Avant d'exposer nos conclusions, je vous prie d'accepter les excuses de M. Alain Gilette, le troisième rapporteur de notre équipe, qui est retenu à l'étranger. Et je remercie la Commission des finances d'avoir accepté, en raison des problèmes de santé de notre collègue, d'allonger quelque peu le délai de huit mois imposé par la LOLF pour l'élaboration et la remise de ce rapport.
Le contrôle du recouvrement de la taxe par la DGAC auprès des compagnies aériennes et de son versement à l'Agence française de développement – AFD – n'a pas soulevé de difficultés. Cet aspect de nos investigations nous permet d'apaiser la crainte, exprimée notamment par M. de Courson, de voir les passagers fuir vers les aéroports de pays voisins. Cette taxe, qui s'échelonne entre un et quarante euros selon la destination et la classe, est en effet relativement indolore.
En revanche, une fois les fonds mis à disposition, on entre dans un domaine où les pouvoirs de la Cour sont très limités. Ils le sont d'abord par le principe de territorialité, puisque UNITAID, objet juridique non identifié dépourvu de la personnalité morale, relève de l'OMS qui est soumise au droit suisse, et qu'IFFim (Facilité internationale de financement pour la vaccination) est de droit britannique. Ils le sont ensuite par le principe de l'unicité d'audit : les organismes internationaux ayant un auditeur qui certifie leurs comptes, ils sont en droit de nous renvoyer au bon vouloir de celui-ci pour obtenir des données sur ces comptes. S'agissant de l'OMS, il s'agit du contrôleur général des comptes de l'Inde, lequel n'avait d'ailleurs pas jugé nécessaire de contrôler UNITAID, qui n'est qu'une partie minime de l'OMS. Toutefois, la bonne volonté de M. Douste-Blazy nous a permis de contourner la difficulté. Du côté d'IFFIm et de Global Alliance of Vaccines and Immunisation – le GAVI –, les réticences étaient plus grandes au départ, mais elles se sont atténuées par la suite. Quant à nos interlocuteurs du ministère des affaires étrangères, de l'AFD et du ministère des finances, ils nous ont bien sûr donné ce que nous leur demandions. En revanche, les choses se sont compliquées pour connaître l'utilisation exacte des fonds.
Le diagnostic d'ensemble, c'est que l'instrument qui permet d'acheter et de distribuer des médicaments pour lutter contre les trois grandes pandémies – choléra, SIDA, paludisme – dans les pays en développement, fonctionne. Autrement dit, le bilan de la collecte par UNITAID, comme distributeur de premier rang, et d'IFFIm qui emprunte des fonds qu'il redistribue en jouant sur l'effet de levier, est globalement positif, à quelques réserves près.
L'assiette de la taxe, c'est-à-dire les billets d'avion, a plutôt bien supporté la crise, malgré une diminution du trafic et donc des recettes. Toutefois, les fonds pour IFFIm – 10 % selon les règles de partage initiales, les 90 % restants allant à UNITAID – ne sont pas suffisants au regard des engagements pris par le Gouvernement. Pour y remédier, trois solutions sont possibles : une augmentation des ressources par le biais de l'augmentation de la taxe elle-même ou d'un élargissement de l'assiette, aux croisières par exemple ; une réduction de la part d'UNITAID ; enfin, une dotation budgétaire. À défaut, d'ici à 2026, le financement d'IFFIm et donc de GAVI devra être revu à la baisse, si l'on admet l'idée de ne pas respecter nos engagements – dont je signale au passage que, grâce à la subtilité du montage actuel, ils n'apparaissent pas dans la dette publique calculée par Eurostat, du moins pour l'instant.
La France a été pionnière dans ce financement innovant, mais elle est restée relativement isolée si bien qu'elle est le principal pourvoyeur de fonds d'UNITAID à qui elle procure entre deux tiers et trois quarts de ses ressources – la situation étant différente pour IFFIm, qui a d'autres pays contributeurs. Notre pays est en tout cas, qu'on s'en félicite ou qu'on le déplore, le seul des grands pays développés à avoir créé une taxe sur les billets d'avion.
Or la notoriété qu'il en tire n'est pas à la hauteur de l'effort consenti. C'est la conséquence du choix fait en faveur de l'aide multilatérale. Il faut réfléchir à la façon dont l'action de la France pourrait être mieux mise en valeur par le ministère des affaires étrangères, grâce à une mobilisation de nos postes diplomatiques s'ajoutant à l'action du président Douste-Blazy, car il s'agit d'un volet non négligeable de notre politique d'aide publique au développement. Il n'y a pas eu non plus d'effort de coordination avec la direction générale de la santé et avec les laboratoires pharmaceutiques français, de sorte que la promotion de nos produits n'a rien gagné à ce dispositif.
Le fonctionnement d'UNITAID n'appelle pas de remarque particulière. La France est bien représentée au conseil d'administration. Sans doute pourrait-elle être plus présente dans les instances dirigeantes d'IFFIm et de GAVI, dont l'architecture complexe et subtile n'a manifestement pas été élaborée par les lawyers anglais dans l'idée qu'ils participaient à une oeuvre caritative ou philanthropique, si l'on en juge par les coûts administratifs, par les frais de fonctionnement… et parce qu'eux-mêmes ont perçu. Mesurés à l'aune du coût du traitement d'un enfant contre le sida, les honoraires d'un avocat londonien sont proprement vertigineux !
L'AFD joue correctement son rôle, mais elle n'est pour l'instant qu'une boîte aux lettres, et elle est rémunérée très modestement pour le portage temporaire qu'elle assure. Sans doute pourrait-elle se voir confier la responsabilité de fédérer les énergies françaises, tant du côté du médicament que du côté « visibilité », ainsi qu'un mandat de suivi des fonds, qui consisterait à faire de façon permanente le travail que la Cour a effectué.
Pour résumer, on peut être rassuré quant à la pertinence du dispositif de recouvrement de la recette et relever le rôle pionnier que la France a joué, tout en regrettant qu'elle soit restée seule et qu'elle n'en tire pas tout le bénéfice politique, économique, administratif et diplomatique qu'elle serait en droit d'attendre en tant que principal contributeur. Il conviendrait également d'exiger des deux entités et du réseau en aval plus de clarté dans la gestion et le contrôle courants.