Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, chers collègues, nous nous retrouvons aujourd'hui pour dresser le bilan des politiques actuelles du handicap et plus particulièrement de la loi du 11 février 2005. Je me réjouis que ce débat ait lieu.
Le premier constat est que les actes contredisent les discours. Après quelques avancées, le sentiment de désengagement de l'État des politiques du handicap se renforce au sein des associations qui oeuvrent dans ce secteur.
Concernant l'insertion dans le monde du travail, les chiffres sont alarmants. En effet, 20 % des personnes déclarant un handicap sont au chômage, soit le double du taux constaté dans la population active.
Les personnes handicapées connaissent des difficultés d'accès à l'emploi très nettement supérieures à la moyenne, et ce pour deux raisons principales : d'une part, le taux d'emploi des personnes handicapées dans les entreprises est de 2,7 % alors que l'objectif de la loi est de 6 % ; d'autre part, si 54 % des entreprises atteignent ou dépassent ce taux de 6 %, plus de 22 % d'entre elles n'emploient aucune personne handicapée et préfèrent payer les pénalités prévues.
Ces chiffres ne sont guères encourageants. Et vous ne faites rien pour inverser cette tendance. Au contraire, en supprimant certaines mesures comme la prime initiative emploi, qui aidait à l'embauche de salariés en situation de handicap, la prime contrat durable ou l'aide à l'aménagement du temps de travail, vous vous attaquez, une fois de plus, aux personnes vulnérables et en grande difficulté. Quant aux crédits alloués à l'emploi dans les entreprises adaptées, ils sont en nette diminution dans le budget de 2011.
Le secteur adapté représente 33 000 emplois, dont 28 000 salariés handicapés. Pour 2011, seuls 19 500 emplois sont financés, contre 20 000 en 2010. Cette restriction budgétaire consacre, une fois de plus, la destruction d'emplois aidés, 500 en l'occurrence.
Parallèlement, la subvention spécifique est réduite de 42 à 37 millions d'euros. Inévitablement, cette diminution a des répercussions sur les entreprises adaptées, qui sont contraintes de diminuer leurs actions en faveur de l'emploi, de la formation et de l'accompagnement social, et elle met ces établissements en péril.
En plus de ces désengagements, l'article 97 de la loi de finances pour 2011 a transféré les compétences de l'État en matière de formation et d'emploi des personnes handicapées vers l'AGEFIPH, qui assure l'insertion des personnes handicapées dans le monde du travail. Le transfert de tâches telles que la gestion des déclarations d'emploi ou celle de la reconnaissance d'un handicap, sans moyens supplémentaires pour l'AGEFIPH, allonge les procédures. Comment fera l'AGEFIPH pour agir en faveur de l'accès à l'emploi avec moins de moyens ? En effet, avec cette nouvelle mesure, ce sont 80 millions d'euros qui ont été ponctionnés sur la politique du handicap.
Votre gouvernement fait fausse route en se comportant ainsi ! Et cela pour plusieurs raisons :
L'aide publique à l'emploi des travailleurs handicapés en entreprise adaptée est un investissement gagnant pour la collectivité publique, car chaque euro aidé lui est retourné sous forme de recettes fiscales et sociales. En permettant l'emploi en entreprise adaptée d'une personne handicapée qui bénéficiait auparavant de la solidarité nationale, que ce soit avec l'allocation d'aide au retour à l'emploi, le RSA ou l'AAH, cette même collectivité publique réalise une économie nette de 8 869 euros par an. Ainsi, dès que l'État investit 1 euro dans les entreprises adaptées, il récupère, par le biais des différents organismes collecteurs, au minimum 1 euro. À titre d'exemple, si l'APASE, entreprise adaptée d'Auchy-les-Mines dans ma circonscription, embauche une personne handicapée, elle fait économiser à l'État, à la collectivité, près de 10 000 euros par an.
Ne pas financer ni soutenir les entreprises adaptées, c'est de la « non-assistance à travailleurs handicapés en danger ».
Quant à l'allocation aux adultes handicapés, dont le relèvement était une promesse de campagne de 2007, nous n'avons pas de raison non plus d'être optimistes sur son sort. Pourtant, cette allocation, versée à 856 600 personnes handicapées, ne s'élève qu'à 712 euros par mois, alors que le seuil de pauvreté est fixé à 910 euros. Ce revenu, dont le champ est du reste très limité – de nombreuses personnes handicapées ne peuvent en bénéficier puisque l'AAH est octroyée sous des conditions très strictes : 80 % d'invalidité permanente au moins – condamne donc ces personnes déjà fragilisées à l'exclusion et à la pauvreté.
À Cambrin, commune dont je suis maire, Antoine, un jeune de vingt et un ans, s'est retrouvé paraplégique après un accident de la route. Il est en fauteuil roulant. Actuellement en centre de rééducation, ce jeune, que je connais bien, fils d'ouvrier, a interrompu son activité professionnelle. Pour l'accueillir le week-end, sa famille s'est adaptée, en aménageant la maison et en achetant des équipements paramédicaux. Concrètement, je m'interroge : comment faire avec 712 euros par mois, ou 891 euros s'il bénéficie d'un complément de ressources pour compenser l'absence durable de revenu d'activité ? Cet accidenté de la vie ne pourra travailler comme il le désirait et gagner un salaire correct. Est-il condamné à vivre dans la précarité toute sa vie s'il ne retrouve pas un travail adapté ? Les cas de ce genre sont hélas ! nombreux.