Comme le dit très justement M. Jean-Marie Kunstmann, vice-président de la Fédération des CECOS, praticien hospitalier à l'hôpital Cochin : « L'anonymat permet de dépersonnaliser les gamètes, ce qui facilite leur réinvestissement et leur humanisation par le couple receveur ».
Gardons toujours à l'esprit que la procréation par don de gamètes résulte avant tout et principalement du désir d'un homme et d'une femme de marquer leur union en se perpétuant dans une descendance, malgré les problèmes médicaux qui les ont contraints à recourir à un tiers donneur. L'origine de l'enfant né de ce don, c'est bien la concrétisation de la volonté de ces deux personnes de devenir parents. Le principe de l'anonymat favorise cette conception du rôle irremplaçable de la filiation psychique.
L'anonymat a toujours pour corollaire de garantir la gratuité, principes qui ont, dès 1994, consacré un principe de niveau plus essentiel encore, celui de non-patrimonialité du corps humain : si mon corps est moi, par contre, il n'est pas à moi.
Les règles de l'anonymat et de la gratuité du don marquent clairement que nous refusons de faire la moindre concession à ceux qui, d'une façon ou d'une autre, nous presseraient un jour de nous situer sur le terrain de l'échange calculé quand nous avons délibérément pris le parti de nous installer sur celui de la solidarité désintéressée. Avec le don anonyme et gratuit, les éléments et les produits de mon corps ne sont pas hors usage, mais ils doivent être assurément hors commerce et plus généralement hors contrat.
En écornant si peu que ce soit le principe de l'anonymat, je suis convaincu que, tôt ou tard, et malgré nous, nous nous retrouverions confrontés à l'échange contractuel et, du même coup, à la mise à mal du principe de non-patrimonialité du corps humain.