Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean Dionis du Séjour

Réunion du 8 février 2011 à 21h30
Bioéthique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Dionis du Séjour :

Nous voici réunis pour écrire un nouveau chapitre de la législation sur la bioéthique, chapitre qui, je l'espère, adoptera le sens emprunté jusque lors, c'est-à-dire pertinent, prudent, s'appuyant à la fois sur les avancées scientifiques et le respect des valeurs fondatrices de notre société. Voilà maintenant presque vingt-huit ans que la bioéthique a fait irruption dans notre quotidien avec la création du comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

Nos débats seront le point d'aboutissement de travaux préparatoires qui ont mobilisé, dans toute la France, des centaines de médecins, de scientifiques, de juristes et de citoyens intéressés par ces enjeux depuis plus d'un an. Quel que soit le résultat final, la démarche qui a présidé à nos travaux honore la démocratie française.

Reste – et c'est tout de même l'essentiel – le résultat final. Or ce texte, comme ceux qui l'ont précédé, est éminemment sensible. Il concerne nos aspirations légitimes à avoir une descendance, mais aussi le droit des enfants à avoir des parents si possible « durables ». Il traite du début de la vie comme de la place du handicap et de la maladie dans notre société et, par là, mobilise nos convictions les plus profondes et les met en tension avec nos responsabilités de législateur d'une société diverse, complexe et en évolution rapide.

D'un point de vue personnel, mes convictions chrétiennes ont alimenté ma réflexion et mes positions sur ce sujet de société, même si je sais parfaitement que les chrétiens pratiquants sont une minorité et que la société française est diverse sur ces enjeux. Éthique de conviction et éthique de responsabilité, pour reprendre la problématique de Max Weber, sont également mobilisées dans ce débat et j'ai été heureux de le préparer avec des collègues partageant à la fois les mêmes convictions que moi et le même souci de vivre ensemble dans une France laïque.

Comme nous l'avons exprimé dans une tribune collective publiée dans le Figaro, mon vote dépendra des positions adoptées par le Parlement sur quatre points que je juge fondamentaux pour l'avenir de notre société.

Il faut d'abord dire clairement et fortement que la recherche d'une société de citoyens sans handicap de naissance est une illusion eugénique mortelle. Le diagnostic prénatal, en particulier le dépistage systématique de la trisomie 21, doit être rééquilibré en ce qui concerne l'information délivrée aux femmes en leur laissant une véritable liberté de choix qu'elles n'ont plus actuellement, soumises qu'elles sont à une pression constante pour effectuer des tests d'une ampleur telle qu'on peut parler de risque de dérive eugénique. Les praticiens, souvent découragés, doivent par ailleurs retrouver la liberté et la responsabilité de prescription, de dépistage, en conscience, selon les attentes et la situation de santé de leurs patientes.

Notre deuxième objectif vise à limiter les embryons surnuméraires évalués actuellement à plus de 170 000. Le texte de la commission fixe pour la première fois comme objectif législatif la diminution de ce nombre d'embryons bien peu glorieux pour notre pays. Il s'agit d'une véritable avancée. Leur congélation est, aux termes mêmes de la mission parlementaire, une « transgression première » qui pourrait pourtant être évitée. Certains pays ont agi dans le bon sens comme l'Italie, l'Allemagne où les fécondations in vitro sont réalisées sans conservation d'embryons. Les techniques d'assistance médicales de procréation doivent rester une réponse à proposer pour la stérilité de couples stables avec un véritable projet parental et, dans ce contexte, la production d'embryons surnuméraires pour optimiser le taux de réussite de ces techniques, quitte à les utiliser de manière destructrice pour la recherche, est tout simplement inacceptable à nos yeux.

Nous devons ensuite clairement accélérer le développement de méthodes alternatives à la recherche sur l'embryon. Non seulement ces recherches menées dans le monde depuis plus de vingt ans n'offrent pas la perspective de progrès thérapeutiques escomptés mais les progrès scientifiques ont suscité l'émergence de méthodes d'efficacité comparable, notamment grâce aux cellules de sujets adultes reprogrammées. L'embryon humain ne peut être un matériau de laboratoire servant des intérêts économiques et financiers. La France s'honorerait de développer ces méthodes réconciliant l'éthique et la science.

Enfin, il convient d'instaurer une bioéthique citoyenne. Didier Sicard, ancien président du Comité national d'éthique, définit celle-ci comme « un questionnement sur des conflits de valeurs suscités par le développement techno-scientifique dans le domaine du vivant ». Il a raison. Nous sommes donc condamnés à affronter ce questionnement sans cesse renouvelé. Nous devons donc nous organiser de manière démocratique pour gérer ce débat perpétuel.

Pour cela, l'agence de biomédecine a fait preuve de son utilité. Elle n'en doit pas moins demeurer à sa place. Cette modestie à retrouver passe, notamment, par un contrôle de l'agence de biomédecine à laquelle il a été laissé une délégation de pouvoir excessive, notamment en ce qui concerne les autorisations de recherche sur l'embryon. D'aussi importantes décisions ne peuvent pas être de la responsabilité de quelques scientifiques quand elles concernent la vie de tous les Français. Nous pensons qu'il revient aux citoyens et à leurs représentants de pouvoir décider des questions qui engagent l'avenir de l'homme et de la médecine. Nous ne voulons, dans ce domaine, ni une république des savants, ni une république des médecins, ni même une république des juristes. Le Parlement ne doit pas se dessaisir de son rôle.

Voilà, à grands traits, le point d'équilibre entre mes convictions personnelles et les contraintes du législateur que je suis sur les enjeux principaux de ce texte. Les avancées technologiques doivent nous permettre de dépasser certaines souffrances comme la stérilité ; en aucun cas nous ne devons les détourner à des fins qui ne donneraient pas la priorité à la vie et à 1'enfant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion