Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat qui nous occupe ce soir est éminemment délicat car il touche à l'intime, à ce qu'il y a au coeur des couples, au coeur de nos familles, ce qui est à l'origine même de nos vies. Et nous parlons d'embryons en oubliant trop souvent que chacun de nous en a été un il y a quelques années, que nous sommes nés d'un homme et d'une femme qui ne cherchaient pas à avoir un enfant parfait.
Je vois certains médias titrer « Bioéthique, le statut quo », comme si sur ces sujets délicats, il était impératif d'avancer. Mais je vous le demande, d'avancer vers quoi ? À quoi sert le progrès s'il n'est au service de l'Homme, c'est-à-dire pas nécessairement au service des couples, car l'intérêt de l'enfant à naître et le respect de principes de bon sens sont également à prendre en compte.
Ces principes communs à un grand nombre de sociétés sont assez simples : respect de la vie et de la dignité humaine, non-instrumentalisation du corps humain, et, en un mot, vigilance face à des apprentis sorciers prêts à tout au nom de la science.
Les sujets dont nous allons discuter sont graves, et il va nous falloir garder à l'esprit, à chaque instant, que nous parlons d'embryon ou de foetus, ce que nous avons tous été avant de naître. Le diagnostic prénatal va nous être présenté par certains comme un test qui va rassurer les parents et leur permettre un choix éclairé. Mais il serait naïf de penser qu'on peut choisir librement lorsqu'on est confronté à la maladie d'un enfant.
Chaque parent souhaite pour son enfant la vie la meilleure possible, mais en quoi la vie d'un enfant atteint de trisomie 21 aurait-elle moins de valeur que celle d'un enfant qui n'en est pas atteint ? Et si, au lieu de rendre un tri-test très coûteux obligatoire, l'État finançait enfin la recherche pour soigner cette maladie qui n'est pour l'instant que dépistée ?
Je regrette que ceux qui s'acharnent à vouloir faire de la recherche sur l'embryon – cela fait vingt ans qu'ils n'obtiennent aucun résultat ! – ne soient pas aussi motivés lorsqu'il s'agit de recherche sur les cellules souches adultes et du sang de cordon ombilical grâce auquel des chercheurs étrangers ont déjà obtenu des résultats probants pour guérir des malades atteints de pathologies du sang comme la leucémie ou des maladies génétiques. Il y a plus de 800 000 naissances en France par an, et donc autant de cordons ombilicaux collectables, sans aucun problème éthique. C'est un formidable espoir pour les malades et leurs familles !
Le 26 janvier dernier, le premier « bébé médicament » est né en France. Il a été conçu par fécondation in vitro après un double diagnostic génétique pré-implantatoire permettant le choix des embryons, et le sang de son cordon ombilical a été transmis à son grand frère dans l'espoir de le guérir de sa maladie, forme grave d'anémie génétique.
Si l'on peut se réjouir de cet espoir de guérison d'un petit garçon, il ne faut pas oublier que ce type de pratique, qui a été légalisée en France par un amendement lors de la discussion du projet de loi sur la bioéthique en 2004, pose des interrogations éthiques importantes.
Je tiens à rappeler que cette sélection embryonnaire ne se fait pas au profit de l'enfant à naître : le bébé médicament est investi d'un espoir qui fait peser sur lui l'injonction de sauver son frère aîné. Il doit sa vie non plus au seul désir le concernant, mais à la mission pour laquelle il a été conçu. S'il n'arrive pas à accomplir sa mission de sauveur, il risque de se sentir défaillant et coupable, voire inutile et indigne de vivre.
Cette instrumentalisation constatée au travers du tri embryonnaire fait du bébé médicament une victime, et les psychiatres envisagent logiquement des troubles spécifiques pour ces personnes. Notre excellent collègue Nicolas Dhuicq, seul psychiatre de notre assemblée, pourrait sûrement nous en parler longuement.
Je comprends les espoirs et attentes des couples qui souffrent d'infertilité, mais plutôt que de financer des recherches infructueuses sur les embryons, pourquoi notre pays ne décide-t-il pas de lancer une grande politique nationale de lutte contre la stérilité ? En effet, la FIV ne règle pas le problème de ces couples qui doivent, à chaque désir d'enfant, revivre un parcours difficile. En cette heure avancée de la nuit, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)