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Intervention de Jack Lang

Réunion du 9 février 2011 à 10h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJack Lang :

Il faut bien mesurer que si nous ne faisons rien, les conséquences seront considérables. Des ressortissants français peuvent être capturés. Il y a surtout le risque d'une jonction entre terrorisme et piraterie qui pour l'instant n'existe qu'à la marge, lorsque les pirates payent une sorte de droit de passage aux shebabs somaliens pour aller vers le sud. En outre, le coût de la piraterie s'élève de jour en jour : intervention des forces navales, renchérissement du transport, risque d'un détournement du trafic, très coûteux, par le cap de Bonne-Espérance, hausse des prix des biens transportés, pertes de revenus liés au tourisme, à la pêche et aux activités portuaires des pays riverains, qui demanderont des aides supplémentaires à la communauté internationale. Le surcoût est évalué aujourd'hui à cinq milliards de dollars. Le coût de notre plan – hors question de l'aide au développement – se monte à 25 millions de dollars. Cet investissement doit être fait, vite et bien. Les délais peuvent paraître restreints, mais ils ont été établis en concertation étroite avec les fonctionnaires de l'ONUDC à Mombasa ou au Puntland. Il est question notamment, pour les prisons, d'un système de construction par blocs superposés… Si la volonté est là, en huit mois, on peut faire avancer les choses.

Pour ce qui est des flux financiers, j'ai découvert au fil de mes rencontres que, jusqu'à récemment, on ne relevait que très rarement les preuves permettant de remonter à la source – les numéros des billets de banque des rançons, les empreintes digitales. Parfois, on anéantit des preuves sur les esquifs. Des propositions sont donc faites dans ce domaine. Et il faut aussi des sanctions individuelles envers les chefs – car ils sont identifiés. L'un d'entre eux a d'ailleurs été incarcéré au Puntland. La communauté internationale, si elle en a la volonté, peut agir vite et fort contre les commanditaires.

Quant au degré d'imprégnation de la société, selon ce qu'on m'en a dit, la majorité des habitants du Puntland et du Somaliland sont très hostiles à la piraterie, pour des raisons morales et religieuses – parce qu'elle va avec la drogue, la prostitution et la corruption. Il est donc encore possible de s'appuyer sur ce rejet. Sur le plan politique, le président du Puntland, M. Farole, a le plus grand intérêt à lutter contre elle, certes d'un point de vue économique et politique mais surtout parce que les clans qui soutiennent la piraterie au Puntland le menacent… Mais tout cela n'est vrai que pour l'instant. Peut-être dans un an ou 18 mois le tableau dépeint par M. Le Bris sera-t-il devenu réalité ?

Pour ce qui est des pays asiatiques, l'ambassadeur indien au Conseil de sécurité a soutenu nos propositions avec beaucoup de force. L'Inde a été confrontée au problème il y a quelques jours encore. Quant aux Chinois, il semble qu'ils soient disposés à accepter les propositions. Ils ne se sont en aucun cas prononcés pour des actions fermes et claires mais il est à noter que, pour la première fois depuis le XVIe siècle, des navires militaires chinois sont présents dans cette zone… Pour eux, la question est loin d'être mineure.

Enfin, il existe un problème de suivi et de coordination des actions de développement. Celles de l'Union européenne, au Somaliland et au Puntland s'élèvent à plusieurs millions. Les Nations Unies sont aussi concernées. La France est soucieuse d'améliorer la cohésion entre les différents organismes d'aide. Ainsi, on pourrait rêver que le représentant spécial du Secrétaire général pour la Somalie ait autorité sur l'ensemble des agences des Nations Unies… J'en ai parlé avec Mme Ashton. La question est de savoir si nous parviendrons à nous décider, le moment venu, à désigner une autorité quelconque capable de mobiliser et de coordonner l'ensemble des intervenants. Un combat, cela se mène avec une équipe, un programme, un échéancier, des principes. Je ne sais pas si nous en serons capables, mais nous pouvons veiller à en parler à tous les acteurs concernés. J'ai néanmoins pris connaissance de projets très encourageants au Somaliland, menés par l'ONUDC grâce à des financements européens ; l'efficacité est donc possible, y compris sur le terrain difficile qu'est la Somalie.

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