Vous prenez ainsi le risque d'une véritable fracture entre la société et sa représentation, le risque, aussi, d'une fracture entre les générations.
Le projet de loi n'est pas à la hauteur de ces enjeux de société. Le législateur n'assume pas que le rôle du droit est d'abord d'énoncer la règle du jeu pour tous ; il préfère s'en laver les mains et laisser aux individus le soin de se débrouiller entre eux comme ils le pourront.
Il n'admet pas que le droit à l'identité personnelle est un droit fondamental de la personne, puisqu'il ne touche pas à la règle mais se contente d'en tempérer les effets. Il ne construit pas un nouveau modèle de responsabilité, mais conserve le vieux modèle, en choisissant le statu quo qui transforme cette loi en carcan.
L'absence même du principe de révision régulière est de ce point de vue inquiétant : nous n'aurons plus l'obligation de revoir tous les cinq ans la loi que nous allons voter. On sait bien, pourtant, combien la technique et le progrès scientifique vont plus vite que le droit : il est nécessaire d'encadrer ces avancées scientifiques.
Comme l'écrivait le philosophe Jacques Ellul dans La technique ou l'enjeu du siècle, livre prémonitoire paru en 1954, le progrès technique n'entraîne pas forcément le progrès humain ; lorsque l'on ne contrôle pas démocratiquement le progrès technique, il peut se retourner contre nous, et alors que nous croyons qu'il va nous libérer de nos contraintes et de notre nécessité, il nous avilit et peut nous rendre moins libres.