Il est bien que la société et la science puissent proposer aux femmes qui le souhaitent un diagnostic. Il est aussi important que nous rappelions, dans le débat et par nos votes, que ce diagnostic ne doit pas être systématique ni obligatoire. Ni pour la femme, ni pour le praticien.
Il est important de rappeler que le cheminement de décision ne doit pas être automatique. Ce n'est pas parce que la première étape du dépistage est acceptée et pratiquée qu'elle doit nécessairement conduire à l'amniocentèse, puis à l'avortement. La plupart d'entre nous seront probablement d'accord avec cet énoncé ainsi formulé, mais chacun sait que dans nos débats, le raisonnement, quand il est pris à rebours, fait apparaître davantage de divergences entre nous.
Certains m'ont dit que si l'on accepte la première étape, il y avait incohérence à refuser la deuxième. Et que si l'on acceptait la deuxième, il y avait quelque chose de curieux à ne pas accepter la troisième. Mais chacun voit bien que les portées des décisions ne sont pas les mêmes, ainsi que la maturation d'une décision. Ces décisions ne sont pas prises au même moment, et si l'on considère qu'il y a un libre arbitre de la femme, et une décision prise à l'intérieur du couple, il est normal que des décisions différentes puissent être prises à différents moments. D'autant qu'il s'agit de décisions irréversibles.
Oui, la maturation de la décision doit avoir sa place, et il n'y a pas de lien logique entre les différentes étapes.
Par ailleurs, on peut également chercher à savoir si l'enfant que l'on porte est trisomique sans faire à l'avance le choix de l'éliminer, ni même prendre la décision de l'éliminer, tout simplement parce que la femme, la famille, peut avoir envie de se préparer à l'accueil de l'enfant. Ces deux éléments : maturation de la décision et préparation de l'accueil peuvent éclairer d'une manière nouvelle un enchaînement que certains voudraient voir soit comme automatique, soit comme incohérent, tel qu'il est apparu dans nos débats de commission.
L'information de la patiente est quelque chose d'essentiel, nous en avons débattu devant la commission spéciale. Aujourd'hui, les conditions n'en sont pas suffisantes. Des amendements permettront de compléter l'information de la patiente, ils me paraissent tout à fait essentiels.
L'information, également, sur ce que peut être, si tel est le choix de la femme et de la famille, l'accueil de l'enfant handicapé, recoupe toute la question de la mise à disposition de listes d'associations, et au-delà, du dialogue avec le médecin sur ce que peut être la vie avec cet enfant handicapé.
Nous avons aussi adopté des amendements qui me paraissent importants sur le développement de la recherche sur la trisomie 21. Je pense que ce point est tout à fait essentiel pour éclairer notre débat. La société et la science mettent à disposition un dispositif technique, chacun est libre de l'utiliser ou non, mais l'existence de ce dispositif ne doit pas prédéterminer des conclusions ni sur les personnes, ni sur les axes de recherche. Il est important que la recherche sur la trisomie 21 se développe. Nous avons trouvé, au fil des débats, une conclusion sage au débat concernant le diagnostic prénatal et le diagnostic préimplantatoire. Chacun a mesuré le risque qu'il pouvait y avoir à lier les deux.
À ce point du débat, je veux dire au rapporteur, avec toute l'amitié et l'estime que je lui porte, que je ne suis pas d'accord avec l'opposition qu'il fait entre clivage et nuance. On peut à la fois dans un débat constater qu'il existe un clivage, tout en construisant le clivage et l'assumer avec un certain esprit de nuance. Il n'est pas interdit d'essayer d'avoir à la fois l'esprit de géométrie, le clivage existe ; et l'esprit de synthèse, la synthèse exige aussi la nuance. Nous sommes dans des matières, monsieur le rapporteur, où existent des convictions qui peuvent être fortes, instruites et nourries de différentes manières. Il peut aussi y avoir des interrogations et des nuances, mais l'un et l'autre peuvent aller ensemble.
En 2004, j'ai moins participé aux débats sur les lois de bioéthique, car, à l'époque, j'avais d'une certaine manière délégué ma responsabilité à des collègues qui savaient davantage. Cette année, j'ai considéré qu'il était de ma responsabilité de plus y participer, et il est vrai que le débat a pris une autre tournure qu'en 2004. Il est probablement davantage clivé, je l'assume, je ne le regrette pas, mais cela ne signifie pas qu'il n'y a pas dans ce clivage, collectivement, de la nuance, et dans la conviction et l'analyse de chacune et chacun d'entre nous de la nuance. Les deux peuvent aller de pair, je l'espère.