Je comprends ce que veut dire M. Mariton, mais je pense que le débat sur ce projet de loi n'est pas le cadre qui convient pour comparer, sur le plan philosophique, les avantages réciproques des liens du sang dans une famille et des liens d'amour entre deux personnes proches.
Par ailleurs, pour ce qui est du cousinage, plus il est éloigné, plus ce que l'on suppose des liens du sang est sujet à erreur, les analyses génétiques ayant montré que ce risque d'erreur est supérieur à 10 %.
Enfin, si notre pays souffre d'un déficit en termes de transplantations, le déficit en dons du vif est plus important – par rapport à d'autres pays – que le déficit en dons cadavériques. Comme le montrent les chiffres de l'Agence de la biomédecine, nous n'avons toujours pas atteint les 10 % en 2010 pour les transplantations rénales – nous en sommes à un peu plus de 9 % –, ce taux étant encore bien inférieur pour les transplantations hépatiques. Il y a un progrès à réaliser en la matière, que nous devons rechercher en encourageant cette pratique.
Certes, le rapport promis par Xavier Bertrand va permettre d'identifier certains des facteurs additionnels à corriger en matière de transplantation. Toutefois, ce n'est pas un rapport qui va réellement changer les choses : il faut une loi, d'où la nécessité de statuer aujourd'hui sur la possibilité d'un don entre proches hors du cercle familial. (« Absolument ! » sur les bancs du groupe SRC.)
La loi prévoit déjà la possibilité de dons provenant d'un conjoint, d'un concubin, d'un partenaire de PACS. Il n'y pas, alors, de lien du sang, mais uniquement un lien affectif, certes entériné par la société. Avec notre proposition, nous demandons simplement que le juge soit habilité à déterminer si ce lien est avéré ou non. Ainsi, la reconnaissance de la réalité du lien affectif pourra être obtenue par le juge, et plus seulement par le maire. Je ne pense pas que ce soit là une grande différence : ils sont tous deux capables de déterminer si deux personnes entretiennent de réels liens affectifs. Ce n'est donc pas un « bond philosophique » que nous vous invitons à effectuer, mais une simple évolution naturelle visant à permettre le don entre deux personnes qui s'aiment.
Enfin, ceux qui tentent d'opposer donneur vivant et donneur cadavérique font, à mon sens, abstraction d'un point essentiel : les greffes de rein pratiquées à partir d'un donneur vivant aboutissent à des résultats incomparablement meilleurs que les greffes pratiquées à partir d'un donneur cadavérique. Cela s'explique très aisément : premièrement, la transplantation est faite instantanément, sur un malade en bon état, qui n'a pas été obligé de rester sous dialyse pendant dix ans et a donc évité les complications généralement liées à une longue attente. Deuxièmement, le prélèvement est opéré sur un donneur en bonne santé, qui n'a pas subi la phase agonique. Troisièmement, enfin, il y a moins d'échec tardif, car les personnes ayant reçu un rein d'une personne proche sont naturellement enclines à observer strictement les recommandations thérapeutiques – il est en effet prouvé que la principale cause d'échec tardif des transplantations réside dans la non-observance thérapeutique.
Tout cela fait que la greffe d'un rein provenant d'un donneur vivant aboutit à une durée de vie du greffon 50 % plus longue que dans le cas d'un donneur cadavérique. Les résultats sont meilleurs et plus durables, le bénéfice est plus grand, il n'y a pas de nécessité de dialyse en attente d'une transplantation : pour toutes ces raisons, le bénéfice pour la société et pour les personnes concernées est tout à fait considérable. Ne nous privons donc pas de cette possibilité au motif qu'elle pourrait susciter un risque de trafic d'organes. Je ne crois pas qu'il y ait un seul pays au monde réprimant plus sévèrement que la France le trafic d'organes : les pénalités prévues sont telles qu'elles sont vraiment de nature à dissuader n'importe qui de s'engager dans un tel trafic.