Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, depuis 1994, la France s'est dotée d'un dispositif législatif visant à encadrer les pratiques biomédicales sur la personne humaine, rappelant ainsi le socle de valeurs sur lequel notre société s'est construite.
En effet, l'accélération des innovations scientifiques et médicales dans les domaines de la génétique, de la procréation médicalement assistée ou de la recherche sur les embryons ont conduit le Parlement à définir les droits et les obligations des acteurs concernés par le problème du début de la vie.
Quelle conception avons-nous de l'homme et du vivant ? C'est là tout l'enjeu de la bioéthique, qui signifie étymologiquement « morale du vivant ». Toutes les sociétés sont concernées par cette question. Mais, dans le domaine de la bioéthique, aucun consensus international ne prévaut. Nous sommes seuls face à ces interrogations, et aucune loi, d'aucun autre pays, ne nous libérera de cette responsabilité. Rien ne s'impose à nous que notre propre conscience.
Certaines nations ont fait le choix d'une approche éthique moins exigeante et moins régulatrice que la nôtre. La France, quant à elle, a pris le parti de respecter certaines valeurs essentielles qui cimentent notre société.
Légiférer sur la bioéthique, c'est donc d'abord réaffirmer un ensemble de principes fondamentaux : la dignité de l'être humain, le respect dû au corps, la protection de l'embryon et l'intérêt de l'enfant. Y déroger, c'est nier l'homme dans ce qui fait son humanité, c'est quitter l'état de culture pour revenir à l'état de nature.
Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l'homme consacre du reste l'intangibilité de ces principes en rappelant « que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde ».
Ces valeurs se retrouvent dans notre droit national, notamment à l'article 16 du code civil, qui dispose que « la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie ».
La dignité, c'est-à-dire le fait que la personne humaine a une valeur absolue, donc qu'elle n'a pas de prix, est donnée à chaque être. Elle est intrinsèque. Voilà pourquoi il ne saurait être question de la proportionner ou de la subordonner à quoi que ce soit.
La France, pays des droits de l'homme, doit être fière de ses principes et ne pas céder à la tentation du « moins-disant » éthique par imitation, au vu de ce qu'autorisent ou non nos voisins étrangers. Car la France, pays marqué par les Lumières, jouit d'un rayonnement intellectuel important dans le monde ; ses choix et ses prises de position sont observés avec attention. Ne craignons donc pas de protéger la dignité humaine ; loin d'être en retard par rapport aux autres États, nous serons en avance sur eux d'un point de vue éthique.
Cette loi de bioéthique s'inscrit dans un contexte historique, social et culturel propre à notre pays, que nous devons respecter. Notre système juridique repose sur la recherche de l'intérêt général, c'est-à-dire que la déduction des droits émane de la communauté et qu'elle est opposée à tout individualisme.
Aussi forte que soit sa compassion, le législateur ne doit pas se laisser gouverner par ses émotions ou se contenter de transcrire mécaniquement dans la loi les évolutions techniques ou sociales, mais garder à l'esprit l'intérêt et le bien communs. Chaque expérience, chaque parcours de vie, chaque souffrance, chaque désir est éminemment respectable. Néanmoins, le devoir du législateur est de transcrire dans la loi des règles applicables à tous, fondées sur une éthique partagée. Or c'est en s'appuyant sur les principes qui fondent notre nation, sur ce qui constitue notre vivre ensemble, que la loi de bioéthique sera la traduction d'un consensus social.
Il nous faut donc rechercher, mes chers collègues, cette transcendance des valeurs qui nous unissent au-delà de nos opinions politiques, philosophiques ou religieuses.
Plus encore que de dire ce qui est permis, le rôle de cette loi consiste à fixer un cadre et à déterminer ce qui est interdit.
Ainsi, en 1994, parce que la morale commune et le droit positif ne garantissaient pas un usage non dévoyé des nouvelles techniques, le Parlement a défini plusieurs principes qui forment le socle de notre législation actuelle : l'anonymat et la gratuité du don de gamètes, le caractère libre et éclairé du don, l'interdiction des manipulations génétiques, l'encadrement de l'assistance médicale à la procréation ou encore l'interdiction de la gestation pour autrui.
La loi de 2004 s'est inscrite dans la continuité de celle de 1994.
Comme le prévoyait la clause de révision introduite dans la loi de 2004, le Parlement doit réévaluer la précédente loi de bioéthique. Afin de préparer les modifications législatives susceptibles de voir le jour, une mission d'information parlementaire a été créée en juin 2008.
Au nom du groupe UMP, je tiens à saluer l'excellent travail effectué par ses membres. Je souhaite tout particulièrement féliciter le président de la mission, notre collègue Alain Claeys, qui a dirigé les débats avec beaucoup d'intelligence, ainsi que le rapporteur, Jean Leonetti pour la qualité de sa réflexion.
Après avoir mené cent huit auditions, la mission parlementaire a présenté un rapport d'information réaffirmant les principes définis en 2004.
Elle a également émis des propositions parmi lesquelles la levée du moratoire de cinq ans concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires, la suppression de la clause de révision de la loi ou l'autorisation des dons croisés d'organes, préconisations reprises par le Gouvernement et présentes dans le projet de loi.
Le Conseil d'État, le comité consultatif national d'éthique, l'agence de biomédecine, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ont eux aussi apporté leur contribution à la question de l'avenir de cette loi de bioéthique.
Des états généraux de la bioéthique ont en outre été organisés au premier semestre 2009 afin de permettre à nos concitoyens d'intervenir dans ce débat majeur.
Le travail de préparation de la révision de la loi de bioéthique, très sérieux et important, a abouti à quelques modifications des textes précédents. Dans l'ensemble, le projet de loi présenté aujourd'hui, somme toute assez court, s'inscrit dans la lignée des lois de 1994 et 2004.
Je félicite le législateur de ne pas avoir eu l'angoisse de la page blanche et de s'être refusé à réformer à tout prix. En effet, pourquoi modifier la loi si elle est adaptée ?
Les parlementaires sont aujourd'hui confrontés à une interrogation essentielle : le rôle du droit est-il de répondre à toutes les demandes techniquement réalisables ? Doit-on alors instaurer un droit d'enregistrement que l'on pourrait qualifier de notarial ou d'hypothécaire ? Si le droit ne peut ignorer les évolutions scientifiques et sociales, il doit, avant tout, faire preuve de cohérence, car sa légitimité repose sur sa capacité à traduire et à faire respecter un système de valeurs autour duquel la société se construit.
Le droit doit encadrer les pratiques en fonction de valeurs et non de techniques. Par conséquent, prévoir un réexamen périodique des textes de bioéthique en vue de les adapter aux évolutions scientifiques apparaît tout à fait contradictoire avec l'esprit de la loi, qui a vocation à garantir le respect des grands principes qui structurent notre société.
Cela justifie qu'aucun réexamen dans les cinq ans ne soit à nouveau prévu.
Ce projet de loi est un texte équilibré, fidèle aux grands principes de notre société. Je vous propose, mes chers collègues, de l'examiner en gardant à l'esprit cette phrase de Vercors : "L'humanité n'est pas un état à subir, mais une dignité à conquérir". (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)