Est-ce une perte de temps que de s'occuper de la santé publique ? Aurait-ce été une perte de temps que de se pencher, il y a quelques années, sur le dossier du Mediator et de mettre un terme à ce drame effroyable ? Pensons encore aux autres drames que nous avons vécus au cours des dernières décennies. Là où nous perdons notre temps, c'est en ne nous occupant pas de santé publique, comme si nous préférions subir des hécatombes, année après année. Nous occuper de la santé publique est au contraire un impérieux devoir.
J'en viens à l'argument, déjà soulevé lors des débats en commission, selon lequel il faudrait attendre le règlement européen. Autrement dit, plutôt que d'être exemplaires, nous devrions suivre les autres pays. Rappelons que la Commission, à deux voix près, a rejeté une mesure pourtant beaucoup plus limitée visant à signaler le caractère plus ou moins sain de certains produits par un jeu de couleurs. Je le répète, vous préférez lâcher la proie pour l'ombre en proposant de renoncer à des mesures efficaces au profit de mesures plus limitées dont l'application est renvoyée à une date aléatoire. Vous-même, monsieur le secrétaire d'État, avez indiqué que ces mesures « devraient être » publiées cette année. Mme Grommech, quant à elle, a employé le conditionnel. C'est dire le niveau d'incertitude qui règne en matière communautaire. En outre, d'ici au mois de juin prochain, il y a fort à parier que plusieurs éléments seront retirés du projet européen. Lors des débats en commission, il a été ainsi indiqué qu'il y aurait de nombreuses exemptions. Voilà qui a peu à voir avec un affichage obligatoire pour tous les produits.
De façon erronée, monsieur le secrétaire d'État, vous avez indiqué que le projet européen était plus ambitieux et comportait sept mesures au lieu de quatre. Nous en proposons huit : la valeur énergétique, la quantité de protéines, de glucides, de sucres, de lipides, d'acides gras saturés, de sodium et de fibres alimentaires, indication tout à fait utile dans la prévention de nombreuses pathologies. Notre proposition comporte donc un élément de plus par rapport aux mesures que l'Europe prendra éventuellement en juin, avec des exemptions.
Vous nous demandez d'être ambitieux. Eh bien, je vous renvoie l'argument : soyons ambitieux et n'en restons pas à ces demi-mesures qui n'amélioreront en rien l'état sanitaire de nos concitoyens.
Mme Grommech a évoqué une prétendue non-conformité avec les règles européennes. Je ne sais pas à quoi elle faisait allusion. Elle a sans doute oublié de lire l'article 169 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qui prévoit que « les mesures arrêtées en application du paragraphe 3 ne peuvent empêcher un État membre de maintenir ou d'établir des mesures de protection plus strictes ». Or c'est exactement ce que nous proposons. Notre seule obligation est de notifier ces mesures à la Commission. Nous nous situons donc pleinement dans le cadre de la réglementation européenne.
Il nous a encore été reproché d'aller vers une pénalisation des entreprises françaises. Bien au contraire, nous leur donnons une chance : grâce au mieux-disant évoqué tout à l'heure, elles pourront se montrer plus vertueuses et disposeront ainsi d'un avantage auprès des consommateurs.
On a également souligné qu'il était nécessaire d'accompagner cette mesure d'explications et de moyens pédagogiques. Sachez que nous y sommes, nous aussi, très attachés. Nous estimons qu'il n'y a rien à ajouter à ce qu'a proposé le Gouvernement par la voix de M. Luc Chatel qui, le 20 mai 2009, indiquait qu'il importait d'aider les élèves à prendre en charge leur santé en précisant que « l'éducation à la nutrition permet de développer des projets en lien avec les enseignements et d'aborder l'éducation à la consommation et au goût », et que « son objectif est de mieux informer les élèves pour prévenir le surpoids et l'obésité précoce ». Nul doute que si M. le ministre de l'éducation n'a pas encore mis en application ces mesures, c'est par faute de temps, et qu'il compte le faire incessamment. Cela complétera utilement nos propositions de mettre en place un langage élémentaire qui permettra, grâce aux chiffres mis en regard des composants, de faire l'éducation de nos plus jeunes concitoyens et de leurs parents en leur faisant comprendre qu'au-delà de certaines valeurs des produits peuvent être dangereux s'ils sont consommés abusivement, et qu'en deçà ils sont vertueux pour la santé.
Je sais que j'aurai de la peine à vous convaincre, monsieur le secrétaire d'État, dans la mesure où vous ne voulez pas appeler à voter en faveur de notre proposition même si vous êtes d'accord avec les mesures qu'elle préconise. Ce n'est plus une question de conviction mais de croyance que de postuler qu'une proposition émanant du groupe SRC ne doit pas être approuvée par le groupe UMP. Je le regrette car vous y montrer favorable serait la preuve que vous ne vous contentez pas seulement des annonces faites par le Président de la République, par le ministre de la santé et par vous-même mais que vous voulez agir pour la santé.
Chaque mardi et chaque mercredi, la majorité nous dit : « nous, nous agissons, vous, vous parlez ». Eh bien, nous vous demandons d'agir pour protéger la santé publique dans notre pays, elle qui a été mise à mal de façon catastrophique pendant ces dernières années à travers plusieurs scandales, comme l'a rappelé Jean-Marie Le Guen. Nous avons le moyen de prévenir de nouveaux scandales avec cette proposition de loi. Ne la différons pas.
Je ne parviens pas à comprendre pourquoi vous vous opposez au vote de notre texte alors que vous approuvez son objectif et les différentes mesures qu'il comporte. Vous évoquez la question européenne mais je viens de vous démontrer que la réglementation européenne sera moins stricte, moins efficace et plus aléatoire.