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Intervention de Vincent Chriqui

Réunion du 9 février 2011 à 10h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Vincent Chriqui, directeur général du Centre d'analyse stratégique, CAS :

Je vois que la représentation nationale nourrit pour le Centre d'analyse stratégique de grandes ambitions et je lui en suis reconnaissant… (sourires)

S'agissant du mix énergétique, le Grenelle fixe un objectif très ambitieux de 23 % d'énergies renouvelables en 2020. L'éolien peut bien évidemment être une des clés. N'oublions toutefois pas, du point de vue de la lutte contre le changement climatique, donc des énergies décarbonées, et sans tenir compte des autres problèmes, que, grâce à notre parc nucléaire, notre situation est bien plus favorable que celle des autres pays.

C'est parce que l'on s'inscrit dans une certaine logique de production que l'on prend les terres rares en Chine, mais on en trouve ailleurs et il n'y a pas de problème d'épuisement des ressources, mais plutôt de sécurité géopolitique de l'approvisionnement en produits qui sont de plus en plus au coeur des technologies les plus avancées.

Nous nous sommes intéressés à l'acquisition des terres arables dans notre rapport sur la cession d'actifs agricoles. La Chine, la Corée, certains pays du Golfe, procèdent à de telles acquisitions, notamment dans des pays d'Afrique, afin de s'assurer de nourrir leur population dans les années à venir. La presse s'est ainsi fait l'écho d'achats très importants de terres à Madagascar par un géant coréen, ce qui a entraîné la chute du gouvernement malgache. C'est dans ce contexte que l'on a commencé à parler de land grab. Bien sûr, ce phénomène peut être très dangereux pour les populations locales lorsque les fermiers perdent leurs terres, mais n'oublions pas qu'il s'agit de pays où le sous-investissement est criant, notamment en matière agricole, et que l'arrivée de capitaux étrangers peut favoriser des modes de culture plus innovants. Ainsi, certains modèles fonctionnent très bien, je pense en particulier à la fondation Aga Khan qui met des technologies à la disposition des producteurs kényans de haricots, à la condition que ces derniers consacrent 75 % de leur production à des cultures vivrières, les 25 % restants étant destinés à l'exportation et permettant de dégager des devises. C'est bien pour promouvoir de tels modèles durables que nous préconisons des labels et des coopérations.

Nous n'avons pas pour rôle de mener des études d'impact, qui incombent plutôt à Bercy, mais de tracer de grandes perspectives d'avenir. La question des transports est bien évidemment essentielle et nous continuerons à y travailler.

Il est vrai que nous raisonnons plutôt secteur par secteur, en particulier ceux du transport et de l'énergie, et que nous n'avons pas véritablement de vision d'ensemble sur le réchauffement climatique.

Notre note d'analyse sur la consommation durable répondait en effet à une commande du Gouvernement. Le Grenelle de l'environnement comporte bien des éléments à ce propos mais vous avez raison de souligner que le Royaume-Uni, la Suède et la Finlande sont les seuls à mener une politique d'ensemble en la matière ; peut-être la France y viendra-t-elle également, à la suite de notre rapport ; il m'a semblé que Mme Nathalie Kosciusko-Morizet était intéressée par nos propositions : elles rejoignent d'ailleurs des politiques déjà menées, en particulier en ce qui concerne l'étiquetage des produits, un grand nombre d'industriels ayant été invités à s'engager dans l'expérience en la matière.

S'agissant d'une taxe carbone de 30 puis de 100 euros, nous ne sommes pas là pour dire ce qu'il convient de faire mais pour analyser différentes pistes de nature à modifier les comportements. Dans certains pays, on privilégie l'incitation ; ainsi, en Californie, on ne se contente pas de vous dire qu'il faut consommer moins, on vous donne des informations très précises sur les ménages comparables au vôtre qui y sont parvenus. Si l'on s'inscrit davantage dans une logique de taxe, l'efficacité commande d'aller progressivement vers un niveau cohérent avec un prix global du carbone. Mais on peut encore imaginer d'autres méthodes, par exemple raisonner en quotas de production de carbone, ce qui est aussi une manière de faire entrer le carbone dans le prix.

Faut-il que la taxe porte sur l'électricité ? C'est un vaste débat. Certes, il faut que la base soit large, mais, je l'ai dit, notre électricité est déjà très largement décarbonée. Cela étant, il faut adopter une approche d'ensemble et faire en sorte que les efforts ne portent pas uniquement sur un secteur : à quoi bon demander un effort très important aux transports ou aux ménages si l'on ne cherche pas à obtenir des résultats tout aussi efficaces dans le domaine industriel ?

Si manger du poisson est bon pour la santé, le rapport faisait mention du régime moins carné à partir de l'idée que si les Chinois se mettent à consommer autant de viande que les Français, voire que les Texans, on ne sera pas capable de produire suffisamment : n'oublions pas qu'il faut sept à huit kilos de nourriture végétale pour obtenir un kilo de nourriture animale…

L'économie de la fonctionnalité est aussi le sujet d'un vaste débat, mais je crois que c'est une vraie piste de consommation plus efficace pour l'avenir. L'évolution est engagée : aujourd'hui, on achète une voiture, demain on achètera de la mobilité, la disponibilité d'un véhicule à un moment donné.

S'agissant de Kyoto et de Cancun, il est évident que l'on a changé de logique. À Kyoto, on a émis l'idée d'un modèle top down : pour obtenir un certain résultat dans la lutte contre le changement climatique, il faut que, globalement, on ne produise pas plus d'une quantité donnée, que l'on se répartit entre pays développés. À Cancun, on s'est heurté à un mur…

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