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Intervention de Noël Mamère

Réunion du 8 février 2011 à 15h00
Bioéthique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

…et que, ma conviction étant faite, je la défends, parce que je pense qu'il faut que nous en débattions. De la même manière, j'ai été le seul à présenter, au sein de la commission spéciale, un amendement sur la gestation pour autrui. Je pense que ces sujets ne doivent pas être exclus de nos discussions. La représentation nationale fait son choix, délibère et vote, mais il est de notre devoir de ne pas escamoter le débat.

C'est la raison pour laquelle je reviens sur cette question. La filiation se trouve saisie, comme je viens de l'indiquer, par la biomédecine, au risque de créer une catégorie d'enfants à part de toutes les autres, la seule qui, par hypothèse, ne pourrait pas, et ce à jamais, obtenir de réponse – au moins sur une de ses lignes, paternelle ou maternelle – à la question qui, pour les autres, pour nous tous, est d'une importance évidente : « à qui dois-je d'être né ? » La question de l'origine et celle de la filiation ne sont pas les mêmes.

En effet, tout se passe comme si notre société moderne avait du mal à s'accorder avec elle-même. D'un côté, face à une stérilité que nombre de couples vivaient comme une tragédie, elle a inventé une nouvelle manière de faire des enfants en instituant un acte de don d'engendrement, qui implique différents acteurs aux rôles complémentaires et placés sous l'égide de l'autorité médicale. De l'autre, elle a décidé – au départ du moins car nombre de pays ont changé leur loi ces dernières années – de ne pas se rendre compte à elle-même de ce qu'elle faisait.

Au moment même où elle a permis à des enfants de naître autrement que comme le fruit de la rencontre d'un homme et d'une femme en organisant des dons de sperme, et à des receveurs-parents de valoriser au sein de leur propre couple aussi bien la dimension charnelle de la procréation que sa dimension intentionnelle, elle a décidé d'effacer les traces de ces actes en transformant les donneurs d'engendrement en fantômes anonymes, comme si ce qu'ils avaient fait, c'est-à-dire donner de leur capacité reproductive pour permettre à d'autres de devenir parents, ne trouvait pas de statut dicible, et pourquoi pas valorisable, dans notre culture. Comme si le don était ici couvert d'opprobre.

L'hypothèse d'une levée de l'anonymat des dons en AMP semble générer tout un ensemble de malentendus. Il existe désormais en France une véritable demande sociale de changement de la loi, issue en particulier des premiers concernés – une partie des enfants nés des premiers dons de sperme et devenus aujourd'hui de jeunes adultes – et prenant appui sur l'exemple de nombreux pays européens comme la Suède et la Grande-Bretagne. Ils réclament la levée de cet anonymat. Au droit français actuel, régi par la règle d'anonymisation de tous les dons – de sperme, d'ovocyte, d'embryon –, il est proposé de substituer un autre principe, celui de l'accès de l'enfant à ses origines personnelles.

Bien qu'elle soit clairement énoncée, cette revendication est rarement entendue pour ce qu'elle est, ce qui alimente de multiples faux débats et cette terrible confusion que j'évoquais il y a quelques instants entre l'origine et la filiation.

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