J'ai plaisir à venir devant la commission des affaires étrangères pour débattre de la politique d'aide au développement de la France et je vous remercie de votre accueil. Je participais hier à une réunion avec l'African Panel Progress, que pilote Kofi Annan, et j'ai donc dû vous demander de bien vouloir reporter à aujourd'hui cette rencontre.
Notre politique de coopération et de développement est partie prenante de notre politique internationale. Elle existe depuis longtemps, pour des raisons historiques bien connues sur lesquelles il n'est pas nécessaire de revenir ici. L'époque a changé et nous sommes aujourd'hui à un moment charnière pour l'Afrique et pour la planète tout entière. L'articulation entre les différents aspects, compte tenu de la multiplicité des enjeux, est d'autant plus importante pour nous que la France préside actuellement le G8 et le G20.
Je voudrais souligner en quelques rappels chiffrés l'évolution de notre politique envers les pays qui en ont le plus besoin. L'Afrique compte aujourd'hui 1 milliard d'habitants ; elle en aura 2 milliards en 2050. Il s'agit là d'une donnée fondamentale qui doit inspirer toute l'action des pouvoirs publics, pour favoriser tout ce qui peut l'être pour contribuer au développement endogène de l'Afrique, qui dispose de ressources considérables, au plan minier, pétrolier ou forestier. La croissance économique moyenne en Afrique est de plus de 5 % par an et l'endettement a largement été réduit. L'Afrique a un certain nombre d'atouts, qu'il faut contribuer à renforcer pour favoriser son développement.
Dans cette période budgétaire difficile, nous entendons conserver notre capacité d'intervention et notre effort d'aide publique globale de 10 milliards d'euros est l'un des rares à avoir été sanctuarisé sur les trois prochaines années, alors même que des efforts budgétaires ont été demandés à tous les autres.
Cela étant, il y a quelques préoccupations que j'entends, exprimées dans les rapports parlementaires de Mme Henriette Martinez ou de M. Jean-Paul Bacquet et Mme Nicole Ameline. Je peux ainsi vous indiquer que nous allons essayer de porter notre effort bilatéral à 65 % de notre aide en 2013. C'est un objectif de rééquilibrage accessible et j'ai bon espoir que nous réussissions à l'atteindre dans un délai assez bref.
Notre aide est désormais concentrée sur deux secteurs géographiques spécifiques : l'Afrique et le pourtour méditerranéen. 60 % de l'effort budgétaire est consacré à l'Afrique, pour l'aider à faire face aux défis qu'elle doit affronter dès à présent. Il ne faut pas perdre de vue la structure démographique de ce continent, dont la population jeune et active impose de créer des emplois et de soutenir le développement pour éviter de le voir exposé à des difficultés insurmontables à court terme. Il est essentiel que nous nous concertions avec nos partenaires de l'Union européenne pour travailler le plus concrètement possible et augmenter nos possibilités d'interventions et leur donner le maximum d'efficacité.
La France n'a pas à rougir de son aide, qui est la première à destination de l'Afrique. Nous avons défini 14 pays prioritaires les plus nécessiteux sur lesquels nous concentrons notre aide. Le Président Axel Poniatowski faisait référence dans son propos introductif à AQMI et je veux dire que nous lions développement et sécurité. Si nous voulons lutter contre le terrorisme, il faut essayer de couper les liens entre les terroristes et les populations. Il est indispensable que nous gardions le contact avec les populations locales pour obtenir au moins leur neutralité. Le renseignement est indispensable et les observations que peuvent faire les populations sont essentielles. Je l'ai personnellement constaté en Mauritanie où le gouvernement mauritanien a lancé avec succès des opérations contre trois véhicules terroristes bourrés d'explosifs avant qu'ils ne réussissent les attentats qu'ils planifiaient, dont un contre l'ambassade de France. C'est grâce aux informations obtenues auprès de la population que cette intervention a été possible. L'aide au développement peut nous permettre de garder ce contact ; c'est tout à fait essentiel au Sahel.
En ce qui concerne la concentration de nos interventions sur l'Afrique, je soulignerai que nous avons certes des liens privilégiés avec l'Afrique francophone mais qu'ils ne sont pas exclusifs : dans la mesure où les problématiques sont mondiales, nous devons penser en termes de globalité du continent et ne pas oublier l'Afrique anglophone et lusophone. Le Président de la République nous a demandé d'être en contact avec l'ensemble des pays africains, quels que soient les liens historiques que nous avons avec chacun d'eux.
En 2008, à la suite du discours du Président de la République, « l'Initiative du Cap » a été lancée. Elle nous permet d'intervenir pour quelque 10 milliards d'euros sur 5 ans dont 2,5 milliards en faveur du secteur privé, moyennant la mobilisation de divers instruments auxquels il convient d'ajouter l'apport de différents mécanismes et fonds d'investissements, qui ont des effets de leviers importants, tel FISEA. Je relève aussi l'action de fonds de garantie pour le financement de projets, ARIZ, et Proparco.
Notre effort budgétaire sur le pourtour méditerranéen représente 20 % et, compte tenu des événements actuels, nous y portons une particulière attention : le Premier ministre nous a demandé de redéfinir un certain nombre d'actions vis-à-vis de la Tunisie et nous nous mettons à la disposition de ce pays pour lui apporter l'aide qu'il pourrait souhaiter en fonction des besoins qu'il aura lui-même définis, sans qu'il s'agisse pour nous de lui imposer quoi que ce soit moyennant des projets « clefs en mains ».
Quelques mots sur nos priorités sectorielles ; liées aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Le premier concerne la réduction de la pauvreté. Je rappelle à cet égard que 16e de la population mondiale vit avec moins de 1 dollar par jour et qu'il reste par conséquent encore beaucoup à faire. Nous intervenons beaucoup en matière de santé, qui représente un effort budgétaire de 500 millions d'euros par an. La France est aussi très engagée dans la lutte contre le sida et notre effort annuel de 300 millions sera porté à 360 millions dès cette année. En complément, nous finançons aussi Unitaid à hauteur de 110 millions, jusqu'en 2013. A Ouagadougou, lors d'un colloque sur le thème « populations et développement », j'ai annoncé un engagement supplémentaire de 100 millions en faveur de la santé maternelle et infantile, compte tenu de l'importance des besoins dans ce seul secteur. Notre effort en matière d'éducation représente 1 milliard d'euros annuellement. Ici aussi beaucoup reste à faire même si l'analphabétisme a diminué de moitié en Afrique. L'AFD est très active sur ce secteur.
Cela étant, il est important de souligner que nous avons aussi essayé de clarifier notre cadre d'intervention. Le CICID a adopté récemment un document cadre, qui trace les perspectives de notre politique d'aide au développement pour les 10 prochaines années. Nous attachons une importance particulière à ce que cette politique soit évaluée comme il se doit. C'est la préoccupation du gouvernement, et c'est mon obsession depuis toujours. L'utilité du parlement est dans son contrôle de l'activité du gouvernement et dans l'évaluation des politiques publiques, d'autant plus pertinente en période de disette budgétaire. L'efficience doit être maximale et l'évaluation doit permettre d'apporter les correctifs qui s'imposent. A cet effet, un rapport sera présenté tous les deux ans au parlement, ainsi qu'à la Cour des comptes et je souhaite que le Parlement soit systématiquement associé à cette évaluation. Il sera représenté au comité de pilotage.