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Intervention de Vincent Chriqui

Réunion du 9 février 2011 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Vincent Chriqui, directeur général du Centre d'analyse stratégique, CAS :

Je serai, monsieur le président, plus optimiste que vous. En 1980, 1es économiste Julian L. Simon et Paul Ehrlich ont fait un pari sur l'évolution en dix ans du prix de cinq ressources prises au hasard. Et bien, contrairement à ce qu'on pouvait penser, leurs prix ont diminué sur la période. Ce phénomène est régulièrement confirmé : quand on observe l'économie à un moment donné, on se dit que les ressources se raréfient, mais on découvre ensuite des ressources supplémentaires ou de nouvelles technologies et on se rend compte que tout n'était pas aussi dramatique qu'on l'imaginait.

Certes, la situation est aujourd'hui un peu différente en raison de la croissance de la Chine et des pays émergents, qui nous pose un défi d'une ampleur sans précédent. Selon les prévisions des Chinois eux-mêmes, leur production d'automobiles absorberait d'ici 15 à 20 ans la totalité de la production d'acier de la planète…

Je pense que l'on atteindra un autre équilibre entre des tendances qui apparaissent aujourd'hui insoutenables et des innovations technologiques apportant des solutions que l'on ne peut pas encore imaginer. Il faut se donner les moyens de les trouver au plus vite et c'est bien ce à quoi nous nous sommes attelés, même s'il est bien évidemment très difficile d'apprécier si le niveau global des investissements sera suffisant. La démarche des investissements d'avenir s'inscrit parfaitement dans ce cadre en mettant l'accent de façon proactive sur les technologies dont on pense qu'elles permettront dans quelques années de relever les défis qui nous sont posés.

Plusieurs questions ont porté sur les véhicules du futur. À l'évidence, on a du mal à trouver les bonnes solutions pour le moteur à hydrogène, en particulier en raison du risque de fuite. N'oublions pas par ailleurs que les véhicules thermiques classiques offrent des marges de progression considérables : accepter de rouler un peu moins vite ou d'avoir des voitures moins puissantes permettrait déjà de dégager des économies très importantes, sans attendre la transition ultérieure vers le véhicule électrique.

Je ne suis pas un spécialiste de la forêt mais je note que ce sujet suscite beaucoup d'intérêt ; il pourrait faire l'objet d'une réflexion du Centre d'analyse stratégique.

Nous n'allons pas entrer maintenant dans un débat sur la réforme des collectivités territoriales, mais il est bien évident que leur rôle sera essentiel, ne serait-ce que parce que les problèmes de mobilité se présentent de façon extrêmement variable. Notre rapport proposait d'ailleurs de donner plus de pouvoir aux autorités organisatrices de transport, même si des regroupements sont effectivement à prévoir.

J'accorde une grande importance au volet écologique qu'a évoqué Didier Gonzalez. Toutes les entreprises affichant aujourd'hui des préoccupations écologiques et les produits étant couverts de mentions qui y font référence, je crois que l'on approche du moment où le consommateur arrivera à saturation : il y a donc place pour une harmonisation et une labellisation aptes à restaurer la confiance.

Je n'entrerai pas non plus dans le débat sur la Chine, mais il est bien évident qu'il y a dans ce pays des disparités considérables entre la région côtière et l'intérieur du pays mais aussi entre les habitants. Ces disparités font d'ailleurs totalement partie du modèle de développement : on n'imagine pas qu'un paysan décide du jour au lendemain de se lancer dans une autre activité. Pour autant, je ne pense pas que cela durera éternellement. Dans ce pays très puissant, structuré et doté d'une véritable administration, on peut tout à fait imaginer que l'on décide un jour d'assouplir les choses et d'utiliser au profit d'une industrie en forte croissance cette réserve de main-d'oeuvre que constitue le milliard de Chinois de l'intérieur, qui pourraient ainsi accéder, et c'est heureux, à un niveau supérieur de prospérité. On peut y voir aussi une réserve de croissance pour ce pays.

Le modèle de développement du futur qu'a évoqué Bertrand Pancher est un vaste sujet. La réponse ne saurait être unique et l'ensemble de nos travaux y sont en fait consacrés. « Moins de croissance et plus de développement » a-t-il dit. Je ne pense pas que l'équation se pose en ces termes : il faut de toute façon davantage de croissance, mais il faut aussi dégager plus de pouvoir d'achat pour répondre aux attentes des Français et faire en sorte que ce pouvoir d'achat prenne une forme différente. Cela suppose encore plus d'innovation et d'imagination.

La gouvernance du CAS est assez simple puisqu'il s'agit d'une direction d'administration centrale rattachée au Premier ministre. Je pourrais donc dire : « la gouvernance du centre, c'est moi », sous l'autorité bien évidemment du Premier ministre… Mais je m'efforce d'associer tous les autres partenaires au sein de groupes de travail, notamment sur tout ce qui a trait au développement durable. Pour que nos propositions soient le plus possible prises en compte dans le débat public, tous nos travaux sont publics et accessibles sur notre site Internet, sous une forme complète – celle des rapports – ou simplifiée – celle des notes de synthèse – , afin qu'un lecteur pressé ait immédiatement accès à la synthèse et aux propositions.

Enfin, je crois que M. Gagnaire a fort bien résumé l'une des finalités de notre action, qui est de concilier économie et développement durable. Au sein du CAS, j'incite les membres de ces deux départements à communiquer le plus possible. Le pire des scénarios est celui dans lequel on a moins de pétrole et de ressources, avec moins de possibilités de produire, moins de croissance et finalement une forme d'appauvrissement collectif. On peut aussi craindre que toutes les technologies d'avenir partent à l'étranger. Mais il y a aussi un scénario optimiste, dans lequel on mise sur la croissance, sur l'innovation, sur la productivité, avec des démarches d'avenir mais aussi avec une vraie politique industrielle, pour que la France soit un pays d'excellence, de croissance et d'industrie. C'est le voeu que nous pouvons tous former.

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