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Intervention de Jean-Louis Touraine

Réunion du 10 février 2011 à 9h30
Bioéthique — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Touraine :

Nous sommes tous d'accord sur la nécessité de développer encore – mais c'est déjà en partie réalisé grâce aux fonds publics, à l'argent du Téléthon et à une fondation qui porte le nom d'une personne ayant décrit la trisomie 21 – les aides apportées aux patients et à la recherche sur les maladies touchant des anomalies chromosomiques ou génétiques. Tout cela n'est pas antinomique avec les éléments de réflexion abordés ici.

Nous sommes d'accord sur la liberté totale de choix qui doit être offerte à la mère, aux parents concernés, compte tenu des informations disponibles.

Nous sommes d'accord sur le fait que l'on ne doit pas imposer à une personne contre son gré, soit le maintien du développement d'une grossesse aboutissant à un enfant malformé, soit l'interdiction de poursuivre la grossesse. L'interruption de la grossesse ne peut et ne doit jamais être imposée.

On a beaucoup parlé d'eugénisme, c'est un sujet délicat. Nous sommes tous radicalement contre l'eugénisme dans son sens historique, tel que le prônait Alexis Carrel il y a plusieurs décennies. Mais où se situe la frontière ? Si nous retenons une acception trop large de l'eugénisme, nous y inclurons : l'interdiction de mariage consanguin, les recommandations de grossesse pour les femmes relativement jeunes plutôt que pour les femmes en période préménopausique ; nous dissuaderons – la recommandation existe même, dans des pays très catholiques, où l'on constate une grande fréquence de trait thalassémique – les jeunes qui en sont porteurs, de se marier entre eux. Nous inclurons les bébés médicaments – les bébés de la deuxième chance –, qui représentent une forme d'eugénisme. Nous inclurons également la thérapie génique des enfants bulles.

Réfléchissons sans avoir peur, en gardant en mémoire la réflexion faite, il y a plusieurs décennies, par sir Peter Medawar – prix Nobel de médecine et de physiologie pour sa découverte de la tolérance immunologique – : « Que va faire la médecine moderne sur la fréquence des gènes de maladie ? » Il en arrivait à la conclusion logique : « La médecine moderne permet à des gens qui, hier, étaient condamnés à la mort dans l'enfance, du fait de leur fragilité génétique de diverses natures, de vivre au-delà de l'âge auquel ils peuvent se reproduire. »

Les gènes de maladie, de fragilité – on a évoqué plusieurs maladies chromosomiques ou génétiques – seront d'une fréquence croissante. On peut calculer, par extrapolation, la date à laquelle ces maladies deviendront d'une telle fréquence que cela sera problématique pour l'humanité. Peter Medawar, dans sa sagesse, a faire remarquer que, simultanément, la recherche progresse, pour apporter les gènes de correction à ces maladies. Certes, la fréquence des maladies génétiques sera en augmentation dans l'espèce humaine, conséquence de la médecine efficace que nous connaissons aujourd'hui et qui n'existait pas avant le milieu du XX e siècle, mais, dans le même temps, la possibilité de corriger ces déficits géniques se développe.

Si nous avons une idée trop large de l'eugénisme, nous inclurons dès maintenant des choses qui sont train de progresser au bénéfice des êtres humains.

Revenons à l'article 9. Les femmes qui risquent de mettre au monde un enfant atteint d'anomalie, de malformation, de handicap, de trisomie dialoguent constamment avec l'équipe médicale. Si une femme, pour une raison ou pour une autre, ne souhaite pas être informée des risques encourus et désire poursuivre sa grossesse, il est clair que son choix doit être à tout prix respecté.

L'argumentation développée par M. Mariton se heurte à une considération très simple. Un couple a le droit de savoir pendant la grossesse si l'enfant est atteint par exemple de trisomie 21, alors même qu'il veut le garder et le laisser naître. Cependant, le test permettant d'avoir cette certitude entraîne aujourd'hui 1 % de risques d'aboutir à l'arrêt du développement de la grossesse et à la mort du foetus. Imposer ce risque de mort à un foetus est peu légitime si l'on refuse l'évocation d'une sanction thérapeutique par l'interruption thérapeutique de grossesse. Dans ce cas, il est plus légitime de recourir simplement à des tests de dépistage existants, qui n'offrent qu'une probabilité et non une certitude.

Ces quelques remarques avaient pour but de montrer que le dépistage prénatal ne devait pas être imposé. Le proposer systématiquement me semble parfaitement légitime dans notre société. Cela paraît être une information utile pour que les couples puissent prendre leur décision, en sachant qu'ils ont le droit de changer d'avis, après avoir été informés et avoir pris des conseils auprès de toutes les personnes qui leur paraissent utiles.

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