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Intervention de Dominique Maraninchi

Réunion du 16 février 2011 à 9h30
Commission des affaires sociales

Dominique Maraninchi, président de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de sant :

Avant de répondre à la deuxième série de questions, un mot de mes liens avec l'industrie pharmaceutique, sur lesquels j'ai oublié de répondre tout à l'heure. J'ai remis une déclaration d'intérêts détaillée au secrétariat de votre Commission. Vous pouvez également la trouver sur Internet et je la tiens à disposition de ceux d'entre vous que cela intéresse. Je n'ai plus aucun lien d'intérêt depuis que j'occupe des fonctions publiques, c'est-à-dire 2002. J'ai exercé antérieurement des activités de consultant, d'ailleurs très modestes, pour l'industrie pharmaceutique, dans le champ de ma spécialité, notamment autour des biotechnologies. Je vous l'ai dit, mes conseils ont surtout débouché sur l'arrêt de certains développements, et j'en suis plutôt fier. J'ai également eu des liens avec certaines firmes pour évaluer de nouveaux médicaments dans le cadre de travaux académiques. Sur mes 297 publications, 60 concernent des produits pharmaceutiques, dont 27 ont fait l'objet d'un partenariat avec l'industrie. Dans le strict respect de la déontologie, j'ai toujours refusé de signer un article dont je n'assumais pas la totalité. Je n'ai jamais perçu d'honoraires pour ces publications. J'ai bien sûr participé à des colloques ou des congrès financés par l'industrie pharmaceutique – il aurait d'ailleurs été difficile de faire autrement sachant qu'elle en finance la majorité, ce qui n'est pas sans poser de problème.

Le suivi post-AMM est un enjeu majeur. Il faudra établir des priorités car les médicaments disposant d'une AMM sont extrêmement nombreux. Il faudra tout d'abord réexaminer pour ainsi dire « au kilomètre » la balance bénéficesrisques des plus anciens, en regardant ce que font les autres pays, notamment les États-Unis, et la commission de la transparence. Les produits ne présentant plus de bénéfice évident n'ont pas nécessairement à être retirés du marché, seulement de la prescription et du remboursement. Certains produits de santé possédant des propriétés intéressantes sur le plan cosmétique sans pour autant comporter un principe actif très efficace ni présenter donc un bénéfice pour la santé peuvent demeurer commercialisés: l'important est de s'assurer qu'ils ne présentent aucun risque. Je rappelle que la surveillance des produits cosmétiques fait partie des missions de l'Agence.

Pour le suivi post-AMM des spécialités les plus récentes, c'est un devoir que d'impliquer les industriels. Une AMM n'est pas octroyée à vie. Elle peut d'ores et déjà être conditionnelle et cela devrait devenir de plus en plus fréquent. Il faut donner rapidement accès aux médicaments mais il faudrait aussi, systématiquement, deux ou trois ans plus tard, procéder à une réévaluation en exigeant des firmes qu'elles fournissent des dossiers établis avec ce recul. Le suivi doit être dynamique et on ne doit bien entendu pas se fier seulement aux industriels. Il faut encourager des études post-AMM académiques indépendantes, qui ne soient pas financées par l'industrie pharmaceutique. Cela exigera de mobiliser des fonds publics.

L'AFSSAPS est aujourd'hui sous les feux de la critique. Cela ne doit pas faire oublier le travail remarquable qu'elle a réalisé par le passé, prenant parfois des décisions très impopulaires. Ainsi, en 2003, a-t-elle pris ses responsabilités en indiquant clairement que les traitements hormonaux substitutifs de la ménopause augmentaient le risque de cancer. Un million de femmes s'en sont alors dispensé et l'incidence des cancers du sein, de même que leur mortalité, a diminué dans notre pays. Ces traitements demeurent très utiles dans des indications précises, mais on ne peut les prendre à vie pour simplement gagner en confort.

Plus récemment, l'Agence a de même signalé, en accord avec le directeur général de la santé, que la prise d'hormone de croissance pouvant entraîner de graves effets secondaires à long terme – plusieurs hémorragies cérébrales et trois ostéosarcomes ont été observés : cela suffit à inviter à la prudence –, ce produit devait être réservé aux seuls cas de nanisme et ne pas être administré à des enfants qu'on jugerait simplement trop petits. Elle a aussi indiqué qu'il ne fallait en aucun cas doubler les doses car cela pouvait augmenter les risques de cancer. Un courrier a été adressé à tous les pédiatres et tous les parents concernés. L'Agence européenne a également été saisie.

Faut-il informer plutôt les patients ou les médecins ? À mon avis, l'information doit être symétrique. Il ne saurait être question de court-circuiter le corps médical mais il faut également informer la population dans un langage qui lui soit compréhensible. Certaines campagnes de communication, claires et bien coordonnées, en direction du grand public ont été très efficaces, je pense à l'usage des antibiotiques. Tous les acteurs, corps médical, agences, assurance maladie, INPES, s'étaient coordonnés pour dire d'une même voix « les antibiotiques, ce n'est pas automatique ». Mais sans coordination, l'information ne sert à rien.

L'un d'entre vous a évoqué des effets indésirables d'une famille des statines. Certaines sont indiquées dans la prévention de l'hypercholestérolémie, d'autres dans son traitement. L'AMM doit être strictement respectée car les effets secondaires sont plus difficilement acceptables dans la prévention, la balance bénéficerisque n'étant pas la même.

Il nous faut maîtriser l'information pour n'être pas débordé par celle, pléthorique et anarchique, que l'on trouve sur Internet ou celle, nécessairement orientée, du marketing des industriels. Ce sera l'une de mes priorités que de produire régulièrement et de manière coordonnée, une information de référence et sans complaisance sur l'ensemble des médicaments – pas seulement sur 77 d'entre eux – et sur les maladies. Je ne pense pas être utopiste. La Food and Drug Administration (FDA) l'a fait. L'information sur les médicaments y gagnera en dignité et en déontologie.

Si la crise actuelle autour du Mediator est française, les crises autour de médicaments sont fréquentes partout dans le monde. Les débats sont permanents au Royaume-Uni. La FDA a été, à certaines périodes, aussi ébranlée que l'est aujourd'hui l'AFSSAPS. Sa réponse a été de renforcer encore et toujours la transparence. C'est dans cette voie que nous devrons nous aussi nous engager, en rappelant que ce n'est pas parce qu'un médicament est autorisé qu'on est obligé de le consommer, a fortiori à outrance. On consomme beaucoup plus de médicaments en France sans y être en meilleure santé que dans les autres pays européens. Un élagage de certaines ordonnances ne serait pas inutile.

Les « permanents » européens de l'AFSSAPS ont été critiqués. L'Agence doit être très présente au niveau européen, où elle est à l'avant-garde. Ses représentants doivent être des personnalités bien visibles. S'ils changent tous les ans ou tous les deux ans, la confiance ne pourra pas s'instaurer. Je souhaite que nous soyons encore plus présents à l'Agence européenne, de façon à y défendre nos valeurs. Ce sera un excellent investissement. Ne reprochons pas à certaines personnes de s'être totalement investies dans les relations avec l'Agence européenne, comme le fait l'IGAS dans son rapport. C'était plus un problème de management interne.

Un dernier mot sur la responsabilité. Dans une instance comme l'AFSSAPS, elle incombe en dernier ressort au directeur général et il ne saurait être question que celui-ci s'y dérobe et puisse la faire porter à tel ou tel, même s'il doit bien sûr déléguer. Si je suis nommé, j'accepterai de porter la responsabilité des actes de tous les personnels de l'Agence. J'en serai même fier car ils sont, dans leur immense majorité, extrêmement motivés et compétents.

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