commerciaux demeure très faible dans tous les autres domaines.

Du côté irakien, cet accord représente un moyen de desserrer la tutelle américaine. Bagdad est certes reconnaissante de l'action de Washington contre le terrorisme et de son appui pour surveiller notamment la frontière avec l'Iran mais ne souhaite pas dépendre d'un seul fournisseur pour sa défense, d'autant que les besoins irakiens sont si importants que l'industrie américaine, malgré sa puissance, n'est pas à même d'assurer à elle seule l'équipement des forces irakiennes. C'est la raison pour laquelle l'Irak se fournit d'ores et déjà auprès d'une dizaine d'autres pays, parmi lesquels l'Ukraine, la Hongrie, la Pologne ou la Jordanie.

Cet accord intervient dans le contexte de la relance des relations bilatérales entre la France et l'Irak. Notre pays était relativement mal perçu par les nouvelles autorités irakiennes en raison de son opposition à l'intervention militaire de la coalition conduite par les Etats-Unis et également de ses relations étroites avec l'ancien régime de Saddam Hussein. Il a fallu plusieurs années pour que les Irakiens admettent que notre opposition à cette intervention militaire ne signifiait nullement un soutien au régime précité. La présence de la France au Conseil de sécurité des Nations Unies et le souvenir de la coopération franco-irakienne, qui s'exerçait dans tous les domaines, ont convaincu Bagdad et ses nouveaux dirigeants de reprendre des relations normales avec notre pays, ce qui est tout à fait récent.

De nombreuses visites ont permis le renouveau des relations bilatérales : de nombreux membres du gouvernement français se sont rendus à Bagdad, mais aussi la venue de plusieurs responsables irakiens en France et notamment celle du Président Jalel Talabani, du 16 au 19 novembre 2009, au cours de laquelle le présent accord de défense a été signé par M. Hervé Morin, pour la France et par le général Abdulqader Al Obeidi, pour l'Irak.

En souhaitant ainsi clairement recourir aux technologies françaises pour sa défense, malgré la contrainte et les pressions américaines constantes, l'Irak a marqué son intérêt pour le renouvellement du pacte de confiance entre nos deux pays. Si les échanges commerciaux hors pétrole demeurent encore très bas, de nombreuses entreprises françaises retrouvent des parts de marché significatives en Irak, ce qui laisse espérer une vigoureuse relance de ces échanges. Les échanges se développent très rapidement dans les domaines de l'équipement électrique, de l'électronique, du pétrole, du bâtiment, de l'eau et de l'assainissement, des transports, alors qu'Aéroport de Paris a remporté le marché d'études de l'aéroport du Moyen Euphrate, entre Kerbela et Nadjaf, et des services, France Telecom s'étant porté candidat pour l'attribution d'une licence de téléphonie mobile.

Le présent accord n'est pas un accord de défense et ne comporte pas de clause d'engagement de nos forces. A l'instar de l'accord avec le Liban que je vous ai présenté en décembre dernier, il s'agit essentiellement d'un texte qui permet à notre pays de reprendre pied sur le marché de l'équipement et de la formation des forces irakiennes en vendant des matériels et en instruisant des personnels. La France avait notamment entraîné de nombreux pilotes de chasse irakiens sur Mirage, et Bagdad attribue la bonne tenue de ses forces durant son conflit contre l'Iran à la qualité de son armée de l'air, aussi bien au niveau du matériel que de la formation des pilotes dispensée par la France. Les Irakiens étaient très désireux de reprendre leur coopération avec notre pays.

Quel est l'état des forces irakiennes ? Sans entrer dans le détail, il s'agit d'une armée composée de trois armes dont une armée de terre de 250 000 hommes répartis en quatorze divisions. L'armée de terre irakienne dispose de bons équipements individuels, essentiellement fournis par les Etats-Unis. Elle manque en revanche de matériels lourds.

L'armée de l'air comprend 3 000 hommes et ne remplit que des missions de surveillance et de transport. Sa faiblesse est patente : elle dispose de trois avions de transports militaires américains, d'une vingtaine d'hélicoptères américains et de six hélicoptères Gazelle de fabrication française. Un contrat avec l'Ukraine prévoit la livraison de six appareils de transports de modèle Antonov 32. Les Etats-Unis se sont engagés à livrer d'ici la fin de 2011 onze avions de formation et un certain nombre de F-16. Leur livraison comme la formation des pilotes par les Etats-Unis ne pouvant être exécutées avant trois ans, des négociations avec la France en vue de la modernisation de dix-huit Mirage F1 sont en cours. Comme l'armée de terre, la force aérienne irakienne souffre d'un manque criant de matériels modernes et performants.

La marine ne semble pas constituer la priorité du ministère de la Défense. Ses effectifs avoisinent 1500 marins, dont la moitié constituée par les bataillons de fusiliers commandos. Sa flottille est composée de quatre patrouilleurs italiens et en recevra, sous peu, cinq autres des Etats-Unis.

Les besoins irakiens en équipements militaires sont très importants et Bagdad souhaite absolument diversifier ses fournisseurs. L'accord de coopération qui fait l'objet du présent projet de loi est conforme aux standards internationaux en la matière et n'appelle pas de commentaire particulier. Il est essentiellement axé sur la formation des personnels, qui pourront ainsi faire usage des équipements que nous vendrons à l'Irak. Il contient les dispositions classiques de ce type d'accord, avec l'échange d'informations dans les domaines stratégiques et militaires, la mise en place d'une commission bilatérale, la présence d'un représentant de la direction générale de l'armement en Irak, la vente d'équipements militaires et des actions de formation. Il convient de noter que ces dernières seront financièrement à la charge de l'Irak.

Au moment où le Moyen-Orient connaît d'importants soubresauts, l'accord dont nous discutons aujourd'hui apparaît d'un intérêt relatif. Il convient néanmoins de noter qu'il est signé avec un pays qui a organisé des élections reconnues comme libres par la communauté internationale, un pays qui s'efforce, dans un contexte sécuritaire difficile, de mettre en place un régime parlementaire. La France doit accompagner l'Irak dans ses efforts de reconstruction comme de restauration de sa souveraineté. Sa défense fait évidemment partie de ses pouvoirs régaliens.

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