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Intervention de Jean-Sébastien Vialatte

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Sébastien Vialatte :

Nous voici à la fin du processus de révision de la loi de bioéthique. Ce projet de loi suscite de grandes attentes de la part de nos concitoyens, comme l'a montré la richesse des débats qui ont contribué à son élaboration. Ces attentes sont bien souvent contradictoires. Les avancées scientifiques fascinent. Une véritable gourmandise scientifique s'est emparée de nos contemporains à la faveur d'informations souvent sensationnelles publiées par les médias. Ces progrès rapides provoquent des angoisses, des craintes, voire des rejets. Une défiance à l'égard des sciences s'installe ici et là qui nourrit l'irrationnel. Aussi s'agit-il pour nous de faire oeuvre de pédagogie.

Les lois de bioéthique, si liées aux avancées scientifiques, interrogent chacun car elles touchent au vivant, à l'humain, aux structures familiales, au droit de la personne, à la liberté individuelle, au respect de la vie privée, à l'autonomie de la volonté, aux convictions philosophiques et religieuses de chacun. En outre, les décisions prises concernant l'assistance médicale à la procréation, la mise sur le marché de tests génétiques, l'utilisation de la neuro-imagerie et des neuro-sciences auront un impact direct sur les générations futures. Au-delà de nos appartenances politiques, il nous a fallu identifier les problématiques nouvelles posées par les développements scientifiques, afin de nous informer et de faire en sorte que les dispositions que nous adopterons soient en adéquation tant avec les découvertes scientifiques, qu'avec les attentes de la société.

Le projet de loi de bioéthique examiné aujourd'hui revêt un caractère particulier par rapport à ceux qui l'ont précédé. Il ne comporte plus de clause de révision systématique de la loi. Les principes de respect de la dignité humaine, de non marchandisation du vivant, de gratuité qui ont fondé notre démarche s'en trouvent renforcés et il y a lieu de s'en réjouir. Pourtant, rien n'est figé car en améliorant le projet de loi initial, l'on a veillé à renforcer les mécanismes d'évaluation, d'information et de contrôle par les législateurs qui, à tout moment, peuvent réviser ce texte.

Se trouvent ainsi élargies les compétences de l'agence de la biomédecine – dont je salue le travail. De même, l'importance des avis du comité national consultatif d'éthique a été accrue. Les débats au sein de la commission spéciale, ont souligné combien il était important que le Parlement soit régulièrement informé des avancées scientifiques pour évaluer, le plus en amont possible, leur impact juridique et éthique sur la société. Des procédures d'alerte de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques ont été par conséquent opportunément prévues.

Des avancées importantes ont pu être faites. Elles concernent l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ; il ne s'agit pas d'un diagnostic classique, il touche au patrimoine génétique de toute une parentèle et peut concerner, outre l'intéressé, ses descendants, ses parents, des enfants à naître. Il vaut pour le présent comme pour l'avenir. On est enfin parvenu à résoudre la difficile question de l'information de la parentèle en cas de découverte d'une anomalie génétique grave susceptible de mesures de prévention ou de soins. Cependant la protection des données personnelles reste difficile à assurer. La commission nationale de l'informatique et des libertés s'alarme à juste titre ; certes, les dispositions nouvelles peuvent éviter que des tiers puissent s'en prévaloir mais est-ce suffisant ?

Il faut saluer la prise en compte, à partir des travaux de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques, et de ceux la commission spéciale, des défis éthiques que lancent les sciences émergentes, qui constituent un nouveau chapitre du projet de loi. Elle contribue à une prise de conscience des dangers potentiels pour les libertés publiques de la convergence des technologies.

La loi de bioéthique de 2004 n'en traitait pas. Or le développement exponentiel des nanotechnologies et des biotechnologies fait naître des interrogations, des inquiétudes et, surtout, un besoin de débattre de l'impact de telles recherches sur une société qui craint de plus en plus les manipulations et les atteintes à la vie privée et à l'autonomie de la volonté. De même, la rapidité avec laquelle les neurosciences conquièrent notre société est déconcertante. Il est donc essentiel que soit confiée à l'agence de la biomédecine une mission de veille éthique sur les neurosciences et leurs applications.

Il y a également lieu de se réjouir des avancées du projet de loi qui permettra d'accroître le nombre de donneurs d'organes et de cellules, leur conférant enfin un statut plus protecteur. Il en va de même des mesures législatives préconisées pour accroître le don et, surtout, la conservation des gamètes, notamment celles des ovocytes. Cette mesure est attendue avec impatience par des malades que les traitements rendent infertiles.

L'accès à l'assistance médicale à la procréation reste réservé aux couples médicalement infertiles. Je m'en félicite d'autant plus que les couples mariés, pacsés ou concubins sont traités sur un pied d'égalité, et que le nombre d'ovocytes fécondés est limité, leur conservation étant expressément prévue par le texte. Toutefois, je regrette que la procréation médicalement assistée ne soit pas autorisée pour les femmes célibataires médicalement infertiles.

Pour des raisons idéologiques, la recherche sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires humaines demeure le sujet de toutes les discordes. Je rappelle que ceux qui, comme moi, sont favorables au développement de ces recherches ne considèrent pas l'embryon humain comme un matériau biologique sans importance. Il est, évidemment, une personne humaine potentielle. Néanmoins, notre position part du principe que l'embryon non implanté, et qui ne le sera pas faute de projet parental, peut faire l'objet de recherche, destin plus noble que sa destruction pure et simple. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

Après bien des péripéties, nous avons fini par supprimer le moratoire. Cependant, le principe d'interdiction de cette recherche est maintenu au prétexte que ce régime équivaut, dans les faits, à celui d'une autorisation encadrée. Pourtant, dans sa rédaction actuelle, le texte ne permet même pas de soigner l'embryon car de tels soins resteront assimilés à une recherche ; l'amélioration de l'assistance médicale à la procréation sera donc difficile à réaliser.

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