Je m'exprime ici au nom des députés communistes, républicains, citoyens, du parti de gauche, et vous annonce que nous nous abstiendrons sur cette proposition de loi relative au prix du livre numérique. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Nous avions pourtant salué, lors de sa venue en commission, un texte poursuivant un objectif légitime, la régulation du secteur en plein essor du livre numérique, dans la continuité de la loi de 1981 sur le prix unique du livre, qui avait permis de maintenir la diversité de l'édition, la qualité de son offre et le maillage des librairies sur l'ensemble du territoire ; mais force est de constater, à l'issue de son examen par notre assemblée, que cette proposition de loi a quasiment perdu toute portée protectrice.
L'extraterritorialité, qui permettait d'empêcher les géants commerciaux de s'emparer du livre numérique dans le seul but de dégager des profits, a été supprimée par la majorité. Or, comme nous l'avons dit, en assujettissant seulement les éditeurs établis en France à l'obligation de fixer un prix de vente pour les livres numériques diffusés, on rend la loi inopérante. Aucun des géants du secteur n'est établi en France et, surtout, en matière d'échange immatériel, les frontières physiques ne sont pas pertinentes.
Pour le reste, vous vous retranchez derrière l'actuel contrat de mandat, qui s'inscrit très profondément dans le droit communautaire et, notamment, dans les directives services et la directive sur le commerce électronique, avec tout ce que cela suppose comme soumission aux lois du marché.
Sous la pression du rapporteur, vous avez supprimé l'article 5 bis, issu des travaux sénatoriaux, qui devait garantir une rémunération juste et équitable pour les auteurs. De notre côté, nous continuerons de proposer que la rémunération de l'auteur d'une oeuvre commercialisée ou diffusée sous forme numérique ne puisse être inférieure à celle obtenue pour l'édition papier première du même ouvrage.
Il s'agirait aussi de trouver une solution au prix du livre numérique, qui reste trop élevé, notamment en créant une plate-forme publique de téléchargement avec un mécanisme de financement public qui prenne en charge tous les coûts liés à la rémunération des auteurs, des intermédiaires, et tous les frais afférant à la production, à la diffusion ou au stockage des oeuvres.
Ce texte offre des positions minimalistes et ne prend pas plus en compte la fracture numérique et la crise de la lecture. Or, comme l'a écrit le grand poète Edmond Jabès : « Le livre n'est pas. La lecture le crée, à travers des mots créés, comme le monde est lecture recommencée du monde par l'homme ».
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons.