En application de l'article L. 136-1 du code des juridictions financières, j'ai l'honneur, monsieur le président de l'Assemblée nationale, de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes, que j'ai présenté ce matin au Président de la République et que je déposerai ensuite au Sénat.
Monsieur le président, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le vice-président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, c'est avec une certaine émotion que je vous parle puisque c'est la première fois, aujourd'hui, que je reviens dans cet hémicycle que j'ai bien connu dans une vie antérieure. (Sourires.) Je retrouve ainsi une tribune que j'ai occupée en d'autres circonstances et je veux vous dire, monsieur le président, combien je suis sensible à la qualité et à la sympathie de votre accueil.
Le dépôt du rapport public annuel est toujours un moment solennel et hautement significatif pour la Cour des comptes. La Constitution nous confie la mission de vous assister dans le contrôle du Gouvernement et l'évaluation des politiques publiques, et nous sommes toujours heureux de pouvoir vous apporter notre expertise et nos conclusions. Je suis d'ailleurs accompagné aujourd'hui par le président Jean-Marie Bertrand, rapporteur général de la Cour, ainsi que par son secrétaire général et le chargé de mission auprès du Premier Président.
Bien entendu, les relations qui unissent votre assemblée et la Cour sont sans cesse plus étroites et ne se résument plus à cette seule occasion. Nous avons ainsi noué, au fil des ans, avec la commission des finances et celle des affaires sociales un véritable partenariat, grâce en partie à la loi organique relative aux lois de finances, mais aussi grâce à la conjonction de nos volontés.
Récemment, nous avons exploré des possibilités nouvelles de coopération dans le domaine de l'évaluation, en répondant favorablement, monsieur le président, à votre demande, au titre du comité d'évaluation et de contrôle, portant sur deux enquêtes.
Nous pourrions aller encore plus loin et donner une résonance toujours plus grande à nos travaux. La Cour est ainsi très heureuse de l'initiative que vous avez prise d'organiser un débat sur le rapport annuel le 1er mars prochain, en application du nouvel article 146-1 de votre règlement.
D'autres voies complémentaires de coopération seront possibles, devant les commissions permanentes ou en explorant les pistes ouvertes par les présidents des commissions de votre assemblée, notamment celle qui consiste à interroger les administrations sur les suites données aux travaux de la Cour. Certains parmi vous interrogent d'ailleurs déjà les ministres par le biais des questions écrites.
Le rapport 2011 est, à l'instar de ses prédécesseurs, très varié et couvre un spectre de politiques publiques et d'organismes très large. Nous vous présentons une sélection qui illustre l'activité des juridictions financières et la diversité des champs de contrôle.
Cette sélection est organisée en deux tomes.
Le premier, fait de vingt-cinq insertions, est consacré aux enquêtes nouvelles de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes. Hormis la situation d'ensemble des finances publiques, dont je vous livrerai la teneur dans quelques instants, ce tome aborde aussi les dépenses fiscales et le Fonds de réserve des retraites.
Comme chaque année, nous avons aussi voulu examiner quelques politiques publiques, comme le système d'indemnisation du chômage partiel ou la politique de soutien à l'agriculture outre-mer.
La troisième partie de ce premier tome traite de la gestion publique, qu'il s'agisse de la continuité territoriale avec la Corse ou de gestion immobilière, avec la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM.
Le second tome, composé de vingt et une insertions, est entièrement consacré au suivi de nos recommandations issues de contrôles précédents. Nous avons retenu une présentation simple.
D'abord, les exemples où nos recommandations ont été particulièrement suivies, comme c'est le cas pour les services publics d'eau et d'assainissement. Ensuite viennent les exemples où, selon la Cour, il faudrait un meilleur suivi des préconisations : c'est le cas du CNRS ou des mesures législatives concernant la sécurité sociale. Enfin, nous avons voulu alerter nos concitoyens et leurs représentants sur un certain nombre de situations à gros enjeux qu'il faut améliorer d'urgence : c'est dans cette dernière partie que nous abordons le Grand Port maritime de Marseille ou encore la gestion du Centre national de la fonction publique territoriale.
Bien entendu, nous reviendrons, lors du débat du 1er mars, sur les insertions qui vous semblent les plus dignes d'intérêt et de questions, ainsi que sur l'approche que nous avons retenue.
Ce rapport public 2011 s'inscrit dans une certaine continuité. Toutefois, nous avons souhaité cette année renforcer et mettre davantage en avant quelques caractéristiques.
La première, c'est l'équilibre entre les nouveaux sujets d'investigation et le suivi des effets des contrôles précédents. Les deux tomes sont presque jumeaux – en tout cas leur poids est assez proche. Nous voulons montrer que, si nous sommes constructifs dans nos observations et recommandations, nous savons aussi être énergiques et tenaces dans le suivi des actions correctrices effectivement engagées ou qui, dans certains cas, tardent à venir.
La seconde caractéristique, c'est l'attention plus importante portée aux résultats des politiques publiques. Cela répond à un besoin grandissant de votre part, mais également de la part du citoyen.
Enfin, la Cour a souhaité mettre en avant des sujets particulièrement proches des préoccupations des citoyens, qu'il est de notre mission constitutionnelle d'informer le mieux possible. Vous le savez pour en avoir âprement débattu vous-mêmes dans cette enceinte : les questions d'emploi ou de retraites figurent parmi les premières préoccupations de nos concitoyens. C'est pour cela que nous avons abordé la prime pour l'emploi, l'indemnisation du chômage partiel ou encore – ce qui devrait susciter quelques commentaires – le Fonds de réserve des retraites.
Un mot pour terminer sur l'analyse que la Cour fait de la situation de nos finances publiques. Elle reste pour nous extrêmement sérieuse, ainsi que nous ne cessons de le dire et de l'écrire depuis quelque temps déjà. Les objectifs de la loi de programmation pour les années 2009 à 2012 n'ont pas été tenus. L'amélioration espérée n'a pas été obtenue et une aggravation est même en réalité constatée.
Le déficit public attendu pour 2010 est à l'heure actuelle de 7,7 %, peut-être 7,5 %, du moins faut-il l'espérer. Il est très préoccupant de constater que le déficit structurel, hors plan de relance, s'est encore aggravé. Il est désormais estimé par la Cour à 5,5 points de PIB, en hausse de 0,5 point l'an dernier en raison d'un ralentissement insuffisant des dépenses et des décisions de baisse des prélèvements obligatoires. Nous procéderons à une nouvelle estimation à l'occasion du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, que nous vous remettrons en juin prochain.
La nouvelle loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 a retenu des orientations plus ambitieuses, avec un objectif de 3 % de déficit public en 2013. Toutefois, comme la commission Camdessus, la Cour constate que cette loi de programmation n'a pas de portée juridique supérieure aux lois de finances et qu'elle risque dès lors d'en rester au stade des ambitions.
Comme elle l'avait fait avant le vote de la LOLF, la Cour apportera une contribution au Gouvernement et au Parlement dans la perspective de la réforme constitutionnelle annoncée sur les finances publiques.
Pour 2011, la Cour ne peut que constater que nous sommes encore loin de l'effort qu'elle avait recommandé de réaliser. Cette année, en effet, la baisse du déficit proviendra pour la plus grande part de la disparition de mesures exceptionnelles ou temporaires : plan de relance ou encore surcoût ponctuel en 2010 de la réforme de la taxe professionnelle. Les économies identifiées par la Cour ne s'élèvent qu'à environ 5 milliards d'euros, alors qu'il faudrait faire selon nous un effort d'économie de l'ordre de 13 milliards d'euros. L'effort structurel de réduction du déficit résultera des mesures de hausse des prélèvements obligatoires correspondant à un demi-point de PIB, dont seulement 7,5 milliards d'euros sont pérennes.
Pour l'après-2011, les éléments dont on dispose aujourd'hui pour savoir si les objectifs peuvent être tenus sont encore trop incertains. Pour que la trajectoire décrite par la loi de programmation soit crédible, l'effort structurel doit être plus ambitieux et les mesures nécessaires pour le réaliser rapidement précisées.
J'en termine à présent. Je souhaite bien évidemment que vous puissiez lire nos travaux,…