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Intervention de Laurence Dumont

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Dumont :

…constitue en réalité une aliénation profonde de la personne tout entière, et pendant longtemps, et une marchandisation de son corps et de celui de l'enfant.

Elle est, en ce sens, contraire aux droits fondamentaux de la personne et à la dignité de celle-ci ; elle est contraire au principe d'indisponibilité du corps humain et de l'état des personnes, comme l'a énoncé la Cour de cassation en 1989.

Loin d'être un progrès, toute légalisation de cette pratique représenterait une régression du droit et une extension du domaine de l'aliénation car, comme le disait Kant, si l'homme a une dignité, c'est qu'il n'a pas de prix, et s'il n'a pas de prix il doit être traité comme une fin, non comme un moyen.

Sur le second sujet, l'anonymat des dons de gamètes, je serai attentive à nos débats car, si je suis contre la levée de l'anonymat, c'est un sujet sur lequel la réflexion mûrit.

La sacralisation du lien génétique qui existe pour moi dans la GPA est aussi la cause ou l'explication de la volonté de certains de lever l'anonymat sur le don de gamètes. De nombreux rapports et de nombreuses institutions se sont prononcés pour le maintien de l'anonymat.

Notre commission, vous l'avez dit, a fait tomber l'ensemble du titre V de ce projet de loi, contre l'avis du Gouvernement, car elle souhaite que soit maintenue la législation actuelle, qui privilégie l'histoire parentale à la généalogie biologique. J'espère, monsieur le ministre, que nos travaux seront respectés et que vous ne passerez pas en force. J'ai cru comprendre que tel serait bien le cas en vous lisant ce matin dans la presse.

En effet, lever l'anonymat répondrait certes à la demande de certains enfants nés à partir de dons, et je ne sous-estime pas la souffrance de quelques-uns d'entre eux, mais les conséquences analysées tant sur les enfants et les familles ayant eu des enfants issus du don que sur les donneurs me semblent problématiques.

De plus, les baisses de dons qui risquent d'en découler priveraient des familles de la possibilité d'avoir des enfants.

Enfin, cette levée de l'anonymat risquerait – même si je n'ai pas de certitude – d'avoir pour conséquence l'installation du secret sur la conception de l'enfant, alors que l'ensemble des professions médicales préconisent une information de l'enfant pour son équilibre. Cette crainte, si l'on en croit certaines des auditions que nous avons faites – mais l'exemple de la Suède semble controversé – ne relève pas du fantasme. Elle ressort des expériences étrangères et des études, notamment celles conduites par les centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme, les CECOS.

Des parents ont ainsi avoué qu'ils renonceraient à informer leur enfant sur son mode de création s'il avait par la suite la possibilité de rechercher son père ou sa mère biologique. Cela conduirait à une perturbation trop importante qui pourrait se solder de surcroît par un refus d'identification de la part du donneur, ce qui me semble encore plus destructeur.

Le don de gamète, s'il permet d'avoir un enfant, ne constitue pas l'origine de celui-ci. Cette origine se trouve dans la seule rencontre de ses parents et dans leur décision de mener à bien un projet parental, de se donner une descendance commune. L'histoire de cet enfant n'est pas celle du donneur, mais celle des récits, des silences, de tout ce que lui transmettent ses parents. Elle est imprégnée de leur histoire, de leur culture, de leurs valeurs. Permettre à l'enfant né grâce au don de poursuivre la quête d'une autre histoire, d'une autre origine, est peut-être plus porteur de frustration et de déséquilibres que de certitudes rassurantes pour l'enfant et sa famille comme pour les donneurs.

Ces derniers, d'ailleurs, n'ont pas donné un enfant ; ils ont contribué à aider des familles qui ne pouvaient en avoir.

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