Mon propos se limitera à l'ISF, en complément des propositions de mon confrère.
On parle trop souvent de l'ISF pour qu'il soit un bon impôt. Ses travers sont bien connus. Aussi en soulignerai-je les quelques mérites, qu'il faudrait s'attacher à préserver s'il n'est pas supprimé purement et simplement.
Tout d'abord, il rapporte 4,5 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable en des temps difficiles. Il a ensuite pénalisé les détentions clandestines puisqu'il s'accompagnait de la taxe de 3 % qui visait les Français s'abritant derrière des sociétés domiciliées dans les paradis fiscaux pour détenir une société française, par exemple. Mais maintenir le taux de 3 % serait absurde si ceux de l'ISF venaient à être réduits puisque la taxe était destinée à sanctionner une absence de déclaration à l'ISF. De même, les bons anonymes sont frappés d'une taxe annuelle de 2 %. Les formes de détention clandestine ont donc été sévèrement contrariées par l'instauration de l'ISF.
Ensuite, l'ISF a incité les chefs d'entreprise à s'accrocher à leur affaire aussi longtemps qu'il était possible, à organiser la conservation familiale des titres et la transmission familiale. L'exonération des biens professionnels, des titres détenus dans le cadre d'un pacte Dutreil, de l'actionnariat salarié sont autant de mesures qu'il faut saluer car elles ont permis à l'économie de respirer malgré l'ISF. Parallèlement, la détention des oeuvres d'art, des forêts et des terres agricoles a été encouragée à bon escient car, dans le premier cas, il y va de notre patrimoine culturel et, dans le second, de l'intérêt de la collectivité nationale.
Au passage, reconnaissons que l'ISF a constitué, pour les avocats, les notaires, les banquiers, une manne financière difficile à chiffrer mais qui ne doit pas être très éloignée des recettes annuelles de l'ISF…
Les défauts de cet impôt sont, quant à eux, plus connus.
Même si son barème est inchangé depuis quinze ans, l'ISF est indéniablement devenu prohibitif car son taux doit être corrélé au rendement du patrimoine assujetti. Or, en 1989, quand l'ISF a été institué, le taux maximal était de 1,5 % et le taux d'intérêt légal de 9,5 % si bien que l'assujetti disposait, après impôt, grosso modo de 84 % du revenu de son patrimoine. Mais, en 2010, le taux d'intérêt légal est descendu à 0,65 % tandis que le taux maximal était de 1,8 %, soit trois fois le rendement du placement.
Son deuxième défaut est qu'il est trop concentré puisqu'il ne frappe que 570 000 contribuables alors que les détenteurs de patrimoine sont assurément beaucoup plus nombreux. Il ne serait pas illégitime de faire contribuer une population beaucoup plus large, qui le supporterait d'autant mieux que, avec un taux proportionné au rendement, le coût individuel serait faible. La « démocratisation » de l'ISF pourrait être une solution au délicat problème consistant à baisser les taux sans provoquer de perte substantielle de recettes, et elle ferait tout de même la différence entre ceux qui détiennent un certain patrimoine et les autres. Les meilleurs impôts sont ceux payés par le maximum de personnes.
Enfin, la réforme, quelle qu'elle soit, devrait laisser subsister un mécanisme de plafonnement de sorte qu'aucun contribuable ne paie davantage d'impôt qu'il ne touche de revenu de son patrimoine, quitte à intégrer les revenus de jouissance des biens détenus, notamment immobiliers, ou qui prennent la forme de capitalisation.